Chronique

La BN récolte gros au Cambodge

Mine de rien, l’expérience d’investissement que la Banque Nationale (BN) a entreprise il y a cinq ans au Cambodge s’avère payante pour l’institution québécoise. Le modèle de banque super régionale qu’elle a voulu répliquer en Asie du Sud-Est a bien pris puisque l’Advanced Bank of Asia (ABA) générera cette année 100 millions US en profits pour la Banque Nationale qui en deviendra pleinement propriétaire dans quelques mois.

Il y a cinq ans, la Nationale décidait de mettre sur pied une structure de développement international dans le but d’investir dans différentes plateformes bancaires de pays émergents et, ultimement, de pousser plus loin son engagement dans les marchés les plus porteurs.

À la recherche de profils de croissance, la principale banque québécoise a d’abord pris une participation de 10 % dans l’Advanced Bank of Asia du Cambodge, en 2014, et dans une institution bancaire de l’île Maurice avant de répéter l’expérience par la suite en Côte d’Ivoire et en Mongolie.

En 2017, la BN a complété ses investissements internationaux en prenant une autre participation minoritaire dans une institution bancaire de la Birmanie.

« On a rapidement augmenté notre investissement au Cambodge parce que c’est là que l’environnement général et que les conditions économiques étaient les plus favorables », m’explique Louis Vachon, PDG de la BN, qui recevait jeudi dernier des entrepreneurs et des représentants du Conseil d’Affaires Canada-ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) venus discuter des perspectives de croissance de cette région hyper dynamique.

Le Cambodge a le profil démographique du Québec des années 60 alors que 65 % de sa population est âgée de 35 ans et moins. 

Le pays enregistre une croissance économique annuelle moyenne de 7,5 %, et l’activité y est diversifiée ; agriculture, culture des épices haut de gamme, tourisme, textiles et manufacturier léger.

Près de 98 % des transactions se font en dollars américains, ce qui réduit les risques de monnaie comme la région en a déjà connu, notamment lors de la crise du baht thaïlandais en 1997 qui avait contaminé l’ensemble de la région du Sud-Est asiatique.

Lorsque la Banque Nationale s’est implantée au Cambodge, en 2014, le taux de la population qui détenait un compte bancaire était de 15 % alors qu’il atteint aujourd’hui les 35 %, ce qui laisse encore beaucoup de marge de croissance.

Deuxième banque du Cambodge

Dès son premier investissement, la Banque Nationale a rapidement haussé sa participation dans ABA, qui est passée de 10 % à 49 % en l’espace de 18 mois. La Banque détient aujourd’hui 90 % d’ABA et va réaliser le rachat complet des 10 % restants d’ici l’été.

« On est maintenant la deuxième banque en importance au Cambodge. On avait une quinzaine de succursales en 2014, on en compte aujourd’hui 66 et on devrait en rajouter une dizaine au cours de la prochaine année.

« On est une banque de détail, mais on fait essentiellement des prêts aux entreprises familiales. Le schéma est simple. Une famille détient un immeuble de trois étages et tient son commerce au rez-de-chaussée, habite le second palier et loue le troisième étage. »

« Nous, on prête pour financer le développement de leur entreprise, mais on garde l’immobilier en garantie. C’est vraiment un pattern très sécuritaire. »

— Louis Vachon, PDG de la Banque Nationale

M. Vachon insiste d’ailleurs sur le fait que la Banque Nationale n’est pas sur place pour réaliser du tourisme d’affaires, mais bien pour y réaliser des opérations financières qui contribuent aux résultats de l’institution québécoise, comme en témoignent les 100 millions US que la banque ASA amène au moulin de la BN.

À cet égard, il faut rappeler que la zone ANASE – qui inclut l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, Brunei, le Viêtnam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge – est une zone de commerce fortement intégrée qui affiche un produit intérieur brut (PIB) conjoint de 2,8 billions de dollars.

Cette région est en train de s’imposer comme la quatrième économie mondiale, derrière les États-Unis, la Chine et l’Union européenne, m’indique Andrew Doherty, président du Conseil d’Affaires Canada-ANASE.

« Les pays d’Asie du Sud-Est totalisent une population de plus de 650 millions d’habitants avec une classe moyenne en forte progression. Présentement, ce sont principalement les grandes entreprises canadiennes comme SNC, CAE ou Bombardier qui y font affaire, ainsi que les grands groupes financiers comme Manuvie ou SunLife.

« Mais c’est une région que devraient considérer toutes les entreprises québécoises et canadiennes parce que l’activité économique va continuer de croître fortement », conseille Andrew Doherty.

Un constat que partage Louis Vachon. La Banque Nationale n’aurait pas pu faire une percée en Chine comme celle qu’elle vient de réaliser au Cambodge. Elle n’avait pas la taille ni les capitaux pour y avoir une présence significative, mais elle est en train de réaliser une récolte signifiante dans son voisinage.

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