Rédacteur en chef d’un magazine canadien-anglais au début des années 2010, le journaliste Dan Rubinstein traversait une période difficile. « Autant d’un point de vue personnel que professionnel, je me sentais perdu, désenchanté, raconte-t-il en entrevue. Je cherchais une solution. »
Déjà passionné de marche, il prend connaissance d’études scientifiques sur les bienfaits de la marche, entend parler de divers projets communautaires basés sur la marche. « J’ai compris qu’il y avait une histoire fascinante à raconter. »
Il se lance alors dans deux ans de voyages, de recherches et d’écriture qui donnent naissance à un essai qui vient d’être traduit en français sous le titre Un pied devant l’autre, ou comment survivre au 21e siècle grâce à la marche.
« De façon anecdotique, on sait que la marche, c’est bon pour la santé et l’environnement. Quand ça ne va pas bien au boulot, on va marcher dehors sur l’heure du midi et on se sent mieux. Or, la recherche scientifique explique pourquoi ça va bien, pourquoi la marche aide les gens à se comprendre les uns et les autres et à comprendre l’environnement. Il ne s’agit donc pas d’une simple observation superficielle. »
Il rappelle qu’à l’origine, l’être humain devait marcher pour trouver à se nourrir et à se loger, pour migrer au rythme des saisons. « Nous avons cessé de faire cela. Nous vivons dans des villes, nous passons beaucoup de temps assis à nos bureaux, ou sur le sofa, ou en voiture. Nous avons perdu ce contact avec cet élément central de notre humanité. Je pense que ça cause beaucoup de problèmes sur le plan individuel et au niveau de la société. » À son avis, il y a des avantages tangibles à marcher davantage, à développer davantage d’infrastructures favorisant la marche.
Bon pour le corps, la tête et l’âme
Pour se mettre dans le bain dès le début, Dan Rubinstein participe à une étape de la grande marche du chirurgien innu Stanley Vollant à travers le territoire québécois. Il rencontre plus tard des vétérans américains ayant servi en Irak et en Afghanistan qui tentent d’atténuer leur choc post-traumatique en parcourant le sentier des Appalaches. À Glasgow, en Écosse, des organisations communautaires préparent des marches pour améliorer la santé mentale des habitants de la « ville la plus malsaine du Royaume-Uni ».
Si la marche est bonne pour la santé physique et mentale, elle est aussi bénéfique pour la société. Dan Rubinstein accompagne notamment des policiers qui effectuent des patrouilles à pied dans un quartier dur de Philadelphie. Les premières statistiques semblent montrer une diminution de la criminalité depuis le début de cette initiative.
L’auteur souligne que la marche a toujours joué un rôle central dans la politique, rappelant les grandes marches qui ont marqué le combat pour les droits civiques aux États-Unis et le bon vieux porte-à-porte des politiciens.
Les grands pèlerinages, comme le chemin de Compostelle, illustrent de leur côté l’importance de la marche dans le domaine de la spiritualité, de l’âme.
Dan Rubinstein avoue qu’il a été un peu plus difficile d’écrire un chapitre sur les effets de la marche sur la créativité. Des chercheurs estiment toutefois que le cerveau de l’humain et sa capacité à penser de façon créative se sont développés à peu près au même moment où il devenait bipède. Le chapitre sur l’économie a également été un peu ardu, mais ce thème était particulièrement important.
Évidemment, une population en santé coûte moins cher en soins de santé. Mais M. Rubinstein montre aussi que la valeur foncière d’un quartier augmente lorsque la communauté se montre favorable à la marche.
Dans son livre, l’auteur traite essentiellement de la marche urbaine et semi-urbaine, et non pas de randonnée en montagne. « J’aime beaucoup la randonnée, mais il faut réaliser que 80 % de la population canadienne vit dans les villes. Il n’est pas nécessaire de prendre l’auto ou le train pour aller marcher. Il est possible de marcher là où on est, dans sa communauté. »
Il livre finalement un vibrant plaidoyer en faveur de la marche vers l’école. Il raconte toutefois comment une voiture les a renversés, lui et sa fillette, alors qu’il accompagnait celle-ci à l’école à pied. Heureusement, ils n’ont pas été gravement blessés. La conductrice du véhicule sport utilitaire venait d’aller reconduire son fils à l’école…
Un pied devant l’autre, ou comment survivre au 21e siècle grâce à la marche
Dan Rubinstein
Québec Amérique 294 pages