Éditorial Paul Journet

BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC
Notre vaisseau sans vent

Si Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est le vaisseau amiral de notre réseau de bibliothèques, les précédents gouvernements du Québec n’ont pas fait grand-chose pour lui mettre le vent dans les voiles. La mission impossible qu’on lui confie : faire plus avec moins.

Quinze ans après sa création, l’heure est venue de faire le point. Selon ce que nous avons appris, le gouvernement caquiste a mandaté récemment la firme RCGT pour faire un « diagnostic stratégique » sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Le rapport est attendu dans les prochaines semaines. C’est une sage initiative, qui démontre l'intérêt des caquistes pour le dossier.

Car BAnQ a besoin d'amour.

On l’oublie parfois, mais c’est la plus grande institution culturelle du Québec. Elle ne se résume pas à son visage le plus connu, celui de la Grande Bibliothèque de Montréal. Son triple mandat est colossal : conserver et diffuser à la fois le patrimoine, le savoir et les archives de tout le Québec, au moyen de 12 établissements et d’un portail en ligne.

Plus le temps passe, plus les archives s’accumulent et plus sa tâche augmente. Sans oublier le vaste chantier de la numérisation. On s’attendrait à ce que ses moyens aient augmenté en conséquence.

Malheureusement, le contraire s’est produit.

Depuis sa création, BAnQ a essuyé pas moins de cinq rondes de compressions. Il manquait d’argent, et aussi de vision et de stabilité. Sous le gouvernement Couillard, par exemple, il y a eu trois ministres de la Culture différents et trois PDG de BAnQ différents. La politique culturelle dévoilée par les libéraux en fin de mandat était ambitieuse, mais elle ne réservait pas un seul sou pour BAnQ.

Hier, notre collègue Hugo Pilon-Larose rapportait des chiffres déprimants. De 2008 à 2018, à la Grande Bibliothèque, le financement du ministère de la Culture baissait (- 10%) en même temps que le nombre de visites (- 24%).

Le Québec ne peut pas se permettre une telle insouciance. Il a un retard historique – il compte moins de bibliothèques, moins de livres et moins de lecteurs. Depuis la Révolution tranquille, le rattrapage se fait, mais il n’est pas terminé.

Il y a certes de bonnes nouvelles. Par exemple, depuis 2013, le taux de fréquentation des bibliothèques a continué d’augmenter. Hélas, BAnQ n’est pas la locomotive de cet élan. Au contraire, l’institution a réorganisé sa programmation culturelle et met fin à ses expositions. Soit précisément un des éléments qui attire les Québécois dans leurs bibliothèques.

Faire plus avec moins : on en voit les limites…

Reste que pomper plus d’argent n’est pas suffisant. Plusieurs questions difficiles se posent.

En demande-t-on trop à BAnQ, notamment en lui confiant l’ambitieux projet de transformation de la bibliothèque Saint-Sulpice de Montréal (Quartier latin) ? Est-elle outillée pour mener ce chantier, autant en matière de financement que de capacités de gestion ? Et comment pourrait-on l’aider à mieux jouer son rôle ? Doit-on lui réserver une place dans la transition numérique à laquelle travaille le ministre Éric Caire ? Pourrait-elle même contribuer davantage à la francisation et à l’intégration des nouveaux arrivants ?

C’est à ce genre de questions que l’audit commandé par la ministre de la Culture, Nathalie Roy, pourrait répondre. À tout le moins, l’intérêt des caquistes pour le dossier est un bon signe.

Après le dépôt du rapport d’expert, le débat devra redevenir politique. Veut-on se donner le moyen d’être une véritable nation, qui conserve son passé et en assure la transmission ? Qui protège et fait rayonner son savoir et sa culture ?

Le gouvernement Legault veut défendre la nation québécoise et mettre l’éducation en priorité. Cela tombe bien, c’est justement ce que BAnQ pourrait aussi faire, à condition qu’on lui en donne les moyens.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.