Direction du PQ 

Ces courses qui sont des couronnements

1996  « MÛR POUR UNE FEMME »

Parizeau a annoncé son départ au lendemain de sa défaite référendaire du 30 octobre 1995. En dépit de sa décision, même un pied dans la porte, il a nommé Pauline Marois aux Finances, au prix de rétrograder son fidèle disciple Jean Campeau aux Transports. Avant de partir, Parizeau martelait que le Québec était « mûr pour une femme », affirme François Leblanc, alors bras droit de Lucien Bouchard à Ottawa. Le chef du Bloc était clairement dans l’antichambre, « Landry lui avait lancé le message qu’il n’y allait pas. C’était clair qu’il avait les coudées franches et l’appui du caucus », dit Pierre Boileau, qui devait alors se retrouver au cabinet de l’ex-bloquiste. « Ça c’était passé au printemps, chez moi, avant que M. Bouchard ne parle du “virage” nécessaire [pour prévoir un partenariat politique et économique avec le Canada dans la question référendaire]. Landry lui avait dit clairement qu’avec toutes ses qualités, c’était son tour… Parizeau était encore là, on était à six mois du référendum. C’était clair dès lors que Landry allait devenir numéro deux sous Bouchard », affirme Leblanc, qui était présent à la réunion. Bouchard sera couronné chef le 27 janvier 1996, et Landry deviendra ministre, plénipotentiaire, de l’Économie.

2001  LA GUERRE DES SIX JOURS

Quand Lucien Bouchard est parti, tout le monde a été surpris. Tout le monde sauf Bernard Landry, qui avait été informé quelques jours plus tôt. C’est alors qu’a débuté ce que son disciple, Gilles Baril, avait appelé la « guerre des Six Jours ». En moins d’une semaine, le ministre des Finances a consolidé les appuis patiemment cultivés chez les députés péquistes, un élément déterminant, croit-il encore aujourd’hui.

« C’était une quasi-unanimité, j’avais un message clair, je ne pouvais refuser », a rappelé cette semaine l’ancien premier ministre. « Tout s’est fait assez vite. Il y avait deux possibilités : François Legault et Pauline Marois. » Il y avait eu des conversations entre Mme Marois et M. Legault, « une rumeur d’alliance. Mais à un moment donné, Legault a décidé de m’appuyer et cela a fini l’aventure là », résume l’ex-député de Verchères.

En fait, Pauline Marois n’arrivait pas à se décider et sollicitait toutes sortes d’avis avant de plonger. Elle croyait tirer profit d’une course à trois. À la fin d’une réunion du Conseil des ministres, Bernard Landry lui a asséné un coup fatal : « François [Legault] est avec moi ! » Elle quitta en pleurs la salle du Conseil, a confié un témoin. Landry n’a pas eu d’adversaire. Il est devenu chef le 2 mars 2001.

2005  DUCEPPE S’ABSTIENT, PRISE 1

L’élection d’André Boisclair « n’était pas une évidence absolue, mais se préparait depuis un certain temps. Tout le monde était dans le « jeunisme » à l’époque. Or, il était jeune, relativement brillant et avait été un bon ministre de l’Environnement », se rappelle Bernard Landry. Haut fonctionnaire, Pierre Boileau doit jouer de prudence. Il est des premières réunions de stratégie, à l’été 2005. « Il avait la majorité des députés », dit-il. 

Mais, « l’affaire de la cocaïne lui a nui considérablement. Autrement, cela aurait pu fonctionner pour Boisclair », pense encore Boileau, retraité depuis longtemps.

Pauline Marois a pu compter sur une poignée de députés, Jonathan Valois, Nicole Léger et Jean-Pierre Charbonneau. Son mentor politique, Jacques Parizeau, s’est rendu à Gatineau, au Hilton Lac-Leamy, pour demander à Gilles Duceppe de ne pas se lancer dans la course, affirme Francois Leblanc, alors retourné au Bloc. Duceppe n’avait pas beaucoup d’appuis dans le caucus péquiste, « on aurait rallié quelques candidats, mais il aurait fallu vendre beaucoup de cartes de membre », convient-il. Quand André Boisclair avait annoncé sa candidature, il était certain que Duceppe ne serait pas sur les rangs.

À la surprise générale, François Legault, qui avait pendant des mois tiré dans les flancs de Landry, a décidé de ne pas se présenter, ses partisans se ralliant dans le désordre autour de Richard Legendre. Le 15 novembre 2005, Boisclair l’a emporté facilement au premier tour, avec 54 % des suffrages. Mme Marois a obtenu 30 %, et les six candidats restants… des poussières.

2007  DUCEPPE S’ABSTIENT, PRISE 2

Un autre couronnement, en apparence. Avec le pire résultat à vie pour le PQ, André Boisclair quitte la politique le 8 mai, juste avant le retour au travail de l’Assemblée nationale. Quatre jours plus tard, avant même que les règles de la course ne soient édictées, deux candidats sont déjà en piste… Pauline Marois et Gilles Duceppe, qui a fait connaître son intention par communiqué. Le lendemain, Duceppe annonce qu’il se désiste et se rallie à Mme Marois.

François Leblanc a un souvenir précis des événements. « On avait fait préparer un premier communiqué disant que Duceppe n’y allait pas. Tout était prêt en matinée, mais il avait un rendez-vous avec Lucien Bouchard pour le lunch. Bouchard l’a convaincu de se lancer. On a déchiré le premier communiqué de presse. Gilles savait que s’il n’y allait pas à ce moment-là, c’était fini pour lui… mais tout le monde disait : “C’est le tour à Pauline !” »

Bouchard était un peu le mentor de Duceppe, qui estimait avoir fait le tour à Ottawa. Mais il était conscient qu’il manquait cruellement d’appuis chez les élus péquistes. Duceppe s’est ravisé dès le lendemain et a appuyé Mme Marois. Le 26 juin 2007, seule candidate déclarée, Mme Marois est devenue chef du PQ.

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