L’Université de Montréal et du stress humain

Prendre le stress par les cornes

À force de « stresser » ses cobayes dans son labo, Sonia Lupien a constaté une méprise généralisée : on impute à tort le stress à la pression du temps. « Toute la relaxation du monde n’y fera rien si on ne connaît pas la bête ! » dit-elle. La spécialiste du stress humain l’a donc apprivoisée pour nous.

Qu’on se le tienne pour dit : la recette miracle pour contrôler le stress et l’expulser hors de sa vie n’existe pas. « Il faut d’abord savoir à quoi on a affaire », affirme Sonia Lupien, professeure au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal et directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

À force d’étudier le stress — elle lui a consacré tout un livre, Par amour du stress (Les Éditions au Carré, 2010) —, la chercheuse en est venue aux conclusions suivantes : oui, le stress résulte d’un débalancement entre les ressources et les demandes. Non, ça n’aidera personne de s’en tenir à cette définition. Ce qu’il faut garder en tête : les quatre caractéristiques (qu’on peut retenir à l’aide de l’acronyme « CINÉ ») qui font qu’une situation peut être stressante, peu importe le statut, l’âge ou le sexe de la personne qui y est confrontée. Plus la situation comporte de caractéristiques, plus la réponse au stress est élevée.

Le CINÉ

Contrôle faible : l’impression de perdre le contrôle sur la situation.

Imprévisibilité : une situation imprévue ou imprévisible.

Nouveauté : une situation nouvelle.

Égo menacé : une situation menaçante pour l’égo.

À chacun son CINÉ

Pour comprendre ce qui compromet l’équilibre en soi, il faut d’abord déconstruire ses propres facteurs de stress. « Les gens savent reconnaître qu’ils sont stressés, mais ils ne savent pas pourquoi. On ne peut pas tuer la bête si on ne sait pas où elle se terre ! » illustre Sonia Lupien. Il faut donc se demander : qu’est-ce qui, pour soi, est nouveau, imprévisible, menaçant et incontrôlable ? Une fois qu’on a fait ça, on doit poursuivre le raisonnement, soit reconstruire son stresseur. Comment ? En établissant un plan B et, par la même occasion, sa capacité de résilience. « La plupart des gens ne mettront jamais en action leur plan B. Or, le seul fait d’en avoir un envoie le message au cerveau qu’on garde le contrôle. Du coup, on cesse de produire des hormones de stress. Reste ensuite à trouver des solutions pour régler le problème », indique la spécialiste.

Ennemi ou allié ?

« Tapez "stress" dans Google et vous verrez : tout ce qu’on écrit à son sujet est négatif, remarque Sonia Lupien. Pourtant, le stress est nécessaire à la survie : il aiguise l’attention, la vigilance et la mémoire. » Par exemple, si on voit une automobile foncer vers soi, le stress enverra au cerveau le signal de reculer. Tous les sens seront en alerte, et on ne sera pas près de l’oublier. Là où ça se gâte, c’est quand le stress devient chronique. « À force de remonter au cerveau, les hormones de stress produites pour nous sauver la vie vont commencer à modifier la façon dont on interprète les situations. Tranquillement, on verra le verre à moitié vide. »

Vrai ou faux ?

Les enfants et les personnes âgées sont les moins stressés.

FAUX Les personnes âgées et les enfants sont plus vulnérables au stress que le sont les adultes. Chez les aînés, les répercussions du stress sur le cerveau sont plus importantes, car il accélère son vieillissement et le dégrade. Chez les enfants, le stress retarde le développement du cerveau. « J’ai démontré que les enfants sont très sensibles au stress de leurs parents : plus papa et maman s’emballent, plus leur progéniture produit des hormones de stress », dit Sonia Lupien.

Le stress résulte de la pression du temps.

FAUX La pression du temps n’est pas la source du stress qu’on peut vivre, mais seulement l’impression de perte de contrôle sur son propre temps, de la même façon qu’on peut perdre le contrôle sur sa santé, ses finances, son mariage…

Les femmes sont plus stressées que les hommes.

VRAI et FAUX D’un point de vue subjectif, les femmes se disent plus stressées que les hommes. Or, si on se fie au stress objectif, soit les hormones de stress, ces messieurs scorent plus haut. Explication : les hommes sont plus réactifs au stress, alors que le niveau de stress des femmes à la base (stress basal) est plus élevé.

Découvrez ce qu’est le stress

La cause des désordres physiques et mentaux associés au stress est liée à la production d’hormones de stress produites en réaction à une situation jugée menaçante par le cerveau. Ces hormones permettent à l’être humain de réagir face au danger : combattre ou fuir.

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