92 SECONDES POUR GAGNER

Trois buts rapides en début de troisième période, dont celui du jeune espoir finlandais  Jesperi Kotkaniemi, ont sonné le glas des Devils du New Jersey.

Analyse

Le droit d’en profiter

On n’exagère pas en disant que l’atmosphère autour du Canadien était considérablement négative ces derniers mois. Du statut de Max Pacioretty à l’ambiance morose au Centre Bell en passant par les difficultés de Carey Price, les grands enjeux constituaient autant de gros nuages gris au-dessus de l’équipe.

On ignore si ça durera, car ce n’était après tout qu’un match préparatoire contre une équipe à moitié composée de recrues, mais le duel d’hier donnait une impression de renouveau. Pas de huées de la soirée, même quand l’attaque montréalaise était embourbée. Une explosion de joie quand Jesperi Kotkaniemi a touché la cible au dernier vingt dans une victoire de 3-1.

C’est sans doute le vétéran Tomas Tatar qui a le mieux résumé la portée à accorder à ce but du premier choix du Tricolore au dernier repêchage.

« Vous savez, il a le droit d’en profiter. C’est un beau moment pour lui, c’est un jeune homme. Ce qu’il peut apprendre, absorber, c’est beaucoup d’expérience. »

Évidemment, Kotkaniemi n’a rien gagné avec ce but. On continue de remarquer – et lui-même le souligne en entrevue – qu’il est physiquement en déficit face à des joueurs trois, cinq, dix ans plus vieux que lui. Mais il a bien gagné le droit d’en profiter, ce qu’il a fait en affichant son plus grand sourire, ce qui n’est pas peu dire pour un joueur qui fait rarement la moue.

« C’était malade [sick]. Je n’ai jamais entendu une réaction aussi forte. »

— Jesperi Kotkaniemi, entouré d’une vingtaine de journalistes après le match

Il était heureux, mais ses coéquipiers aussi. Un après l’autre, ils l’ont brassé, taquiné. Cette ambiance lourde dont on parlait, les joueurs l’ont eux aussi subie l’an dernier. Quand on voyait les scènes de célébration, les propos de Phillip Danault, tenus hier matin, résonnaient. « L’ambiance est 100 fois mieux. » Visiblement, le bout de chemin que Kotkaniemi fera au camp contribue à ce sentiment de renouveau.

« C’est le fun pour lui. Premier match, premier but. Je lui ai juste dit : bienvenue à Montréal. Il a pas mal ri quand j’ai dit ça », a raconté Charles Hudon, qui a agrippé Kotkaniemi par la visière après son but.

Ici pour apprendre

Les chances que Kotkaniemi amorce la saison dans la LNH demeurent infiniment minces. Mais quand on pense à la quantité de nouvelles expériences qu’il vit depuis deux semaines, on se dit qu’il ne perd manifestement pas son temps à Montréal.

Des choses aussi simples que la période d’échauffement. Le jeune Finlandais a admis après le match ne pas trop savoir ce qu’il devait faire, et a même consulté son compatriote Artturi Lehkonen pour obtenir quelques instructions. Même la bagarre de Nicolas Deslauriers constituait une nouveauté. « C’était assez cool. Je n’avais jamais vu de bagarre sur la patinoire auparavant. On ne se bat pas en Finlande ! »

Au rayon des apprentissages plus importants, il y a notamment la dimension robuste du hockey nord-américain, où la patinoire plus petite engendre plus de collisions qu’en Finlande.

À ce sujet, il est assez ironique de se rappeler que quelques instants avant de marquer son but, Kotkaniemi s’était fait renverser dans le coin par Pavel Zacha. Mais il s’est relevé, s’est positionné dans l’enclave, juste au bon endroit pour recevoir la passe bien involontaire de Rinat Valiev, dont la tentative de tir s’est transformée en passe.

« Depuis le tournoi des recrues, on voit un gros changement dans son jeu, a expliqué l’entraîneur-chef Claude Julien. Il faut réaliser qu’il joue avec des joueurs de plus haut calibre que ceux avec qui il jouait au tournoi des recrues. Ça lui permet de mieux paraître. Comme on peut voir avec Lehkonen, il s’acclimate avec son entourage comme on lui demande. »

Au cours des derniers mois, le directeur général Marc Bergevin a effectué plusieurs changements suggérant une forme de reconstruction, ce qui signifie que le Centre Bell ne sera sans doute pas toujours aussi festif qu’il l’était hier. Mais en attendant, ça donne aux partisans un premier regard sur l’avenir de l’équipe. Et un spectacle pas mauvais au passage.

Prochain match : Panthers de la Floride c. Canadien, demain soir (19 h 30) au Centre Bell

Deslauriers à l’hôpital

« Il est à l’hôpital pour précaution. C’est arrivé durant la bagarre, mais nous n’avons pas plus de nouvelles que ça. »

— Claude Julien au sujet de Nicolas Deslauriers, qui a quitté le match après avoir été frappé au visage durant son combat contre Brandon Baddock

« Les deux ont montré beaucoup de contrôle. Ils ont beaucoup de confiance. Mete est un gars confiant, c’est la raison pour laquelle il a fait notre équipe l’an passé. »

— Claude Julien au sujet du duo Juulsen-Mete

« Je crois que notre plan de match est de pousser la rondelle vers l’avant plutôt que de la faire circuler avant-arrière. Nous l’avons fait, et ça va nous aider beaucoup cette saison. »

— Victor Mete

« Je suis plus détendu cette saison. J’ai une année d’expérience, je sais à quoi m’attendre un peu plus des joueurs. »

— Victor Mete au sujet de sa performance

« Nos avons une certaine chimie. Nous nous battons fort, nous avons un bel échec avant. Il ne nous reste plus qu’à marquer. Claude Julien nous a mis ensemble pour voir comment nous allions nous comporter. Nous avons gagné alors nous pouvons nous en réjouir. »

— Tomas Tatar au sujet de son trio avec Brendan Gallagher et Phillip Danault

« On a souvent entré en zone adverse avec vitesse, de belles entrées à 3 contre 2. En 2018, la vitesse peut tout changer. Avec notre petit gabarit, on peut montrer qu’on a du cœur et qu’on met nos bottes de travail. »

— Charles Hudon

Propos recueillis par Jean-François Tremblay et Guillaume Lefrançois, La Presse

En hausse

Victor Mete

Son but n’était que la cerise sur la coupe. Avec Noah Juulsen, il a formé un duo du tonnerre, les deux jeunes jouant avec l’aplomb de vétérans.

En baisse

Rinat Valiev

Oubliez son différentiel de + 2. Il a connu des difficultés, et a obtenu une mention d’aide bien malgré lui.

Le chiffre du match

22 min 54 s

C’est le temps d’utilisation de David Schlemko, le joueur le plus utilisé chez le Canadien hier soir. Il a continué à paraître nettement mieux que l’an dernier.

« Vous êtes pris avec moi ! »

— Kirk Muller

Kirk Muller s’est approché des journalistes avec un grand sourire et s’est installé juste à côté de la réplique de la Coupe Stanley de 1993, à l’entrée du vestiaire des joueurs. Muller avait joué un grand rôle dans cette conquête, c’est dire à quel point ça fait longtemps qu’il est un visage connu à Montréal.

Dans un groupe d’entraîneurs en constante évolution, surtout cet été avec l’arrivée de Dominique Ducharme et de Luke Richardson, Kirk Muller est un élément de stabilité. Il le sera encore plus avec une prolongation de contrat de deux ans en poche comme entraîneur associé à Claude Julien.

« Vous êtes pris avec moi ! a lancé Muller avec le sourire. J’aime l’organisation, j’aime la ville, et je suis fier d’être ici. Je veux faire partie de cette équipe aujourd’hui et dans le futur. »

Muller souligne l’esprit d’équipe qui s’installe déjà dans le nouveau groupe d’entraîneurs. Julien, dit-il, encourage tout le monde à exprimer son opinion. Il a d’ailleurs repris exactement les mots de Phillip Danault en parlant d’une « bonne ambiance » (« vibe », en fait, mais on s’efforce de traduire le mieux possible).

Capitaine Kirk s’est aussi réjoui d’être désormais derrière le banc à côté de Luke Richardson, plutôt que sur la glace contre lui, comme ç’a été le cas durant 17 ans.

« Il est de la vieille école, a-t-il dit au sujet de son ancien adversaire. Tu le bats peut-être une fois, mais tu sais que la prochaine fois, tu vas recevoir son bâton dans le front. Il jouait dur, il jouait avec honnêteté et j’avais du respect pour lui. Jouer de cette manière si longtemps, c’est difficile. Il était bon pour s’ajuster selon ses forces et ses faiblesses. C’était un compétiteur, il a trouvé une manière de s’adapter et c’est pour cette raison qu’il est un bon entraîneur. »

Muller poursuivra donc son troisième séjour avec l’organisation du Canadien, après un passage comme joueur de 1991 à 1995, puis comme entraîneur adjoint de 2006 à 2011. Il était revenu comme entraîneur associé à Michel Therrien en juin 2016. Il reconnaît qu’il s’est rapidement attaché à la ville, dès le jour de son échange, en raison de la pression et de la passion des partisans montréalais.

Muller était responsable de l’avantage numérique la saison dernière, et ça explique en grande partie pourquoi il n’est pas parti avec les autres dans la grande purge. C’est à peu près le seul endroit où le Canadien n’a pas trop mal paru la saison dernière. L’équipe a terminé au 13e rang de la LNH, à 21,2 % d’efficacité, à égalité avec une puissance comme les Predators de Nashville. Tout ça sans Shea Weber pendant une bonne partie de la saison.

Évidemment, Muller sera encore responsable de l’avantage numérique, mais il partagera la gestion des attaquants avec Ducharme.

« On va travailler main dans la main. Pour l’avantage numérique aussi, il va me montrer aussi des idées qu’il a. Il voit les choses d’un autre angle et c’est toujours bon. Tu veux passer du temps avec tes joueurs, et comme Dom et moi travaillons avec les attaquants, nous pourrons en apprendre plus sur eux. On travaille en équipe. »

Le défi

D’ailleurs, plusieurs fois dans sa rencontre avec les médias, Muller a martelé l’importance pour un entraîneur de s’ajuster à la réalité de la nouvelle génération de joueurs. Selon lui, ça passe surtout par la communication.

« J’ai quatre filles d’âges différents. Ça m’aide à m’ajuster. Comme joueur dans les années 80 et 90, on n’avait pas grandi dans un univers technologique. 

« Aujourd’hui, c’est différent. Ils veulent te challenger, ils veulent avoir de l’information, ils veulent des réponses. Ça te garde attentif comme entraîneur. Tu dois communiquer. Ils aiment l’interaction, ils veulent s’exprimer, tu dois leur parler et tu dois y mettre du temps. C’est comme dans plusieurs milieux de travail. »

Muller est resté très évasif au sujet de sa volonté de redevenir un jour entraîneur-chef, comme il l’a été durant trois saisons avec les Hurricanes de la Caroline. Pour l’instant, il se concentre sur la saison à venir, et disons simplement qu’il ne chômera pas. Après une dernière campagne désastreuse, presque tout est à refaire.

« Le défi est ce qui rend ça intéressant. On doit retrousser nos manches. C’est un groupe avec de l’énergie et nous devons rendre les joueurs meilleurs et le groupe meilleur. Nous savons qu’il y a plusieurs jeunes, nous devons les aider à grandir, tout en poussant les vétérans. »

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