Opinion

Pourquoi je ne donnerai pas à Centraide cette année

C’est peu avant les Fêtes l’an dernier, à ce moment de l’année où l’on se sent le cœur à la fête et au partage, que Centraide, grand distributeur de nos élans de générosité, a annoncé la fin de 37 années de soutien financier accordé à l’Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal (OPDS-RM). L’aide financière a pris fin le 31 mars dernier après une coupe de 20 % de cette dernière en avril 2018.

L’OPDS-RM est un organisme à but non lucratif qui a su, depuis sa création en 1980, développer une expertise reconnue de la loi sur l’aide sociale. L’organisation lutte pour la défense des droits des familles et des personnes vivant en situation de pauvreté et d’exclusion, tant sur un plan individuel que collectif.

Dans la lettre annonçant cette décision, on reproche entre autres à l’organisation de ne pas répondre « de façon satisfaisante aux critères de performance de Centraide » ainsi que de présenter des « lacunes majeures en gouvernance (avec une faiblesse en regard de la vision et du plan d’action qui en découle) ». 

Une approche à réviser

Tenter d’imposer des façons de faire issues du milieu des affaires au communautaire est une approche que Centraide devrait réviser. Le langage utilisé par Centraide n’est pas celui des organismes communautaires tels que l’OPDS-RM, où « gouvernance » s’appelle « gestion collective » ; où bénévoles et salariés sont sur un pied d’égalité quand vient le temps de prendre des décisions ; où on ne cherche pas à performer, mais à aider ; où la « démonstration des résultats des actions » ne se mesure pas à l’aide d’indicateurs.

Cela se vit, se voit, mais ne se calcule pas. Comment mettre en chiffres une vie transformée, un peu d’estime de soi retrouvée ?

Centraide souhaite financer des « acteurs de changement social ». Le premier facteur de transformation sociale n’est-il pas l’éducation (être informé tant de nos droits que de nos obligations, par exemple) ? C’est ce que font les organismes communautaires par l’éducation populaire. 

La défense individuelle des droits est essentielle et, en accompagnant les gens dans celle-ci, les organismes contribuent à corriger des erreurs administratives, à pallier des lacunes ou l’absence de services publics. Mais faut-il rappeler que c’est ensemble que l’on peut agir et avoir un impact sur les inégalités sociales, ce que font les groupes de défense de droits contre vents et marées.

La vision et le plan d’action de l’OPDS-RM ne sont pas faibles, mais bien au contraire, audacieux : l’atteinte d’un revenu de citoyenneté inconditionnel accessible à tous. 

Que le message de redistribution de la richesse et les actions d’éclat de l’OPDS déplaisent à certains membres du conseil d’administration de Centraide n’a rien de surprenant, quand on voit que ceux-ci proviennent entre autres de KPMG, de la Financière Sun Life, de HEC ou de diverses banques.

N’en déplaise aux membres du C.A. de Centraide, la lutte contre la pauvreté ne peut se réduire à un berlingot de lait offert aux enfants à l’école. Si on veut réellement mettre un terme à la pauvreté, il faut lutter collectivement, tel que le fait avec beaucoup de courage l’OPDS, contre les lois qui la créent et la maintiennent.

C’est pourquoi je vous invite à ne pas faire de don à Centraide cette année, mais plutôt à donner directement à l’organisme de votre choix – pourquoi pas l’OPDS-RM ? – afin qu’il puisse poursuivre son travail remarquable.

Longue vie aux groupes de défense de droits ! Longue vie à l’OPDS-RM !

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