Course à la direction du NPD

Un Jack Layton sikh pour succéder à Mulcair ?

Ottawa – —  Jagmeet Singh, une étoile montante de la politique canadienne, a finalement lancé sa campagne à la direction du Nouveau Parti démocratique (NPD), hier. L’avocat charismatique de 38 ans, expert des arts martiaux et qui remporte fréquemment la palme du politicien le mieux habillé, devra convaincre les militants qu’il peut battre Justin Trudeau et que son turban ne sera pas un boulet pour le parti au Québec.

Qui est Jagmeet Singh ?

Fils d’immigrants indiens et né à Scarborough, à l’est de Toronto, il a grandi à Terre-Neuve et à Windsor, en Ontario. Avocat spécialisé en droit criminel, il est le premier sikh portant le turban élu à l’Assemblée législative ontarienne, en 2012, où il représente la circonscription de Bramalea–Gore–Malton. Il est chef adjoint du parti depuis 2015.

Pourquoi le décrit-on comme une vedette politique ?

Ceux qui le rencontrent conviennent souvent que M. Singh jouit d’un charisme considérable. Il maîtrise le français, l’anglais et le pendjabi. Bel homme, il a un sens du style qui a souvent été célébré, notamment par le magazine américain GQ, qui lui a consacré un article en février intitulé : « Conversation avec Jagmeet Singh, la vedette montante et incroyablement bien habillée de la politique canadienne. »

Et la substance ?

Dans son discours de lancement de campagne, hier à Brampton, en banlieue de Toronto, le politicien a évoqué son désir de combattre les inégalités, de bâtir un Canada plus inclusif et de réussir là où, dit-il, Justin Trudeau a échoué : procéder à une réforme du système électoral, combattre les changements climatiques et miser sur une réelle réconciliation avec les peuples autochtones.

Son turban peut-il lui nuire au Québec ?

Des néo-démocrates de la province parlent ouvertement de leurs craintes, surtout après la déconfiture des dernières élections qui a suivi la prise de position de Thomas Mulcair sur le niqab. « C’est évident que c’est un facteur, estime Karl Bélanger, ancien stratège du NPD sous Jack Layton et M. Mulcair. Il y a une volonté ferme de la majorité de la population de séparer la religion et l’État. Évidemment, quand on porte fièrement – et comme il a tout à fait le droit de le faire – des symboles religieux, ça aura un impact. » M. Bélanger souligne néanmoins le fait qu’il est « impressionnant qu’en 2017, on soit rendus à voir un candidat qui pourrait briser une barrière, c’est-à-dire le premier chef qui ne viendrait pas d’un héritage caucasien [blanc] au Canada. C’est un progrès important ».

Qu’en pensent les partisans de Jagmeet Singh ?

Étienne Gratton, ancien coprésident de l’aile jeunesse du NPD qui appuie le candidat, croit que Jagmeet Singh sera capable de convaincre les Québécois. La question « soulève des inquiétudes qui prennent source principalement dans l’inconnu, dit-il. Une fois qu’on réussit à établir une connexion humaine, à mettre un visage sur, justement, les signes religieux ostentatoires et à établir cette connexion-là, il y a beaucoup de gens qui sont prêts à passer par-dessus. C’est le pari qu’on fait, et je suis sûr que Jagmeet Singh va pouvoir y arriver ».

Qu’en pense le principal intéressé ?

Il a évité de parler de cette question durant son discours. Il a cependant donné l’exemple de son enfance, au cours de laquelle il a été pris à partie en raison de son « nom qui sonne drôle, [sa] peau brune et [ses] cheveux longs », et a exhorté le Canada à être une société inclusive où tous peuvent réaliser leurs rêves. Il a aussi tendu la main aux Québécois : « Mes parents m’ont raconté que dans leur enfance, leur langue n’était pas respectée, ce qui a provoqué en eux un sentiment de honte. Comme enfant, j’ai découvert que les Québécois ont fait face à des pressions similaires en lien avec leur langue et leur identité. J’ai vite compris les parallèles. Ça m’a profondément affecté. Je ne comprenais pas comment, au Canada, la langue française n’était pas respectée à sa juste valeur. C’est à ce moment-là que je me suis engagé à apprendre le français. »

Quel est le lien avec Jack Layton ?

M. Singh a cité l’icône que Jack Layton est devenue au sein du NPD à quelques reprises durant son discours d’hier. « Ne laissez personne vous dire que ce n’est pas possible », a-t-il dit entre autres au sujet d’un gouvernement fédéral néo-démocrate. Le militant Étienne Gratton cite ce parallèle entre les deux hommes comme étant un facteur qui l’a convaincu d’appuyer le candidat. « Cette fibre humaine que Jack Layton avait, je l’ai retrouvée chez Jagmeet Singh », dit-il.

Son entrée tardive dans la course peut-elle lui nuire ?

La première ronde de scrutin commence en septembre, et on compte jusqu’ici quatre candidats confirmés : Peter Julian, Niki Ashton, Guy Caron et Charlie Angus. Or, le système néo-démocrate est celui d’un vote par les membres du parti. « Il n’y a pas de recette magique, dit M. Gratton. C’est : signer des cartes, signer des cartes, signer des cartes et rencontrer des membres. Donc ça va être notre prochaine et probablement notre seule étape d’ici le vote à l’automne. » La communauté sikhe a la réputation d’être très impliquée politiquement. Elle sera sans doute largement mise à contribution au cours des prochains mois.

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