Restauration 

Sauver la planète, une paille à la fois

Le mouvement anti-paille prend de l’ampleur. Aux États-Unis comme au Canada, des restaurants et des bars cessent de mettre des pailles en plastique dans leurs cocktails. Et des personnalités comme le hockeyeur Erik Karlsson et l’acteur Adrian Grenier s’en mêlent et font campagne sur les réseaux sociaux.

Pourquoi ? Pour sauver la planète.

Les pailles en plastique, servies avec des jus, des boissons gazeuses ou des cocktails, causent un énorme problème environnemental, affirme Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki.

« On utilise les pailles en plastique en moyenne 20 minutes et on les jette. Elles sont faites d’un plastique qui n’est pas biodégradable, on leur ajoute des colorants, des plastifiants, des filtres ultraviolets. Elles sont hyper toxiques et ne se dégradent pas dans l’environnement », dit-elle.

Plusieurs campagnes comme #StopSucking, #StrawsSuck et Straw Wars circulent depuis quelques années sur les réseaux sociaux. Selon le groupe The Last Plastic Straws, environ 500 millions de pailles seraient jetées chaque jour aux États-Unis, une quantité suffisante pour faire deux fois et demie le tour de la planète. Les pailles en plastique figureraient également parmi le palmarès peu glorieux des 10 objets les plus ramassés sur les plages.

« Une paille de plastique, ce n’est absolument pas recyclable. Seulement quelques-unes sont faites de polypropylène, une matière recyclable, mais les centres de tri peinent à les mettre de côté puisqu’elles sont trop petites. »

— Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki

Dans l’océan, les poissons confondent les pailles avec de la nourriture, et des animaux marins se retrouvent avec des tuyaux colorés dans leurs voies respiratoires ou leur estomac.

Une ville sans pailles

La ville de Tofino, en Colombie-Britannique, est toutefois devenue un modèle en éradiquant complètement les pailles de plastique de ses 41 cafés, restaurants et bars. Si un client en fait la demande, les serveurs optent pour une version en papier depuis 2016.

« Certaines entreprises ont été plus difficiles à convaincre, mais la plupart étaient réceptives. Notre village est encerclé par l’océan. Nous sommes donc conscients de son importance pour notre économie, notre culture et notre bien-être », raconte Lilly Woodbury, directrice de la Surfrider Foundation – Pacific Rim Chapter, l’organisme derrière la campagne Straws Suck.

Le mot-clé #StrawsSuck a d’ailleurs été partagé plus de 9 millions de fois sur les réseaux sociaux. Des villes comme Vancouver, San Francisco, Wellington, en Nouvelle-Zélande, et Guelph, en Ontario, ont demandé des conseils à la municipalité de 1875 habitants afin de suivre son exemple.

« On est une toute petite ville qui a réussi à inspirer des plus grandes. Ça prouve que chaque personne peut faire une différence. Si vos amis, votre famille et vos collègues voient que vous ne buvez plus avec une paille, ils vont poser des questions, et le message va finir par se relayer », dit Mme Woodbury.

Au tour du Québec 

À Montréal, quelques établissements comme le 4mur et le Teddy Bar servent des pailles en carton recyclé seulement aux clients qui en exigent. Au bar George, qui est aussi en voie d’éliminer les pailles en plastique, beaucoup de clients en demandent pour siroter leur Bloody Caesar ou leur margarita. « Mais dans 90 % des cas, ils comprennent nos arguments », dit Maxime Boivin, mixologue en chef de l’établissement de la rue Drummond.

« On n’est pas là pour faire la morale à nos clients, explique-t-il. On essaie parfois d’avoir une approche humoristique pour sensibiliser nos invités. Une paille, ce n’est pas nécessaire, et à la quantité qu’on consomme, ça peut aller vite. Dans une soirée, si tout le monde boit cinq drinks avec cinq pailles, on peut facilement faire un changement. »

Le bar George espère bientôt remplacer les pailles en plastique par des versions en papier sans agent blanchissant ni encre pour satisfaire les clients qui tiennent leur bout.

« Parce que des fois, entretenir son rouge à lèvres, c’est plus important que de sauver la planète », dit M. Boivin avec ironie.

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