chronique

Notre chroniqueur Jean-Philippe Décarie suit toute la semaine la mission économique du Québec en Chine, à laquelle participent près de 140 entreprises. Compte rendu de ses rencontres sous le ciel de Pékin.

Chronique

Flair et savoir-faire pour percer sur le marché chinois

PÉKIN — Deux entreprises québécoises qui participent à la mission économique en Chine illustrent chacune à leur façon combien il peut être profitable de bien valoriser son savoir-faire tout autant que la matière qu’on décide d’exporter pour être en mesure de percer sur le marché chinois.

La firme de marketing d’expérience montréalaise Cinco a annoncé hier un partenariat avec le plus gros producteur d’événements chinois, la société d’État BeiAo, qui a été notamment responsable de la production des cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux de Pékin de 2008.

Cette entreprise planifie et exécute également des événements publicitaires pour de grandes marques mondiales telles que Samsung, Hyundai, Mercedes-Benz ou Mitsubishi.

BeiAo est propriétaire du Nid d’oiseau, le stade olympique de Pékin, et assure la gérance de près de 90 % des artistes du secteur du cinéma, de la musique, du sport, de la culture et de la mode en Chine. C’est un genre d’evenko chinois à la puissance 10.

Cinco, pour sa part, a développé dès sa création il y a 15 ans une expertise dans la publicité interactive permettant aux commanditaires de faire vivre des expériences immersives aux consommateurs. Il y a huit ans, Cinco a même inauguré son propre laboratoire de recherche pour intégrer toutes les nouvelles technologies dans le développement d’expériences en ligne.

« On a compris dès le départ qu’il fallait que les commanditaires se rapprochent individuellement de chaque consommateur. C’était avant l’avènement des médias sociaux et cela nous a donné raison.

« On est devenus l’agence de Ford pour l’ensemble du Canada, de L’Oréal, de Desjardins, de Loto-Québec, de la NBA et même de la FIFA », explique Nicolas Marullo, PDG de Cinco.

« Le groupe BeiAo a constaté que les consommateurs chinois s’étaient sophistiqués et voulaient eux aussi vivre des expériences différenciées. »

— Nicolas Marullo

Cinco est ainsi devenu le partenaire officiel de BeiAo pour le développement de campagnes publicitaires d’expérience qui permettront à la société chinoise de proposer une valeur ajoutée aux commanditaires qui s’associent à ses événements.

« Ils vont être responsables des prochains Jeux olympiques d’hiver de 2022 et ils veulent offrir des campagnes d’expérience aux commanditaires qui vont payer des dizaines de millions pour être vus durant les Jeux », souligne Nicolas Marullo.

L’entreprise ouvre cette semaine un bureau à Pékin et prévoit investir 5 millions pour soutenir le développement de son entente avec BaiAo, mais Nicolas Marullo anticipe des dizaines de millions de retombées de cette nouvelle aventure chinoise.

La Gaspésie débarque en Chine

Si c’est grâce à son savoir-faire que Cinco a pu se démarquer sur le marché chinois, c’est le flair de Philippe Wang qui lui a permis de faire de même. Ce Québécois d’origine chinoise et sa fille Lory ont décidé d’exploiter une matière première de la mer gaspésienne qui était jusqu’à encore tout récemment honnie de tous les pêcheurs du littoral.

Le concombre de mer gaspésien, baptisé « concombre de mer nordique », fait partie d’une classe d’animaux marins issue de la grande famille des étoiles de mer. Une bibitte à l’allure peu ragoûtante, à la limite repoussante, que les pêcheurs récoltaient dans leurs filets par accident et qui prenait le chemin des déchets.

Pourtant, le concombre de mer est un mets hautement apprécié en Asie, particulièrement en Chine, où il est consommé depuis des centaines d’années. Ç'a été longtemps le mets de prédilection des empereurs.

Il est apprécié pour sa texture, pour ses qualités nutritives mais aussi pour la grande vitalité que sa consommation peut générer. On l’appelle aujourd’hui « le Viagra de la mer »…

Il y a deux ans, en rendant visite aux pêcheurs de hauts-fonds gaspésiens sur les quais du port de Rivière-au-Renard, j’ai croisé certains d’entre eux qui transbordaient des caisses pleines de ce mollusque bizarroïde. « Avant, on les jetait, là, on les pêche et puis on les envoie en Chine », m’avait expliqué l’un de ces convertis.

Lory Wang a vu le potentiel des réserves gaspésiennes et a décidé d’exploiter le concombre de mer nordique en vue de l’exporter sur le marché chinois.

Aujourd’hui, Artic Food Canada récolte et exporte annuellement 50 tonnes de concombre de mer vers la Chine. Cette nouvelle activité a complètement réactivé les opérations de l’usine de transformation de poisson du village gaspésien de Cloridorme, qui était en plein déclin.

« En 2014, il ne restait qu’une quinzaine d’employés à l’usine de Cloridorme, où on transformait un peu de morue, du turbot. Aujourd’hui, on emploie une soixantaine de personnes, et ce, durant cinq, six mois », explique Lory Wang.

Le concombre de mer nordique est récolté, transformé et emballé en Gaspésie. Artic Food vend ses produits à des distributeurs chinois qui, eux, sont capables d’obtenir jusqu’à 400 $ la livre au détail. Pas mal pour une matière première que l’on avait l’habitude de jeter au rebut, un peu comme on l’avait jadis fait avec le homard.

Couillard accueilli en grande pompe à la Cité interdite

Pour la première fois, le puissant ministre chinois de la Culture, Luo Shugang, a déroulé le tapis rouge pour un chef de gouvernement provincial, en accueillant le premier ministre Philippe Couillard au palais Janfu, dans la Cité interdite. Ils ont signé une entente de coopération culturelle dans le somptueux salon Jingyi, où le président américain Donald Trump avait lui-même été accueilli l’année dernière. L’entente-cadre devrait faciliter les déplacements en Chine de groupes tels que l’Orchestre symphonique de Montréal et les Grands Ballets canadiens. Elle permettra aussi des échanges entre musées, un rapprochement entre les différents festivals et une plus grande mobilité des artistes pour fins de perfectionnement.

— La Presse canadienne

Carnet de Mission

Le soleil brille à Pékin

J’ai été surpris lundi matin quand j’ai pu voir du 22e étage de ma chambre d’hôtel un gratte-ciel, situé à une distance de moins d’un kilomètre, un édifice que j’entrevoyais difficilement la veille. Rapidement, le ciel s’est ennuagé et j’ai pensé à autre chose.

En me levant hier matin, nouvel ébahissement, le ciel est d’un bleu saturé et je vois tous les édifices à des kilomètres à la ronde. Dans mon cas, il n’est pas exagéré de dire que c’était du jamais vu.

Je réalise cette semaine ma troisième visite à Pékin et c’est la première fois que je vois cette ville sous des cieux ensoleillés. En 2007, année de grands travaux d’infrastructures en vue de la tenue des Jeux olympiques de 2008, le ciel était gris et le soleil ne traversait jamais la couche de smog qui couvrait en permanence la capitale chinoise.

De retour en 2014, c’était pire encore. Durant trois jours, je n’ai jamais été en mesure de distinguer correctement les édifices qui se trouvaient tout juste de l’autre côté de la rue. Une majorité de citoyens portaient des masques en espérant filtrer un peu l’air immonde qu’ils respiraient.

Cette année, le mot d’ordre des autorités chinoises a été entendu, mais surtout imposé de façon autoritaire.

Il fallait réduire de façon notable, tangible et immédiate le niveau de la pollution atmosphérique à Pékin, qui était devenu une ville tout simplement invivable.

On a forcé la fermeture de centaines d’usines polluantes, des alumineries principalement, mais d’autres centres de production alimentés au charbon. On a forcé la fin des systèmes de chauffage résidentiel au charbon pour les transformer au gaz naturel.

Une transition qui a provoqué une hausse de 60 % des coûts du gaz naturel et qui a entraîné une chute de 1 % du PIB de la région de Pékin en raison du ralentissement de l’activité industrielle.

Mais Pékin ne m’est jamais apparu aussi beau que depuis deux jours. Hier après-midi, dans le cadre de la signature d’une entente entre Québec et le ministère chinois de la Culture, j’ai eu le plaisir de revisiter certains jardins de la Cité interdite qui rayonnaient probablement du même lustre que celui de l’époque où ils ont été conçus.

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