L’avis du nutritionniste

Qui sera le nouveau méchant ?

Voilà deux semaines, nous avons officiellement dit adieu aux huiles partiellement hydrogénées, la principale source de gras trans industriels dans l’alimentation des Canadiens. Il était temps ! Nous savions depuis plusieurs décennies que ces molécules sont néfastes pour la santé du cœur. Déjà, en 2007, Santé Canada avait (gentiment) demandé à l’industrie d’en limiter l’utilisation, en l’avertissant qu’une réglementation serait adoptée si le marché ne s’y adaptait pas d’ici 2009. À l’époque, c’est comme si, collectivement, nous avions considéré le dossier comme réglé. Les gras trans sont alors tombés dans l’oubli.

Mais ce n’est pas parce que personne ne parlait d’eux qu’ils étaient moins dangereux pour la santé publique. On les consommait encore en trop grande quantité. Il aura finalement fallu près de 10 ans pour que le gouvernement les bannisse officiellement. Bon débarras !

Pour la santé publique, c’est une excellente nouvelle : un ingrédient nocif de moins dans l’environnement alimentaire canadien ! Mais pour nous, consommateurs, qu’est-ce que ça change ? Est-ce enfin le temps de nous lancer de nouveau dans les beignets et les craquelins, désormais exempts des méchants gras trans ?

Qui est le coupable ?

La semaine dernière, pendant une entrevue, un journaliste m’a demandé qui deviendrait le nouveau méchant en alimentation, maintenant que les gras trans industriels étaient bannis. Qui montrerons-nous du doigt comme l’ennemi à abattre ? Je lui ai répondu qu’en vérité, plus personne ne parlait des gras trans depuis belle lurette. Ils n’intéressaient plus les médias ni les consommateurs. Nous étions passés à autre chose. Dans les dernières années, nous nous sommes trouvé de nombreux autres « méchants » aliments. Pensons au sucre et au gluten. Débusquer LE responsable de « tous » nos problèmes, quelle belle mission !

Mais s’il y a une leçon à tirer de l’histoire des huiles partiellement hydrogénées, c’est qu’accuser un nutriment de tous nos maux s’avère une mauvaise idée. Après tout, à l’origine, elles devaient aider à remplacer les « méchants » du moment, les gras saturés du beurre.

On disait aux consommateurs : mangez de la margarine, c’est meilleur pour vous ! Jusqu’à ce qu’on réalise que l’hydrogénation partielle produisait des gras trans, encore plus néfastes… Alors, les rôles se sont inversés et ils sont devenus les nouveaux méchants, car « finalement, le beurre n’est pas si pire, vous pouvez en manger ».

Maintenant, les huiles partiellement hydrogénées ont été remplacées par une panoplie d’ingrédients, notamment des « huiles modifiées ». Techniquement, les margarines sont redevenues « bonnes pour nous ». Mais l’impact de ces nouveaux ingrédients sur la santé du cœur a moins été étudié que celui des gras trans… Se transformeront-ils en nouveau « méchant » dans quelques années ?

Il faut arrêter de croire que nous trouverons un jour un composant alimentaire responsable de tous nos problèmes. Le gros méchant n’existe pas. Jamais nous ne trouverons un aliment, un nutriment ou une molécule qui est responsable du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et de l’obésité.

La leçon des huiles partiellement hydrogénées, c’est qu’on ne peut se faire croire qu’il suffit de remplacer un ingrédient dans les aliments ultratransformés pour que soudainement, ils deviennent bénéfiques. Ce n’est ni le sucre, ni le sel, ni le gras, ni les farines raffinées, ni les additifs qui les composent qu’on doit affubler le surnom de « méchant ». C’est l’ensemble de ces composants et d’autres facteurs qu’on ne connaît probablement pas encore qui en font une catégorie de produits à limiter.

Tout compte fait, il vaut probablement encore mieux baser notre alimentation sur les aliments frais et peu transformés si on veut être en santé. Même s’ils n’ont pas d’étiquette pour se vanter d’être « sans gros méchant nutriment ».

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