Plein air

La vérité sur le refroidissement éolien

Le monsieur météo a l’air catastrophé. « Il fera - 35 °C demain », lance-t-il à une animatrice qui prend immédiatement une mine terrifiée. Ce n’est qu’après un petit moment qu’il spécifie qu’il s’agit du refroidissement éolien et qu’en fait, la température devrait atteindre - 20 °C.

L’accent que mettent certains annonceurs météo sur le refroidissement éolien agace plus d’un amateur de plein air. « Je sens qu’il y a des gens qui ne vont pas dehors à cause de ça », déplore Hélène Grenier, une grande randonneuse qui a récemment dénoncé ce fameux facteur éolien sur sa page Facebook, L’appel du chemin.

Elle a perdu patience lorsqu’elle a constaté que beaucoup de gens sur les médias sociaux ne semblaient pas comprendre la différence entre température réelle et température ressentie.

« Malheureusement, beaucoup de gens ne comprennent pas le refroidissement éolien, confirme Jean-Philippe Bégin, météorologue à Environnement Canada. Ils l’interprètent comme une vraie température, alors que ce n’est pas le cas. »

Le refroidissement éolien est une sensation de froid causée par l’effet combiné de la température et du vent. 

« Le corps réchauffe une mince couche d’air qui est à la surface de notre peau. S’il n’y a pas de vent, cette mince couche va rester en place, ce qui fait qu’on ressent moins le froid. S’il vente, elle va être chassée constamment et on va ressentir une sensation de froid accrue. »

— Jean-Philippe Bégin, météorologue à Environnement Canada

S’il fait - 10 °C et s’il vente à 30 km/h, on va avoir un refroidissement éolien de - 20. Cela signifie que la peau ressentira la même chose que s’il faisait - 20 °C sans vent. « Ce n’est pas une vraie température, note M. Bégin. On ne met donc pas de symbole Celsius à côté. »

S’il fait 2 °C et si le refroidissement éolien est de - 10, l’eau ne gèle pas.

M. Bégin insiste sur le fait que le refroidissement éolien affecte la peau exposée. « Si on s’habille de la tête au pied, avec une cagoule pour se protéger le visage, on va moins ressentir le refroidissement éolien, on va pouvoir passer plus de temps dehors », rappelle-t-il.

Certains sports de plein air exposent davantage au facteur éolien que d’autres. Par exemple, les skieurs de fond et les raquetteurs se déplacent essentiellement dans les bois, à l’abri du vent. Ils sont pratiquement toujours en mouvement. Les skieurs alpins sont moins à l’abri, notamment dans les remonte-pentes. « En plus, ils peuvent générer leur propre refroidissement éolien, observe M. Bégin. S’ils descendent à 50 km/h, ça crée du vent. »

Du sensationnalisme

C’est un scientifique américain, Paul Siple, qui a créé le terme « refroidissement éolien » en 1939, dans une thèse sur l’effet du froid sur les explorateurs en Antarctique. En 2001, des scientifiques et des experts médicaux du Canada et des États-Unis ont collaboré pour mettre au point l’indice actuel de refroidissement éolien, créant un tableau qui permet de déterminer le refroidissement éolien lorsque l’on connaît la température et la force du vent.

Les rédacteurs de bulletins météo ont rapidement adopté le nouvel indice. Souvent, ils mentionnent le refroidissement éolien bien avant la température réelle.

« C’est plus sensationnaliste, commente M. Bégin. J’imagine que plus les valeurs sont basses, plus c’est impressionnant. Mais ça, ça entre dans la psychologie et ça sort un peu de mon domaine ! »

Hélène Grenier s’interroge sur cet accent qu’on met sur le refroidissement éolien. « En connaissant la température et la force du vent, on devrait être capable de se faire sa propre réflexion, lance-t-elle. Si on va dans le bois, si on va faire de la pêche sur la glace, ce n’est pas la même situation. » Elle avance un autre argument. 

« S’il fait - 27 °C, on n’a pas besoin de se faire dire que c’est - 35 avec le refroidissement éolien, parce que - 27 °C, c’est déjà vraiment, vraiment froid. Est-ce qu’on a besoin d’en rajouter ? »

— Hélène Grenier

Jean-Philippe Bégin croit toutefois que l’indice de refroidissement éolien a son utilité. « Quand on a un indice de refroidissement de - 38, c’est quand même extrême, souligne-t-il. Si on sort dehors la peau exposée, on risque d’avoir des engelures en quelques minutes. L’idée, c’est d’amener les gens à s’habiller chaudement. Dans des situations où on a des refroidissements extrêmes, les gens devraient avoir accès à des endroits pour se réchauffer de temps à autre. »

Hélène Grenier estime, de son côté, que ce qui est pire que le vent, c’est l’humidité. « Je vis sur la Côte-Nord, mais je suis native de Sherbrooke, raconte-t-elle. J’avais bien plus froid à Sherbrooke parce que c’était plus humide. Ici, le froid est sec. Et il y a le fait qu’on s’habille comme du monde : je suis très, très bien habillée ! »

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