Jeter son sapin… dans la cour

Les célébrations de fin d’année sont passées, c’est déjà l’heure de ranger les décorations et de se défaire du sapin. En ville, il est souvent possible de le déposer sur le trottoir afin qu’il soit ramassé lors de la collecte spéciale et déchiqueté en copeaux. Ceux qui disposent d’un grand terrain devraient envisager une autre option, selon Conservation de la nature Canada : le laisser dans la cour afin qu’il serve d’abri aux oiseaux durant la saison froide et qu’il retourne lentement à la terre par la suite. Les épinettes et les sapins baumiers « se dégradent rapidement lorsqu’ils sont exposés aux éléments », assure l’organisme, invitant ceux qui le peuvent à s’en servir pour enrichir le sol de leur arrière-cour. 

— Alexandre Vigneault, La Presse

Entrevue avec Laure Watrin

Le b.a.-ba des « bobos »

Les 100 mots des bobos, de Thomas Legrand et Laure Watrin, est un livre plein d’humour qui nous permet de mieux comprendre les fameux « bobos » : les bourgeois bohèmes, terme qui désigne une partie de la population, progressiste, urbaine, écolo, solidaire et bio, remplie de contradictions, qui invente une nouvelle façon de vivre. Entrevue avec l’auteure et journaliste française Laure Watrin.

D’où vient le terme « bobo » ?

C’est David Brooks, journaliste et écrivain américain, qui, en 2000, a inventé ce néologisme « bobo », bourgeois bohème. Aux États-Unis, l’archétype des bobos, c’était le couple Clinton, la bourgeoisie libérale, diplômée, progressiste, avec un haut niveau de revenu. Le terme est arrivé en Europe et a été modifié par des journalistes et géographes, pour décrire notamment les Parisiens qui investissaient les quartiers populaires de la capitale, qui avaient un pouvoir d’achat plus important que les classes populaires et qui votaient à gauche.

Comment définir les bobos ?

C’est une catégorie de la population qui a un fort capital culturel, beaucoup plus fort que son capital économique, qui est variable. C’est leur côté culturel très élevé qui influence leur mode de vie, de consommation, les quartiers où ils vont habiter, leur mode de socialisation et leur goût pour la mixité. C’est une catégorie très hétéroclite, ça peut être des professeurs, des entrepreneurs, infirmières, webmestres, créateurs, artistes, journalistes.

Vous écrivez que « bio » et « hypocrite » sont les deux adjectifs qui collent le plus à la peau des bobos, pourquoi ?

Quand on les a vus naître dans les années 2000, le mot « bio » est vite devenu un fourre-tout idéal pour se moquer des bobos, alors qu’aujourd’hui on a conscience qu’il y a une vraie urgence climatique et qu’il est important de consommer localement. Les bobos sont pleins de contradictions. Ils veulent tout concilier pour s’adapter à l’évolution du monde de demain. C’est la liberté du bohème et le confort du bourgeois ! Ils aiment voyager pour découvrir le monde, prennent l’avion même s’ils sont très écolos. Ils sont pour la mondialisation, l’hyperconnexion, et en même temps ils souhaitent consommer les tomates qui poussent dans leur jardin, les produits Apple, mais aussi ceux des artisans de leur quartier qu’ils encouragent.

Les hipsters sont les petits-neveux d’Amérique des bobos ?

Les hipsters sont nés médiatiquement dans les années 2000 dans les rues de Brooklyn, mais le mot hipster est apparu dans les années 40 pour désigner une jeunesse blanche anticonformiste, éduquée qui aime le be-bop. Les hipsters sont plus jeunes que les bobos, ils ont une panoplie vestimentaire typique seconde main, qui sort des friperies et de la récupération, et ils portent barbes et tatouages. En même temps, ils ont des choses en commun avec les bobos : le goût pour la consommation locale et le fait qu’ils soient très l’aise avec la mondialisation.

Où trouve-t-on les bobos ?

Le bobo est majoritairement citadin-urbain. Il y a aussi des bobos à la campagne qu’on peut appeler des néo-ruraux. Les bobos sont dans les grandes villes du monde, à Paris, Berlin, Stockholm, Copenhague, Londres, Amsterdam, Bruxelles, Montréal, Brooklyn. Ils ont des codes ! Sous prétexte de fuir la bourgeoisie traditionnelle, ils se reconnaissent par leur manière de vivre, par les matériaux bruts qu’on retrouve dans leurs maisons, les légumes oubliés qu’ils mangent, le vélo qu’ils utilisent pour se déplacer.

Le mot « bobo » a une consonance péjorative dans l’esprit des gens. Pourquoi sont-ils mal-aimés ?

Oui, c’est vrai, on les attaque, car on vise leur côté bien-pensant, leurs valeurs, qui sont pourtant positives. Ils prônent l’égalité hommes-femmes, ils luttent contre le racisme, ils prennent soin de la planète. C’est ce qui fait aussi qu’on les attaque.

L’embourgeoisement est-il une maladie grave causée par les bobos ?

Ils y ont inconsciemment participé. Ils aiment la diversité et la mixité. Ils se sont installés dans des quartiers moins chers dans des espaces atypiques qu’ils ont rénovés, car ils voulaient plus d’espace pour y créer en plus de leur appartement, leur bureau. Ils n’ont plus les moyens de se loger dans le centre des villes, mais ils ont aussi redynamisé certains quartiers. Alors, oui, les prix augmentent, c’est vrai, mais ils participent aussi à une certaine mixité sociale.

La vie familiale des bobos est aussi créative que leur vie professionnelle. Expliquez.

Ils sont à l’image du siècle que l’on vit, mais peut-être encore plus. Ils se marient tardivement (quand ils se marient), ils vivent en familles décomposées ou recomposées avec parfois de nombreux enfants de conjoints différents. Ils tentent d’inventer de nouvelles façons de vivre, ce qui n’est pas toujours facile. Ils aiment vivre en tribu !

Épanouissement est aussi un mot important chez les bobos ?

Oui, un bobo ne s’enrichit pas ou ne réussit pas, il s’épanouit ! Il s’épanouit dans son travail et dans sa vie personnelle, c’est son objectif. Et l’épanouissement de ses enfants est aussi essentiel, ils sont dans la psychologie et la pédagogie positives, dans l’autorité bienveillante. Un peu comme dans tous les domaines, les bobos contribuent à inventer et à promouvoir de nouvelles façons de faire.

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