Médias

Québecor peut devenir un danger démocratique, craint Dorion

QUÉBEC — Catherine Dorion remet de nouveau en cause l’indépendance et la diversité d’opinion des chroniqueurs des médias de Québecor. Elle croit que l’empire médiatique présidé par Pierre Karl Péladeau peut devenir « un danger pour la démocratie » si le nombre de journaux qu’il possède au Québec croît. 

« La concentration de la presse est un danger pour la démocratie et Québecor [en] est clairement un exemple […] qui viendrait » accentuer cette concentration, a affirmé la députée solidaire hier dans le cadre de la commission parlementaire sur l’avenir des médias d’information. 

Jeudi, Mme Dorion – qui a été blogueuse au Journal de Québec de 2016 à 2018 – a affirmé qu’il y avait une culture d’« autocensure » dans les médias de Québecor, où il ne faudrait pas critiquer Pierre Karl Péladeau. 

Le président du syndicat des employés de la rédaction du Journal de Québec a répondu jeudi que s’il « respecte l’opinion de la députée de Taschereau », « sa perception ne reflète pas la réalité de notre métier ». En entrevue sur la radio numérique de Québecor, jeudi, M. Péladeau a pour sa part affirmé qu’elle était « complètement à côté de ses pompes ». 

En commission parlementaire, mercredi, Catherine Dorion avait aussi demandé à M. Péladeau si les journalistes et chroniqueurs des journaux de Groupe Capitales Médias pourraient enquêter et critiquer son entreprise ou sa personne s’il achetait ces journaux. Ce dernier avait répondu que la députée se donnait en spectacle.

« Ils défendent leur boss »

En réponse aux enjeux soulevés par la députée solidaire, les journaux de Québecor ont publié hier trois chroniques sur le sujet.

« Je suis très satisfaite de ma sortie. Ça faisait longtemps que j’attendais pour vous le dire, parce que je n’en pouvais plus d’entendre que [leurs] chroniqueurs sont complètement indépendants et ont des opinions très diversifiées. »

— Catherine Dorion, députée de Québec solidaire, à propos des chroniqueurs des médias de Québecor

« Regardez aujourd’hui la réaction en opinion qui travaille chez Québecor […]. C’est unanime. Ils défendent tous leur boss », a dénoncé Mme Dorion.

Selon elle, si l’on accepte que les chroniqueurs d’un journal ne critiquent pas leur entreprise ou leurs collègues, « c’est extrêmement important qu’un personnage corporatif énorme, un empire comme Québecor […], ne continue pas à grossir. Parce que là, on aura un sérieux problème de démocratie », a-t-elle prévenu. 

L’indépendance des chroniqueurs à La Presse

Les médias de Québecor ont publié hier une chronique dans laquelle ils citent un article de la convention collective des employés de La Presse. Cet article stipule que « les commentaires, analyses, chroniques ou autres écrits à l’exclusion des textes d’information ne doivent pas être hostiles à La Presse ». Il est aussi inscrit, note le chroniqueur Rémi Nadeau, que les éditoriaux ne peuvent être hostiles ou contraires à la position éditoriale du journal. 

« Pour nous, il y a une différence importante entre l’hostilité et la critique envers le journal. Par ailleurs, le droit du public à l’information est aussi conventionné pour les syndiqués de la rédaction. Il est d’ailleurs écrit dans notre convention que “la première obligation professionnelle de l’employé de La Presse est à l’égard du droit au public à l’information” », a expliqué hier le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse (STIP), dont l’auteur de ce texte est membre.

Dans les mêlées de presse, hier, les politiciens ont été invités à dire si un tel article dans une convention collective mettait à mal l’indépendance des chroniqueurs de La Presse

« Il ne devrait pas y avoir d’hostilité ni dans les radios, ni dans les chroniques, ni dans aucun média. Un chroniqueur ne devrait pas être hostile envers personne. »

— Catherine Dorion, députée de Québec solidaire

Les députés des autres formations politiques (la libérale Isabelle Melançon, le péquiste Harold LeBel et le caquiste Samuel Poulin) ont aussi été questionnés sur cet article de la convention collective de La Presse. On leur a entre autres demandé si La Presse devait avoir accès à un éventuel programme gouvernemental d’aide aux médias sans garantir une liberté totale – notamment des chroniqueurs – d’écrire absolument tout ce qu’ils veulent. 

Les représentants du Parti québécois et du Parti libéral ont dit qu’ils étudieraient la question. Samuel Poulin, député de la CAQ, a quant à lui répondu que « les salles de nouvelles sont déjà indépendantes au Québec » et que « les journalistes font leur travail avec sérieux » et indépendance. 

Au gouvernement Legault d’agir

La commission parlementaire sur l’avenir des médias d’information se déplacera ces prochaines semaines afin d’aller rencontrer les propriétaires de presse en région.

Les parlementaires feront un arrêt en Abitibi-Témiscamingue et un autre dans le Bas-Saint-Laurent. Un rapport sera ensuite déposé. Le député caquiste Samuel Poulin, qui siège à la commission, a confirmé que la volonté du gouvernement était d’attendre le rapport de la commission parlementaire avant de déposer un programme d’aide aux médias, cet automne.

Les partis de l’opposition ont de leur côté unanimement demandé hier à Québec d’agir rapidement et de faire cavalier seul, s’il le faut, afin de taxer les géants américains du web, avec ou sans l’appui d’Ottawa.

« Il faut agir rapidement. On ne peut pas être à la solde [du gouvernement fédéral] » dans ce dossier, a dit la libérale Isabelle Melançon.

« On s’attend à ce que le premier ministre se lève et assume un leadership », a pour sa part affirmé le péquiste Harold LeBel.

« La taxation n’est pas la seule solution et même s’il y avait demain [une taxe sur les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft], ça ne sauverait pas tous les médias », a pour sa part nuancé Samuel Poulin.

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