LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, notre critique en arts visuels propose une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

JEAN-PAUL JÉRÔME

Renaissance d’un plasticien

Treize ans après sa mort, un Jean-Paul Jérôme inédit fait un retour éclatant sur les cimaises avec une exposition consacrée à ses dernières créations. Un événement préparé par ses deux nièces, Dominique et Johanne, le commissaire Simon Morin-Plante et Alex Leibner, directeur de la galerie D’Este, à Montréal. 

Jean-Paul Jérôme est de retour. Enfin !, a-t-on envie de dire. Car voici un artiste montréalais qui mérite amplement de retrouver la gloire. Il a assez pâti, de son vivant, du fait de ne pas avoir été représenté par une galerie… ayant préféré n’entretenir des relations de proximité qu’avec ses amis et collectionneurs.

Rappelons qu’avec Fernand Toupin, Jauran et Louis Belzile, Jérôme avait signé le Manifeste des Plasticiens, le 15 février 1955. Les quatre artistes québécois voulaient aller au-delà de l’automatisme, embrasser un esthétisme moins éthéré, voué aux seuls faits plastiques comme la forme ou la couleur, à l’image d’un Mondrian.

Veuf et sans enfants, Jean-Paul Jérôme est mort d’un cancer foudroyant en 2004. Ses nièces Dominique et Johanne ainsi que son neveu Robert ont alors hérité de ses œuvres (il en a produit des milliers de 1945 à 2004). Une responsabilité énorme pour des ayants droit qui ne connaissaient pas le marché de l’art.

« On a voulu respecter l’engagement donné à notre oncle de son vivant, dit Johanne Jérôme. Les premières années, on a rencontré des conseillers pour évaluer les avenues possibles. On s’est rendu compte de l’ampleur de la tâche, des coûts et des démarches que cela impliquerait. » 

« On était attachés à Jean-Paul. On l’a aimé, maintenant, on veut l’aider et ne pas lui nuire. On veut être à la hauteur ! »

— Dominique Jérôme

Après s’être résolus, en 2012, à vendre la maison du peintre, rue Casgrain, où les Plasticiens s’étaient maintes fois réunis, les ayants droit ont commencé à réfléchir à la manière de faire revivre la production de Jérôme. 

« Il disait toujours qu’un tableau prend vie lorsque le regard se pose sur la toile, dit Dominique Jérôme. Il voulait que l’on fasse voir son travail. » 

Inventaire et exposition

À cette fin, Johanne et Dominique ont travaillé avec la galerie D’Este, puis se sont associées, l’an dernier, au commissaire et consultant Simon Morin-Plante. Les œuvres de Jérôme ont fait l’objet d’un inventaire et d’un archivage. Elles ont été répertoriées et classées selon le médium et le format. Simon Morin-Plante a ensuite choisi des œuvres des dernières années de l’artiste qui contrastent avec celles des années 50 et 60. 

Il en résulte l’exposition Construction d’espace qui débute aujourd’hui chez D’Este. Avec une vingtaine d’abstractions géométriques de la période 1992-2004, pour la plupart inédites : des peintures, des collages, des dessins et deux sculptures. 

Des œuvres éclatantes, marquées par ce besoin de combler l’espace par une composition architecturale nette et ample dans un rapport équilibré entre forme et pigment. Un cartésianisme assumé de « naïveté artisanale » qui donne aux créations épurées et vibrantes une impression générale que les Plasticiens nommaient « la révélation de formes parfaites dans un ordre parfait ».

L’expo comprend des cartels explicatifs qui fournissent au visiteur maints détails sur les œuvres, notamment des collages aériens délicats et ludiques. Dans les dernières années de sa vie, Jérôme avait atteint une maîtrise technique de ses aplats multicouches et un sens du volume et de l’harmonie assez exceptionnel.

Dans la salle principale de la galerie, on constate combien Rythme de la terre et Ample arpent, deux de ses dernières toiles, avaient gagné en sobriété par rapport aux œuvres de 1992-1993 (accrochées tout près), tout en rappelant celles des années 50, la rigueur en plus.

Joyeux et dynamiques, ces derniers tableaux sont ceux d’un artiste qui prenait tout son temps pour créer et qui ne savait pas, bien sûr, que la vie allait lui être reprise soudainement. 

Des tableaux gorgés de vie, de passion et de bonheur. Un bonheur de vivre et une passion qu’il a transmis à sa famille, tout comme son amour de l’art : la fille de Johanne Jérôme a suivi les traces de son célèbre grand-oncle. Nika Fontaine a déjà exposé à la galerie Joyce Yahouda, à Montréal, et poursuit, depuis huit ans, sa vie d’artiste contemporaine à Berlin. Avec le même besoin de construire une architecture dans l’espace…

À la galerie D’Este (4396, boulevard Saint-Laurent, Montréal), jusqu’au 12 novembre

LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, notre critique en arts visuels propose une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Carnations

La galerie Leonard & Bina Ellen propose, jusqu’au 21 octobre, une première réflexion critique sur la démarche de l’artiste Philippe Hamelin, réalisation de la commissaire Michèle Thériault. L’exposition Carnations – suite d’animations de synthèse créées depuis 2012 par Hamelin – évoque la relation ambiguë entre la réalité et l’univers numérique, univers souvent étrange et inquiétant qui modifie les structures de fonctionnement de la société.

À la galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia (1400, boulevard De Maisonneuve Ouest, Montréal), jusqu’au 21 octobre

Parcours Photo Sherbrooke

Initiative de photographes de la région de Sherbrooke, Parcours Photo Sherbrooke est une exposition en plein air de photos de grand format présentée autour du lac des Nations, au cœur de la cité estrienne. Sur le thème de la nature urbaine, sont exposées, jusqu’au 21 janvier, des images des photographes Catherine Aboumrad, Anne-Josée Beaudoin, Luc Beaudoin, Bernard Brault, Emmanuelle Dion, Peter Andrew Lusztyk, Francine Ostiguy, Oscar Quinonez et Laurent Silvani.

Au lac des Nations (accès par la rue Vanier), à Sherbrooke, jusqu’au 21 janvier 2018

Plein Sud

Le centre longueuillois d’art actuel Plein Sud accueille, jusqu’au 14 octobre, les nouvelles créations de Caroline Cloutier et de Martin Désilets. L’exposition Énigmes de l’ombre et de la lumière, que l’on doit à la commissaire Francine Paul, propose des photographies à l’évanescence poétique et mystérieuse. Des images découlant notamment de résidences artistiques en Europe et au Québec.

Au centre d’art actuel Plein Sud (150, rue De Gentilly Est, local D-0626, Longueuil), jusqu’au 14 octobre

Dalí dans le Sud-Ouest

Vous avez peut-être remarqué l’été dernier cette grande sculpture éléphantesque près du Château Frontenac, à Québec. Il s’agit de l’un des huit exemplaires de L’éléphant spatial de Salvador Dalí, bronze monumental (3,9 m x 7,24 m) créé en 1980. Pesant quatre tonnes, l’œuvre d’art qui faisait le bonheur des touristes sur la terrasse Dufferin a été prêtée pour deux ans à l’arrondissement du Sud-Ouest par la galerie d’art du Château Frontenac. Elle sera installée, au début du mois de novembre, dans le quartier de la Petite-Bourgogne, au sein du parc des Meubliers, en face duquel le président de la galerie d’art, Sylvain Fortier, compte ouvrir prochainement une nouvelle galerie.

Jérémie St-Pierre

Sensible aux événements d’actualité, l’artiste québécois Jérémie St-Pierre présente, jusqu’au 14 octobre, l’exposition Spectres 3 au Centre d’art Jacques et Michel Auger, à Victoriaville. Des créations sur toile et sur papier qui évoquent le manque d’humanité, l’inconscience environnementale, l’appât du gain et le cynisme politique.

Au Centre d’art Jacques et Michel Auger (150, rue Notre-Dame Est, Victoriaville), jusqu’au 14 octobre

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