COVID-19

Les mouvements de personnel ont été dévastateurs

Montréal figure désormais parmi les grandes villes du monde où le taux de mortalité est le plus élevé

Montréal a la part du lion du plus récent bilan québécois de la COVID-19. Avec moins du quart de la population de la province, l’île compte 78 des 118 nouveaux décès annoncés mardi pour le Québec.

C’est une proportion encore plus élevée que la part montréalaise du nombre total de décès de la COVID-19, 1488 sur 2398. Globalement, l’île a la moitié des cas de la province, 16 991 sur 33 417.

Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique, qui a promis de tripler à 14 000 par jour le nombre de tests diagnostiques de COVID-19 d’ici vendredi, a attribué la persistance du lourd bilan montréalais aux mouvements de personnel. « Au départ, les éclosions ont été liées aux voyages, particulièrement de New York, avec des éclosions dans certaines communautés », a répondu M. Arruda après une question sur Montréal durant la conférence de presse de mardi. 

« Après, il y a la question des CHSLD, avec probablement des travailleurs de la santé qui allaient dans différents CHSLD et ont probablement introduit ou eu la maladie d’un centre et l’ont répandue. À tout le moins pour certains CHSLD à Montréal. »

La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, l’a confirmé durant la même conférence de presse. « On a besoin de permanence, a dit Mme Blais. Et l’une des choses qui s’est passée par rapport à… je dirais, le Grand Montréal et avec la COVID-19, c’est que ça prend du personnel dédié. » 

« On ne peut plus faire en sorte que le personnel se promène d’un établissement à un autre, ça prend du personnel dédié, et ça prend aussi une autonomie au niveau du matériel médical. »

— Marguerite Blais, ministre responsable des aînés

Ces mouvements de personnel ont dévasté une clientèle très fragile, a dit le Dr Arruda. « Vu le fait que les gens peuvent être contagieux six jours avant les symptômes, ça crée une situation parfaite avec des personnes âgées, très malades, particulièrement les plus de 80 ans, les plus de 70 ans, les infections se sont répandues dans ces milieux de vie. »

La situation particulière des CHSLD à Montréal, avec leur personnel souvent partagé entre plusieurs établissements, pourrait signifier que la transmission communautaire n’est pas si importante, a avancé le Dr Arruda. « Nous sommes en train d’analyser s’il y a beaucoup de transmission communautaire à Montréal. Je pense qu’il y en a, mais en lien avec ces éclosions liées à ces voyages, à New York particulièrement. » Comme ces voyages sont chose du passé, le déconfinement pourrait donc être moins risqué qu’il n’y paraît à Montréal.

Parmi les pires du monde

L’île de Montréal figure par ailleurs parmi les grandes villes du monde où le taux de mortalité est le plus élevé, selon des chiffres dévoilés mardi par l’Observatoire du Grand Montréal.

Le Grand Montréal avait, au 4 mai, un taux de mortalité attribuable à la COVID-19 supérieur à celui des autres métropoles canadiennes ainsi qu’à celui de villes américaines comme Chicago ou San Francisco. Mais le Grand Montréal englobe les Laurentides, où le taux est très bas. Si on prend seulement Laval ou Montréal, les taux de mortalité sont supérieurs à celui de Boston et comparables à ceux de Paris, Londres ou Bruxelles.

Les villes qui sortent du lot sont New York et Madrid, dont les taux de mortalité sont deux fois supérieurs à ceux d’autres métropoles européennes très touchées. Dans le cas de New York, les zones chaudes ne sont pas Manhattan, qui a un taux de mortalité de la COVID-19 légèrement supérieur à 1000 par million d’habitants, mais Queens et le Bronx, qui ont beaucoup de maisons de retraite pour clientèle défavorisée, ainsi que Brooklyn. 

À Brooklyn, un point chaud est le quartier de Williamsburg, où habite une importante communauté hassidique qui, la semaine dernière, s’est rassemblée par milliers pour les funérailles d’un rabbin fauché par la pandémie.

Madrid est aussi victime des maisons de retraite, nombreuses dans le nord de la capitale espagnole, où sont la plupart des quartiers les plus touchés. À la mi-mars, une analyse de la revue La Razon prévoyait d’ailleurs une hécatombe dans le nord de Madrid, notant que la moyenne d’âge y frise les 50 ans.

Le taux de mortalité est encore en augmentation rapide à Montréal, avec un taux dépassant celui des autres grandes villes recensées par l’Observatoire du Grand Montréal. Du 27 avril au 4 mai, il a grimpé de 45 %, contre 12 % pour New York. La situation est toutefois encore plus préoccupante à Toronto, où l’augmentation du taux de mortalité dans cette période a été encore plus rapide qu’à Montréal.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.