Stéphane Laporte Clin d’oeil Jeudi 2018-05-10

Le Canadien, lui, est un OSBC : un organisme sans but compté.

Opinion 

La Presse doit rester en vie et en bonne santé

La transformation du quotidien en organisme à but non lucratif est un pari audacieux, mais représente une solution vulnérable

Personne n’avait vu venir le coup. La Presse, propriété de Power Corporation, devient un organisme à but non lucratif (OBNL).

Mettons les choses au clair. La Presse est un grand média qui compte dans ses rangs plusieurs des meilleurs journalistes et chroniqueurs du Québec. Les Yves Boisvert, Nathalie Collard, Agnès Gruda, Patrick Lagacé, Michèle Ouimet (nouvellement retraitée), Laura-Julie Perrault, et bien d’autres, contribuent jour après jour à enrichir le débat public au Québec et nous ouvrir au monde. Nous en avons grandement besoin. 

Lorsque La Presse+ a été créée, j’ai salué l’audace de ses propriétaires. C’était tout un pari, mais il valait la peine d’essayer.

Les propriétaires de La Presse suscitaient l’espoir que le passage au numérique pour les grands médias traditionnels était du domaine du possible. On a aussi salué cette audace ailleurs dans le monde. 

Or, personne à l’époque n’aurait pu prévoir à quelle vitesse vertigineuse les géants du web comme Facebook et Google s’apprêtaient à tout balayer sur leur passage. Ils établissent totalement leur suprématie dans l’univers numérique. Ils en sont les véritables propriétaires. Aujourd’hui, près de 80 % des revenus publicitaires en ligne sont accaparés à eux seuls par ces deux géants du web. Du jamais vu !

Le pire, c’est que non seulement ils accaparent les recettes publicitaires, mais ils piratent aussi gratuitement les contenus des journalistes… sans rendre de comptes à personne. De plus, 70 % des moins de 35 ans s’informent maintenant principalement par l’intermédiaire de Facebook. J’ai souvent dit aux plus jeunes à quel point ils contribuaient à affaiblir nos médias nationaux en les boudant au profit de Facebook.

Nos cultures et nos médias nationaux se font ainsi littéralement écraser par ces géants du web. 

Il faudra bien un jour s’atteler à la tâche de sauver nos informations et notre culture. Mais comment, quel est le bon modèle d’affaires ? Voilà la question. 

La Presse doit rester en vie et en bonne santé. Elle est essentielle. Chaque média menacé signifie un affaiblissement de la diversité d’opinion et de la liberté d’expression au Québec. C’est inquiétant pour l’avenir de notre société et pour notre démocratie. 

En attendant, un OBNL prend le relais. Un autre pari audacieux. Tant mieux si cela fonctionne, mais il s’agit d’une solution vulnérable.

Miser sur les fonds publics et la philanthropie, est-ce là le modèle d’affaires alternatif ?

Tous les médias rivaliseront les uns avec les autres pour obtenir leur financement respectif.

La dépendance à l’égard des fonds publics comporte aussi sa zone d’ombre selon les gouvernements élus. Quant aux milliardaires philanthropes, ils ne courent pas les rues non plus. Je souhaite bonne chance à ce projet. Nous avons besoin de journalistes rigoureux et solides pour contrer la désinformation qui prend trop d’espace sur Facebook et les réseaux sociaux.

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