Fermeture de Gentilly-2

Un chantier d’un demi-siècle

BÉCANCOUR — « Quand on ferme une usine, on ferme une usine. Pour une centrale nucléaire, c’est différent. Les travailleurs qui vont démanteler Gentilly-2 ne sont peut-être même pas au monde aujourd’hui. »

Donald Olivier, directeur des installations de Gentilly-2, n’a pas peur de penser à long terme. Son père a travaillé à la construction de la centrale, dans les années 70, avant qu’Hydro-Québec ne fasse le choix de prioriser les grands ouvrages hydroélectriques. Aujourd’hui, c’est le fils qui est chargé de superviser le déclassement de la seule centrale nucléaire ayant été exploitée commercialement au Québec.

Plus de 700 employés travaillaient à Gentilly-2 lorsque le réacteur nucléaire était en activité et produisait environ 3 % de l’électricité de la province. Le 28 décembre 2012, le réacteur a été arrêté. Aujourd’hui, environ 75 personnes travaillent à « fermer » Gentilly-2, située à Bécancour, en face de Trois-Rivières. La majorité des employés ont pu être reclassés dans la région.

À moins d’y travailler, il est impossible de s’orienter seul dans le dédale de bureaux déserts, de salles de conférence et d’escaliers de Gentilly-2. L’endroit est une succession d’espaces vides dont la monotonie est parfois rompue par une machine distributrice en état de marche ou quelques plantes vertes esseulées.

C’est dans les endroits les moins accessibles des installations que le travail le plus spectaculaire est en train d’être exécuté.

Les consoles de la salle des commandes, avec leurs voyants et leurs leviers, semblent sortir tout droit d’un film de science-fiction des années 70. Chaque système doit être fermé correctement et de manière permanente, selon les règles établies par l’Agence internationale de l’énergie atomique.

La partie la plus impressionnante se trouve dans la « zone 3 », à laquelle seuls certains travailleurs spécialisés ont accès. C’est la zone où le risque de contamination radiologique est le plus élevé, bien que les doses annuelles auxquelles chaque employé est exposé constituent une fraction des doses que le public absorbe dans la vie de tous les jours, au cours d’un simple vol d’avion, par exemple.

C’est dans cet endroit que se trouve la piscine qui contient des grappes d’uranium irradié, le combustible qui a été utilisé par la centrale lorsqu’elle était en activité.

Là, des employés travaillent cinq jours par semaine afin de stocker les grappes dans des « bidons » d’acier inoxydable construits sur mesure. Dans certaines centrales plus récentes, ces opérations sont automatisées. Mais ici, ce sont des travailleurs qui les accomplissent, avec l’aide de longs bras mécaniques plongés dans la piscine.

30 ans de dormance

Une fois remplis de combustible, les bidons sont transférés à l’extérieur, dans l’un des 11 modules de stockage en béton armé construits sur le site.

Lorsque cette opération prendra fin, à l’été 2020, les installations entreront en phase de dormance et de surveillance, une étape qui devrait durer environ 30 ans.

C’est que le lieu de stockage permanent des grappes d’uranium irradié n’a pas encore été choisi, et encore moins construit.

« Selon la loi, tous les propriétaires de réacteurs doivent faire équipe pour trouver un site d’entreposage. Comme 90 % des grappes sont en Ontario, c’est normalement là que doit être construit le site. »

— Donald Olivier, directeur de Gentilly-2

Le projet final sera « comme une mine, mais pour entreposer le combustible ». Des relevés géologiques dans neuf collectivités du nord de l’Ontario sont en train d’être réalisés. L’emplacement sera choisi en 2022. C’est la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) qui pilote le projet.

« Ensuite, il va falloir obtenir toutes les autorisations nécessaires. La construction commencera, j’imagine, dans les années 2030 », dit M. Olivier.

Entre 2050 et 2065, le combustible sera transporté jusqu’en Ontario, et les installations de Gentilly-2 seront démantelées. Le coût total du déclassement et du démantèlement des installations est évalué à 1,8 milliard.

Les installations sont situées en bordure du fleuve, entourées de végétation. Des Québécois pourraient-ils un jour rouler à vélo et faire un pique-nique en famille là où se trouve aujourd’hui le réacteur nucléaire vide de Gentilly-2 ?

« C’est vrai que ça serait bien, affirme M. Olivier. Mais nous sommes dans un parc industriel ici, il y a beaucoup d’usines autour. Peut-être que la vocation industrielle du site va être conservée. »

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