LES COÛTS DE LA SÉPARATION

En amour ? Protégez-vous !

Quand son conjoint lui a annoncé qu’il voulait rompre, l’an dernier, Josiane est tombée des nues. Et a rapidement réalisé qu’elle se retrouverait à la rue…

« André avait déjà sa maison quand on s’est rencontrés, il y a 10 ans, raconte la jeune femme. Il n’a jamais voulu que j’en achète une partie et ne voulait pas non plus qu’on se marie. »

Le couple partageait les dépenses communes selon ses revenus : André se chargeait de l’hypothèque, des autres frais liés à la propriété (taxes, assurances, etc.) et de la voiture, tandis que Josiane payait l’épicerie, les sorties et les dépenses de leurs deux enfants. Les autres factures étaient partagées.

Comme André occupait un emploi exigeant, la jeune mère avait réduit ses heures de travail pour mieux se consacrer à la famille.

Au moment de la séparation, Josiane s’est retrouvée devant rien : pas de maison, pas d’auto, pas d’épargne-retraite, avec un salaire amputé. Le loyer d’un appartement assez grand pour loger sa progéniture en garde partagée pèse lourd sur son budget, en plus de tous les autres frais qu’elle doit assumer seule. Malgré la pension versée par son ex-conjoint pour les dépenses des enfants, elle peine à joindre les deux bouts.

« J’avais déjà entendu parler des contrats de vie commune, mais André était très réticent à en discuter. Si j’avais su que je me retrouverais en situation si précaire après une séparation, j’aurais insisté. »

— Josiane

L’APPAUVRISSEMENT AU FÉMININ

Les divorces et les séparations provoquent souvent des ennuis financiers, mais ce sont le plus souvent les femmes qui écopent : 43 % de celles qui ont vécu une rupture ont vu le revenu de leur ménage baisser substantiellement contre 15 % des hommes. À l’inverse, 29 % des hommes séparés ou divorcés ont vu leur revenu augmenter, alors que c’était le cas de seulement 9 % des femmes, selon des données de 2005 de l’Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada.

Le Québec est le champion mondial de l’union libre. En outre, c’est la seule province au pays où les conjoints de fait n’ont pas droit au partage du patrimoine familial en cas de séparation, contrairement aux couples mariés qui divorcent.

Le problème, c’est que seulement 19 % des conjoints de fait signent un contrat de vie commune pour préciser les droits et responsabilités de chacun en cas de rupture. Bien sûr, peu de ménages fonctionnent encore selon le modèle du mari pourvoyeur et de la femme au foyer qui s’occupe des enfants et se retrouve totalement démunie après un divorce.

« Mais bien des femmes mettent leur carrière en veilleuse au moment d’avoir des enfants et leurs revenus en sont affectés, note Guylaine Dufresne, directrice de la planification financière à la Banque Laurentienne. Pendant le congé de maternité, à 55 % de leur revenu, contribuer à leur REER ne fait généralement pas partie de leurs priorités. »

Comme les bébés québécois naissent en majorité de parents non mariés et que les jeunes couples ont tendance à gérer leurs dépenses séparément, les pertes de revenus subies par les mères font rarement l’objet de discussions.

« Dans certains cas, même s’il n’y a pas d’obligation légale, le conjoint le mieux nanti accepte de verser une compensation à l’autre, ou même parfois une pension pendant un certain temps », souligne Guylaine Lafleur, notaire et planificatrice financière.

Le mieux est encore de prévoir le coup pendant la vie commune. Me Lafleur suggère souvent à ses clients de signer un contrat de vie commune, si elle se rend compte que l’un des conjoints est plus vulnérable financièrement. Et si le plus riche est réticent ? « Si j’étais dans une telle situation, j’y penserais à deux fois avant de me placer en position de vulnérabilité face à quelqu’un qui ne veut même pas me protéger », répond-elle.

EN CHIFFRES

Faits saillants d’un sondage de la Chambre des notaires en 2013 sur les conjoints de fait

19 %

Proportion des conjoints de fait qui ont signé un contrat de vie commune.

62 %

Proportion des répondants croyant que, lors d’une rupture entre deux conjoints de fait, tous les biens acquis pendant leur vie commune sont séparés en parts égales.

58 %

Proportion des répondants qui ont dit ignorer que le conjoint de fait le plus pauvre n’a pas droit à une pension alimentaire dans le cas d’une rupture.

42 %

Proportion des répondants qui ont dit ignorer qu’un conjoint de fait peut vendre la résidence dont il est l’unique propriétaire sans le consentement de son conjoint, et ce, même s’il a contribué aux paiements de la résidence.

Source : Chambre des notaires

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