CHRONIQUE PARTI QUÉBÉCOIS

Un troisième parti de centre droit au Québec ?

En choisissant, au premier tour, Pierre Karl Péladeau comme chef, le Parti québécois est en rupture avec sa tradition sociale-démocrate. Cette rupture aura des répercussions internes, sur les orientations du parti, et sur ses liens avec les autres composantes de la famille souverainiste.

Mais l’arrivée de M. Péladeau comme chef du PQ et comme chef de l’opposition officielle aura aussi des répercussions externes, en bousculant l’échiquier politique du Québec.

Depuis quelques années, l’éventail politique du Québec était assez clair : un parti de centre droit, le Parti libéral du Québec, un parti plus à droite, l’Action démocratique du Québec, remplacé par la Coalition avenir Québec, plus proche du centre, un parti de centre gauche, le Parti québécois, et une quatrième formation, plus marginale en termes de voix et de sièges, et beaucoup plus à gauche, Québec solidaire.

L’arrivée de Pierre Karl Péladeau bouscule cet équilibre, car elle fera vraisemblablement migrer le PQ du centre gauche vers le centre droit, avec une conséquence assez étrange. Dorénavant, tout le monde se retrouvera à la même place. Les trois partis susceptibles de former un gouvernement se battront pour s’imposer dans le même espace politique, celui du centre droit.

L’encombrement dans cet espace idéologique peut avoir une foule de conséquences politiques, par exemple le risque pour la CAQ qu’une partie de son électorat soit séduite par M. Péladeau, ou encore le passage à QS de péquistes progressistes qui ne se reconnaissent plus dans leur parti. Plus profondément, sur le plan de la vie démocratique, il y aura un vide, l’absence de véhicule d’expression pour ceux qui se réclament d’une gauche modérée.

Il est vrai que, dans son discours de victoire, M. Péladeau a dénoncé le néo-libéralisme et dit souhaiter que le PQ reste progressiste. Il est également vrai que ses prises de position extrêmement vagues pendant la course à la direction permettent d’entourer ses orientations d’un flou artistique. 

Mais M. Péladeau est un homme public depuis longtemps. Il a fait assez de gestes, fait assez de déclarations pour que l’on ait une idée assez précise de ses positions politiques, assez pour qu’on puisse le qualifier de politicien très conservateur.

On connaît évidemment ses positions antisyndicales et ses comportements musclés envers ses employés syndiqués, ce qui, au Québec, constitue un marqueur pour distinguer la gauche de la droite. On connaît moins les liens très suivis qu’il a entretenus pendant des années avec l’Institut économique de Montréal, le « think tank » qui incarne, au Québec, la pensée que l’on décrit comme néolibérale. On connaît aussi ses idées à travers les campagnes des journaux qu’il possède et sur lesquels il a exercé son influence, comme les croisades contre les abus du secteur public aux accents anti-État, la montée en épingle des cas d’accommodements déraisonnables, qui sont aussi les thèmes chers aux courants conservateurs canadiens.

Tout cela définit un univers idéologique radicalement différent de celui de ses prédécesseurs. Il est vrai qu’un autre chef du PQ, Lucien Bouchard, s’est écarté des traditions péquistes avec son conservatisme budgétaire. Mais M. Bouchard avait une vision du rôle social de l’État – CPE, assurance médicaments – que l’on n’a toujours pas sentie chez M. Péladeau.

Dans ses nouvelles fonctions, Pierre Karl Péladeau va très certainement recentrer son discours, pour mieux incarner le parti qu’il dirige, et pour ne pas compromettre les alliances avec les courants de gauche dont il aura besoin dans ses efforts pour promouvoir l’indépendance. Cela est déjà commencé, par exemple à sa façon de qualifier d’idéologique l’austérité du gouvernement Couillard.

Mais cette évolution a des limites. Il est difficile d’imaginer que M. Péladeau puisse se morpher en politicien progressiste crédible et convaincant. Sa migration vers la gauche risque plutôt de l’amener de la droite au centre droit, là où sont ses deux principaux adversaires, François Legault et Philippe Couillard.

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