Journée mondiale de la poésie/Louise Warren

Pensées tressées

Le recueil de Louise Warren qui vient de paraître, le plus petit espace, est le 17e – en plus de neuf essais – de la poète-essayiste. À la veille de la Journée mondiale de la poésie, le 21 mars, également jour de son anniversaire, La Presse a parcouru avec elle son chemin de pensées tressées.

Dans son ouvrage publié l’automne dernier, La plénitude du vide, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan soutient que « le vide est la matrice de tout ». Louise Warren contemple cette plénitude dans le plus petit espace. Un espace qui appelle la pensée, un lieu où, écrit-elle, « le désir du peu/ agrandit le vide ». 

« C’est naturel chez moi. Je tourne autour du rien, mais j’évoque un monde rempli de détails. Le fait d’avoir de moins en moins de choses me donne un sentiment de grande liberté. Être dans un lieu où l’on peut se déposer. Avoir un espace pour créer et accueillir le plus petit. Soudainement, on se trouve en lien avec soi. Donc, on peut flotter. » 

C’est là qu’elle écoute, qu’elle voit venir la pensée. Essais et recueils se suivent et sont tissés du même fil. Louise Warren reste proche de la pensée taoïste. Aller vers le rien pour arriver au tout. 

« Je cherchais à ralentir l’intensité, il y a cinq ans. Dans le fond, avec le plus petit espace, il s’agit de cette réduction d’intensité. J’ai vraiment atteint ce que je cherchais. C’est un livre qui demande avant tout d’arrêter la machine à questions et de laisser venir le poème à soi. Tout est sur un pied d’égalité avec une ouverture à tous les sens. » 

Essais-poèmes

Louise Warren creuse inlassablement le même sillon depuis ses débuts. Elle vit un espace-temps où les pensées des essais se poursuivent dans les sensations des poèmes. 

« Les poèmes, on peut les lire isolément, mais aussi comme un grand enchaînement. Ce sont des qualités de flottement, comme dans l’essai La vie flottante. Ça permet un enchaînement beaucoup plus vaste. Je vois les poèmes comme des mobiles, des nuages ou des constellations. »

— Louise Warren

Paru à la fin 2015 et passé presque inaperçu, La vie flottante – Une pensée de la création aura tout de même été finaliste aux prix du Gouverneur général l’an dernier. Il rend également compte d’une démarche cohérente. En mouvement. 

Son travail poétique n’a d’ailleurs rien de statique non plus. Visuellement différent, le plus récent recueil accroche de courts poèmes dans le haut de la page à droite. 

« Le blanc qui fait partie du poème dans la page, c’est vraiment un espace de projection. Comme il n’y a pas de traces de récit ou de pathos, les gens remplissent cet espace de ce qu’ils sont. C’est le miroir des pages. J’ai senti que je prenais plus de risques que d’habitude, mais je savais que ce risque me faisait avancer. Je voulais faire en sorte que la pensée soit aussi présente que dans mes essais. Les poèmes et les essais s’emboîtent comme des poupées russes. » 

Ouvrir l’esprit

Écrire moins n’est pas renoncer quand le poème ouvre l’esprit. Le dépouillement du plus petit espace a demandé encore plus de travail, en fait.

« Tout paraît dans un petit poème. Chaque mot. On ne peut pas se permettre d’arriver avec le mot qui n’est pas juste. On ne peut pas le répéter non plus dans un livre où il y en a si peu. C’était un défi de justesse et une autre façon de dire. »

La poésie n’est rien d’autre, après tout. Et c’est déjà beaucoup. Ici, la ponctuation disparaît, les majuscules et les verbes aussi. Ils prennent alors encore plus d’importance pour celle qui s’inscrit toujours dans une écoute active du monde. 

« J’ai l’impression que les majuscules sont à l’image de l’ego de ceux qui les multiplient. Il est possible de reconnaître une personne qui utilise les majuscules à la façon dont elle bouge une chaise. C’est pour ça que la première lettre du titre est en minuscule. » 

Venant d’une poète majeure, tout est dit. 

Louise Warren donnera deux lectures avec accompagnement musical : au Musée de l’Amérique francophone à Québec le 10 avril et à la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal le 11 avril. 

La vie flottante – Une pensée de la création

Éditions du Noroît, Chemins de traverse

161 pages

Extrait

« Le poème dans un essai agit plus qu’une simple illustration. Il participe au tressage de la pensée. Ma recherche, mon approche de la pensée font cohabiter le poème et l’essai sous forme de fragments. Ce que certains prendraient pour des notes me sert de point d’appui dans cette action de regarder, d’imaginer, de conclure. Repères pour celle qui emprunte la diagonale quand tout arrive trop vite. »

le plus petit espace

Noroît

115 pages

Extrait

« une ligne à la fois/ne pas renoncer/à la diminution/pencher la tête/ouvrir l’éclair »

« le corps/le plus petit espace/s’endort/retient le sommeil/l’os rompu/l’oreiller mou »

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