Europe

Les tensions s'accentuent entre la France et l'Italie

Le gouvernement français a annoncé hier le rappel de son ambassadeur en Italie, soulignant de spectaculaire façon la détérioration des relations entre les deux pays. Les élections européennes prévues en mai échauffent les esprits.

Qu’a dit la France à l’appui de sa décision ?

Dans un communiqué publié hier pour expliquer le rappel de l’ambassadeur, le ministère des Affaires étrangères souligne que la France fait l’objet depuis plusieurs mois « d’attaques répétées » sans fondement et d’accusations « outrancières » de la part du gouvernement italien. Le texte précise que les plus récentes « ingérences » de Rome dans la vie politique française constituent « une provocation supplémentaire et inacceptable » et « violent le respect que se doivent entre eux les gouvernements démocratiquement et librement élus ». La France appelle enfin l’Italie à « agir pour retrouver la relation d’amitié et de respect réciproque » liant les deux États.

Est-ce qu’un évènement particulier a fait réagir Paris ?

Les relations entre les deux pays se sont sensiblement détériorées depuis l’arrivée au pouvoir en Italie d’un gouvernement de coalition formé par la Ligue du Nord de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio. Les deux politiciens ont ciblé à plusieurs reprises le président français Emmanuel Macron, allant jusqu’à souhaiter ouvertement que le pays soit libéré d’un « mauvais président ». Le chef d’État français, loin d’être en reste, a déclaré que l’Italie méritait « des dirigeants à la hauteur de son histoire ».

Plus tôt cette semaine, M. Di Maio s’est rendu en France pour rencontrer des dirigeants du mouvement des gilets jaunes, en lutte contre le gouvernement français. Il a affirmé à cette occasion que le « vent du changement avait franchi les Alpes », encourageant de facto l’opposition populaire au président français. Le Quai d’Orsay avait dénoncé cette initiative dès mercredi, la qualifiant de provocation « inacceptable », avant de reprendre l’expression dans son communiqué d’hier.

Assiste-t-on à une rupture durable ?

Le rappel d’un ambassadeur entre pays membres de l’Union européenne est extrêmement rare. Frédéric Mérand, du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, note que le gouvernement français a voulu par cette mesure souligner à l’Italie qu’« il y a des lignes rouges à ne pas franchir » sur le plan diplomatique. La décision comporte aussi un élément « théâtral », relève l’analyste, qui interprète l’escalade actuelle à la lumière des élections européennes prévues en mai. Emmanuel Macron, note-t-il, se pose en chef de file du courant « progressiste » et pro-européen en prévision du scrutin, alors que les dirigeants italiens mènent le camp populiste, très critique à l’endroit de Bruxelles. Dans une publicité diffusée en octobre 2018 en prévision du scrutin, le gouvernement français avait utilisé des images de Matteo Salvini pour fustiger ses politiques restrictives en matière d’immigration. Le principal intéressé a réagi en annonçant qu’un « printemps des peuples » ferait bientôt tomber le président français.

La situation va-t-elle se calmer dans un avenir rapproché ?

M. Mérand pense que la tension actuelle va certainement se maintenir, voire s’accroître, jusqu’aux élections de mai. L’enjeu électoral n’est pas seul en cause puisque Matteo Salvini et Luigi Di Maio sont aussi engagés dans une bataille de popularité dans leur pays, ce qui favorise les surenchères avec la France. Malgré le caractère musclé des échanges, les différends entre les deux pays ne sont pas aussi importants que la crise le laisse entendre, affirme l’analyste. Même sur la question de l’immigration, qui fait couler beaucoup d’encre, les divergences sont moins dramatiques qu’on pourrait le croire puisque la France défend, comme l’Italie, l’idée que les réfugiés devraient être répartis un peu partout sur le continent, explique-t-il. « On n’est pas dans un conflit de fond, c’est plutôt une question de posture. La crise s’inspire de véritables contentieux, mais ils n’ont pas cette envergure », relève M. Mérand.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.