Chronique

REM : les automobilistes paieront-ils leur part ?

Mes amis environnementalistes m’ont souvent posé la question : ne serait-il pas normal que les automobilistes paient une bonne partie du REM de la Caisse de dépôt ?

Au fond, ce sont les automobilistes qui contribuent aux embouteillages dont ils se plaignent, me disent-ils. Ce sont les automobilistes qui sont parmi les grands responsables de l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) et du réchauffement de la planète. Pourquoi ne paieraient-ils pas, puisque le REM contribuera à alléger le trafic et à réduire les GES ?

Justement, le budget du Québec présenté mardi dernier nous éclaire à ce sujet. Avec quelques questions additionnelles, j’ai pu savoir dans quelle mesure les automobilistes seront mis à contribution pour le Réseau électrique métropolitain (REM).

À ma grande surprise, je constate qu’une grande part des coûts d’exploitation additionnels du réseau attribuables au REM sera financée par les propriétaires d’automobiles, de véhicules utilitaires sport (VUS) et autres véhicules, dont les camions de transport. Je parle des coûts d’exploitation annuels (employés, électricité, etc.), et non de l’investissement de départ.

D’abord, il faut savoir qu’avant la mise en service du REM, en 2021, les municipalités paieront 30 % de la facture annuelle des transports en commun régionaux, les usagers, 32 % et le gouvernement du Québec, 38 %. Appelons ce partage la tarte des transports collectifs.

Avec l’arrivée du REM, la somme globale des trois groupes augmentera, mais leurs proportions devraient demeurer sensiblement les mêmes. Par exemple, l’ensemble des usagers paiera davantage, mais ce ne sera pas à cause d’une hausse globale des tarifs, mais plutôt en raison d’une augmentation prévue de l’affluence (la tarte deviendra plus grosse).

Pour connaître la part des automobilistes, il faut donc analyser plus finement les sources de financement de la part de tarte de 38 % assumée par le gouvernement, essentiellement.

Dans le budget, il est estimé que la facture additionnelle que devront se partager le gouvernement et les municipalités en raison de la venue du REM sera de 157 millions en 2022-2023(1). Cette facture annuelle sera payée à 85 % par le gouvernement du Québec (133 millions) et à 15 % par les municipalités (24 millions). Elle augmentera graduellement jusqu’en 2026, année où le REM aura fait le plein d’adeptes.

La question qui se pose : dans quelle poche des contribuables le gouvernement du Québec puisera-t-il les 133 millions ? Réponse : l’argent viendra en grande partie du FORT, soit le Fonds des réseaux de transport terrestre.

Or, ce fonds est principalement alimenté par des taxes prélevées auprès des automobilistes. Il y a notamment les revenus de la taxe sur les carburants (60 % du FORT) et les droits sur les permis de conduire et les immatriculations.

Autre source de revenus : le Fonds vert. Ce fonds tire l’essentiel de ses revenus du marché du carbone, qui oblige en quelque sorte les entreprises à acheter des droits pour polluer. Ces droits touchent diverses entreprises, entre autres les raffineries de pétrole, ce qui a pour effet d’augmenter le prix de l’essence refilé aux automobilistes.

Je vous épargne le fin détail des calculs, mais tout pris en compte, environ 80 % des 133 millions du gouvernement du Québec viendront des poches des automobilistes et autres chauffeurs de véhicules routiers.

J’en suis plutôt surpris, puisque j’avais oublié que depuis 2010, les diverses taxes prélevées auprès des automobilistes étaient dirigées vers un fonds dédié, le FORT.

Maintenant, en ramenant cette estimation de 80 % de 133 millions sur l’ensemble de la tarte des transports collectifs, on est à même de constater que les automobilistes financeront le REM presque autant que les usagers. Plus précisément, la nouvelle tarte serait celle-ci, essentiellement : municipalités, 30 %, usagers, 32 %, automobilistes, 30 % et autres contribuables du gouvernement, 8 %.

Certains résidants des régions éloignées critiqueront le fait qu’ils devront, en tant qu’automobilistes, financer un train électrique qui sert essentiellement aux résidants de la région de Montréal.

C’est oublier que le FORT finance aussi d’autres projets de transports collectifs au Québec, de même que l’ensemble du réseau routier.

L’an prochain, le FORT cumulera 3 milliards de dollars. Les dépenses annuelles en transports collectifs pour l’ensemble du Québec financés par le FORT s’élèveront alors à 1 milliard.

Au bout du compte, le principe économique de faire payer aux automobilistes le coût qu’ils engendrent notamment en congestion routière et GES apparaît respecté avec cette formule de financement. Et c’est bien tant mieux.

Qu’il suffise de rappeler que le coût annuel de la congestion routière pour les particuliers et les entreprises a doublé dans la région de Montréal depuis 10 ans, à quelque 1,85 milliard.

1 La facture additionnelle sera gérée par la nouvelle Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

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