Les 30 ans de la galerie Simon Blais

Une grande famille

Pour souligner ses 30 ans, la galerie Simon Blais expose, jusqu’au 29 juin, des œuvres de ses artistes. Une expo collective à l’image de cette galerie créée par Simon Blais et Sylvie Cataford qui ont privilégié les collaborations artistiques et une gestion de type familial.

Si la galerie Simon Blais célèbre en grand ses 30 ans ce mois-ci, elle a bien failli ne jamais marquer son 5anniversaire, car le début des années 90 a été difficile.

« On avait deux enfants, la galerie était ouverte six jours par semaine et le dimanche, je travaillais dans un hôpital, dit Sylvie Cataford. Quand on a eu notre troisième enfant, en 1991, c’était la crise économique. »

« Ç’a été une catastrophe, ajoute Simon Blais. Le marché de l’estampe ne fonctionnait plus. On avait des difficultés à acheter notre épicerie. On aurait pu faire faillite et tout abandonner. Mais avec trois enfants, on ne pouvait pas lâcher. » 

Issus de familles modestes, Simon Blais et Sylvie Cataford ont réhypothéqué leur maison, se sont serré les coudes et les choses se sont replacées. La résilience est leur empreinte. Leur galerie est comme une grande famille. Avec des adjoints fidèles : François Babineau depuis 30 ans, Catherine Léonard depuis 20 ans, Paul Bradley, 15 ans, et Virginie Dumont, 3 ans. 

Une passion : l’art

L’art fait partie de la vie de Simon Blais et de Sylvie Cataford depuis leur rencontre, à l’âge de 15 ans ! 

« On s’est connus au secondaire, à Laval. Le week-end, on allait voir des expositions au Musée d’art contemporain, alors à la Cité du Havre, au McCord et au Musée des beaux-arts. Ç’a été notre activité dès notre plus jeune âge. »

— Simon Blais, qui a fondé la galerie avec sa femme Sylvie Cataford

Les deux passionnés d’art ne sont pas devenus galeristes tout de suite. Sylvie Cataford a étudié en diététique et Simon Blais en sciences. « À l’université, j’ai réalisé que je n’aimais pas étudier, même si j’avais toujours été premier de classe, dit Simon Blais. En 1979, je suis allé travailler à Atelier 68, une galerie qui vendait des estampes. » 

Simon Blais développe alors une passion pour la gravure ; sa femme et lui larguent les amarres et lancent leur galerie. Leurs premiers artistes sont Catherine Farish, Violaine Gaudreau, Pierre Chénier ou encore Jean-Pierre Lafrance. Une de leurs premières expos a été consacrée à l’Atelier circulaire. 

Des rencontres majeures

« J’ai commencé à monter des rétrospectives, dont une autour de l’abstraction en 1994 puis une sur Jean McEwen en 1995, une rencontre déterminante dans ma vie », dit Simon Blais. L’expo McEwen fait un tabac. La galerie lance des expos historiques inédites et, grâce à ses liens avec les héritiers d’artistes, organise des déploiements consacrés à Marcelle Ferron, Serge Lemoyne ou encore Jean-Paul Riopelle. La rencontre avec Yseult Riopelle en 1996 a été majeure. 

« Elle a changé notre vie, dit Simon Blais. Elle nous a fait rencontrer à New York la succession de Pierre Matisse, celle de Joan Mitchell et la galerie Acquavella qui représente d’immenses artistes. » 

La galerie a fini par asseoir sa réputation sur une combinaison d’art moderne et d’art contemporain, donnant la part belle aux artistes québécois (les trois quarts de ses poulains), combinant artistes émérites et émergents et s’occupant de stars internationales comme Joan Miró, Lucian Freud, Antoni Tàpies, Zao Wou-Ki, Joan Mitchell ou Kiki Smith.

Croissance

Le déménagement de la galerie dans de vastes locaux du boulevard Saint-Laurent, en 2002, a changé sa dynamique. Avec un intérêt croissant pour la peinture (Rita Letendre, Françoise Sullivan, Marcel Barbeau, Denis Juneau, etc.) et l’apport de la photographie (Michel Campeau, Bertrand Carrière, Serge Clément, Éliane Excoffier, etc.).

Aujourd’hui, la galerie Simon Blais représente 23 artistes actuels, 20 modernes et 10 internationaux. Un total de 53 artistes. Un record en 30 ans.

Si Simon Blais est « l’âme de la galerie », selon sa conjointe, le choix de nouveaux artistes est une décision collective. « En fonction des affinités qu’on a avec les artistes », dit Simon Blais. Pour chaque artiste, la galerie dispose d’un grand nombre d’œuvres. Un trésor pour ses clients, dont la moitié sont des collectionneurs assidus. La galerie s’efforce de proposer des prix variés afin d’attirer des premiers acheteurs, plus jeunes.

Depuis 10 ans, la Fondation Sylvie et Simon Blais soutient d’ailleurs les artistes sortant de l’université. « Une façon de redonner, dit Simon Blais. Et de leur permettre de monter leur première exposition. » 

Une bonne période 

Aujourd’hui, le marché de l’art va bien, selon Simon Blais. L’économie est à un sommet. Les Québécois francophones n’ont jamais autant collectionné. À 62 ans, les deux galeristes ont encore bien des projets. « On va continuer tant qu’on a du plaisir, dit M. Blais. Marchand d’art, c’est le plus beau métier du monde ! Et le plus grand bonheur quand on tombe en amour avec un artiste ! » 

30 ans en 3 questions

Votre expo la plus marquante ? 

« Poèmes barbares, de Jean McEwen, dit Sylvie Cataford. Les tableaux étaient somptueux et il est décédé durant l’expo. La galerie était devenue comme un salon funéraire. Les gens venaient lui rendre hommage. » 

L’artiste que vous auriez voulu représenter ? 

« Serge Lemoyne, dit Simon Blais. J’étais en pourparlers avec lui en 1997. Il venait me voir avec humilité pour qu’on travaille ensemble. Mais il est mort en 1998. Une rencontre ratée. »

L’œuvre vendue la plus prestigieuse ? 

« Le plus beau Riopelle du monde pour plusieurs millions de dollars il y a quatre ou cinq ans, dit Simon Blais. Il provenait de la collection personnelle de Pierre Matisse. L’œuvre est à Montréal dans une maison privée. »

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