Opinion

Changements climatiqueS Un compte à rebours pour la santé

En tant que médecins, nous élevons aujourd’hui notre voix afin que l’on accorde une plus grande importance à la santé dans nos discussions sur le climat.

Il s’agit de notre devoir éthique et professionnel : la santé de tous doit être protégée, et pour ça, nos politiques publiques en matière d’environnement doivent être plus robustes et ambitieuses.

Notre examen objectif : l’évidence scientifique au rendez-vous

The Lancet, plus grande revue médicale au monde, lance cette semaine un nouveau rapport sur l’état global des changements climatiques et leurs multiples impacts sanitaires. L’analyse, construite autour de 41 indicateurs, détaille les progrès réalisés et ceux à accomplir.

L’année dernière, les auteurs ont conclu que le retard de la réponse politique, économique et sociale aux changements climatiques des 25 dernières années avait mis en péril la vie humaine et ses moyens de subsistance.

Cette année, cette coalition d’institutions de renommée internationale nous rappelle l’urgence d’agir. Elle décrit les tendances en matière d’impacts, d’expositions et de vulnérabilité qui sont à la source d’un niveau de risque inadmissible, un niveau de risque qui pèse lourd sur la santé actuelle et future des populations du monde entier.

Notre diagnostic : les impacts réels et présents

Les Québécois ne sont pas à l’abri. Les bilans préliminaires fournis par les directions de santé publique de la province estiment que les vagues de chaleur de l’été 2018 sont responsables de la mort de près de 90 personnes. Plus encore, on observe de plus en plus d’événements météorologiques extrêmes, dont des inondations, des vagues de chaleur, des incendies de forêt, ce qui entraîne une déstabilisation des infrastructures et une toxicité humaine non négligeable.

Les inondations de mai 2017 au Québec ont entraîné l’évacuation record de 4000 personnes dans 261 municipalités avec des dommages de centaines de millions de dollars, encore en estimation.

Au Canada, les coûts de santé et d’invalidité dus à la pollution fossile sont évalués à 36 milliards par an. Montréal n’y échappe pas : la métropole se situe au troisième rang des villes les plus polluées au pays.

Il est maintenant bien connu que les changements climatiques modulent la santé de multiples autres façons : émergence de nouvelles zoonoses, augmentation de certains allergènes, exacerbation des problèmes cardiorespiratoires (comme l’asthme et les infarctus du myocarde) ou de santé mentale, accroissement des mouvements migratoires, insécurité alimentaire, et stress grandissant sur le système de santé.

Notre prescription : l’urgence d’agir

Ainsi, aujourd’hui, nous en appelons à une plus grande intégration des impacts sanitaires des changements climatiques dans les différents ordres gouvernementaux, incluant dans les projets de recherche et au sein des institutions scolaires.

Nous demandons, de un, une réduction plus ambitieuse des gaz à effet de serre par l’élimination complète du charbon comme source d’énergie d’ici 2030 ; de deux, une transition urbaine accélérée vers des moyens de transport plus actifs, durables et non polluants ; et de trois, un verdissement urbain intensif pour réduire les impacts de la chaleur, des polluants urbains et du manque d’exercice physique, tout en séquestrant le carbone.

Le Québec est dans la position idéale pour devenir un chef de file dans l’action sur les changements climatiques.

Nous avons les ingrédients de base : un système de santé publique résilient ; un réseau de production d’énergie renouvelable bien développé ; et l’accès à une bourse du carbone. Complétons la recette en intégrant des indicateurs de santé dans les interventions sur le territoire québécois, en préparant adéquatement à la fois bâtiments, professionnels et gestionnaires de la santé, et en bonifiant les plans d’adaptation climatique de nos villes et régions.

Lorsqu’un médecin identifie un risque à la santé de son patient, il se doit d’agir. Nous avons maintenant nommé de multiples risques pour la santé. C’est pourquoi nous demandons plus que jamais l’ambition politique nécessaire à la protection de la santé d’aujourd’hui et à la prévention pour celle de demain.

* Signataires

Yassen Tcholakov, résident en santé publique, Université McGill ; Courtney Howard, urgentologue et présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME) ; Éric Notebaert, urgentologue et professeur agrégé à la faculté de médecine de l’Université de Montréal, président élu de l’ACME ; Jean Zigby, médecin de soins palliatifs de l’Université McGill et président sortant de l’ACME ; François Reeves, cardiologue et professeur agrégé à la faculté de médecine de l’Université de Montréal ; Pierre Gosselin, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec et coordonnateur du programme Santé chez Ouranos ; et Laurent Marcoux, président sortant de l’Association médicale canadienne.

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