Études américaines

Le gouvernement au service des riches ? Pas si sûr…

Le gouvernement tranche-t-il plus souvent en faveur des riches ? Trois nouvelles études américaines concluent que ce n’est pas le cas. Entrevue et explications.

FAVORISER LES RICHES ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les élus ne favorisent pas les riches. C’est la conclusion à laquelle arrivent trois nouvelles études américaines, qui démontrent que le gouvernement n’est pas particulièrement à l’écoute ou au service des électeurs nantis. « Oui, ça nous a surpris », explique à La Presse J. Alexander Branham, candidat au doctorat au département d’études gouvernementales de l’Université du Texas, coauteur de When Do the Rich Win ?, réalisée avec des professeurs de l’Université du Michigan et de l’Université du Texas. « C’est une découverte significative, et ça fait tomber en partie la notion voulant que les riches “contrôlent l’ordre du jour” du gouvernement. »

9 FOIS SUR 10

Les chercheurs ont tiré leurs conclusions en analysant 1779 lois adoptées par le Congrès américain entre 1981 et 2002 – une période où la Maison-Blanche était principalement entre les mains des républicains. Les riches (définis comme les 10 % les mieux nantis) et les gens de la classe moyenne étaient du même avis 9 fois sur 10 au sujet des lois adoptées par le Congrès, ont constaté les chercheurs. M. Branham remarque que des études avaient déjà démontré que les opinions sur différents enjeux politiques ne changeaient pas en fonction du revenu des gens, mais ce niveau de corrélation l’a surpris. « Nous ne nous attendions pas à trouver que les riches et la classe moyenne étaient d’accord 90 % du temps », dit-il.

TIRAGE AU SORT

Dans 10 % des cas où les riches et la classe moyenne n’étaient pas d’accord, les choix qu’ont faits les élus pourraient essentiellement être décrits comme des tirages au sort : chaque groupe a eu ce qu’il voulait environ 50 % du temps. « C’est beaucoup moins favorable aux riches qu’on pourrait le croire, explique M. Branham. Cela dit, ce n’est pas idéal : d’un point de vue démocratique, la classe moyenne devrait avoir ce qu’elle veut beaucoup plus souvent que les riches. Mais le tableau est beaucoup plus positif que ce à quoi on s’attendait. »

LES PAUVRES MOINS INFLUENTS

Fait intéressant : les électeurs qui ont le moins souvent eu  de « victoires » sur le plan des projets de loi étaient les pauvres (10 derniers percentiles en matière de revenus). Les projets de loi qu’ils étaient les seuls à appuyer ont été adoptés dans une proportion de 19 %, tandis que les projets de loi uniquement appuyés par la classe moyenne ont été adoptés à 38 %, contre 39 % pour ceux appuyés par les riches. Les auteurs notent que ce résultat « ne doit pas faire perdre de vue que, dans plus de 80 % des cas, les trois groupes étaient d’accord sur les projets de loi. Il y a des iniquités, à n’en point douter, mais elles sont somme toute limitées ».

PAS UNE « OLIGARCHIE »

Deux autres études indépendantes, l’une réalisée par le professeur de l’Université Cornell Peter Enns et l’autre par Omar Bashir, de l’Université Princeton, sont arrivées à des conclusions analogues. Ces études ont été menées en réaction à une étude de 2014 réalisée par Martin Gilens, de l’Université Princeton, et Benjamin Page, de l’Université Northwestern, qui concluait que les États-Unis étaient gouvernés en fonction des intérêts des riches. L’étude avait fait grand bruit, les médias associant les États-Unis à une « oligarchie » – un terme que n’avaient pas employé les auteurs eux-mêmes.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.