Les Colombiens s’amusent à Kazan
Kazan, Russie — Malgré une chaleur écrasante, à peine atténuée par une petite brise, Kazan invite à la promenade. La rue piétonnière Bauman, longue de 2 kilomètres, est bordée de petits cafés, de restaurants et de boutiques de souvenirs traditionnels.
Au milieu, ce sont des sculptures, des fontaines et d’autres monuments en tout genre qui retiennent l’attention des partisans en début d’après-midi. Tout juste entend-on des chants polonais, puis quelques coups de klaxon colombiens en guise de réponse.
À quelques minutes de marche, le kremlin de Kazan domine la ville. D’en bas, la mosquée Qolsharif, inaugurée en 2005, se dresse majestueusement avec ses quatre minarets et ses toits bleus. Située à 800 kilomètres à l’est de Moscou, la capitale de la République autonome du Tatarstan possède un caractère unique en Russie. Les églises orthodoxes et les mosquées se font parfois face dans cette ville de 1,2 million d’habitants à majorité musulmane.
Ce qu’il y a de commun avec le reste de la Russie, par contre, en ce mois de juin, c’est l’amour du soccer. Face à l’hôtel Ramada, où résidait récemment l’équipe d’Espagne, des artistes locaux ont réalisé une énorme peinture murale de Cristiano Ronaldo. Des mosaïques de Lionel Messi et de Mohamed Salah sont aussi visibles dans la ville.
Le premier n’y est venu que dans le cadre de la Coupe des confédérations, tandis que les deux autres n’ont pas joué à Kazan en phase de groupes. Qu’importe. Dans ce coin de la Russie où il y a autant de bonnes idées – Kazan est un centre universitaire – que de pétrole, d’autres joueurs méritent des accolades.
Hier, ils se nommaient Yerry Mina, Radamel Falcao, Juan Cuadrado et surtout James Rodríguez, grands protagonistes de la victoire colombienne de 3 à 0 contre la Pologne. Avec ce résultat, les Cafeteros se replacent dans la lutte pour les huitièmes de finale et joueront maintenant leur match décisif contre le Sénégal. Les Polonais, eux, peuvent déjà imprimer leur billet de retour pour Varsovie.
Cette démonstration, effectuée dans un Kazan Arena trois fois plus jaune que rouge et blanc, permet également de changer l’atmosphère autour de l’équipe. L’expulsion de Carlos Sánchez, dans la défaite contre le Japon (2 à 1), avait été suivie de menaces de mort sur les réseaux sociaux.
Hier, le sélectionneur José Pékerman a commencé sa conférence d’après-match en abordant ce sujet sensible en Colombie.
« Les derniers jours n’ont pas été bons pour lui. Alors, je lui dédie et toute l’équipe lui dédie ce triomphe. Ce match était important, on s’était bien préparés et on a montré de nombreux éléments qu’on aurait aimé montrer en d’autres occasions. »
Les toutes premières minutes ont cependant été en trompe-l’œil, c’est-à-dire à l’avantage des Polonais. Puis, petit à petit, les Colombiens ont commencé à mettre le pied sur le ballon et à déstabiliser la Pologne par leurs combinaisons.
Sur ce plan, James Rodríguez, remplaçant contre le Japon en raison d’une blessure, a connu un match grandiose. Le milieu offensif de 26 ans a fait les bons choix avec le ballon, travaillé au pressing, assuré le spectacle par quelques grands gestes et délivré deux passes décisives. Il s’était fait découvrir du grand public en 2014, il se sait désormais attendu pour jouer ce genre de partition.
En dépit de leur pedigree en clubs, les attaquants Robert Lewandowski et Falcao n’avaient encore jamais marqué en Coupe du monde. Travaillant dans l’ombre en première mi-temps, le « Tigre », gravement blessé il y a quatre ans, a rompu le silence pour mettre les siens à l’abri (70e). « Ce but est l’une des plus grandes joies de ce match, a reconnu Pékerman. Il est l’emblème de la sélection, du football colombien, et on espérait toujours qu’il puisse marquer. Son but est important pour ce match, mais aussi pour les suivants. »
Sur le côté droit, Cuadrado a fait du Cuadrado avec de la vitesse et des crochets à n’en plus finir. Il faut dire que les espaces étaient plus grands en deuxième mi-temps.
En face, puisqu’il est déjà temps de faire les comptes pour la Pologne, Lewandowski n’est pas parvenu à faire pencher la balance malgré deux bonnes tentatives qu’a repoussées le gardien David Ospina. De toute façon, il a trop rarement été placé dans de bonnes dispositions, étant contraint de reculer pour toucher au ballon. Au vu de son rang mondial au classement FIFA (8e), la Pologne quitte le Mondial sans gloire.