Opinion

La question de l’immigration dans le contexte du déclin de l’option souverainiste

La méfiance à l’égard de l’immigration au Québec et au Canada n’est pas un phénomène nouveau. Elle s’inscrit dans le paysage politique depuis longtemps, mais sous des formes différentes. Ce sentiment est loin d’être spécifique au Québec, mais il s’y arrime à des enjeux politiques qui lui sont spécifiques. J’esquisse ici les mouvances et les choix politiques propres à ce contexte. 

Depuis le début des années 2000, le nombre de Québécois favorables à l’option souverainiste est en déclin et ceci peu importe la formation politique au pouvoir au fédéral ou au provincial. Cette tendance a eu raison d’un grand nombre de chefs au Parti québécois (PQ) comme au Bloc québécois. Le groupe d’âge le plus fidèle au PQ, les 55 ans et plus, peine à transmettre la flamme souverainiste. Le discours des nationalistes conservateurs, en vogue depuis la défaite d’André Boisclair, a probablement aidé davantage la Coalition avenir Québec (CAQ) que le PQ, et il n’a pas rallié les jeunes électeurs à l’option souverainiste.

Au contraire, ceux-ci appuient fortement les formations fédéralistes, et même chez les électeurs de Québec solidaire, l’appui à la souveraineté ne fait pas l’unanimité. Certains des arguments mis de l’avant par cette formation pour promouvoir la souveraineté, se libérer du pétrole albertain par exemple, ne tiennent tout simplement pas la route. 

Est-ce à dire que les thèmes chers aux nationalistes québécois sont tous démodés ? Absolument pas. Les Québécois sont notamment attachés en très grand nombre à la promotion de la langue française et à l’influence du Québec au sein de la fédération canadienne. 

Ces deux thèmes rejoignent des électeurs autant sur l’axe fédéraliste-souverainiste que sur l’axe gauche-droite. Cependant, pour plusieurs, la promotion du français ne passe plus par une méfiance à l’égard  de l’anglais. 

En dépit de tout ce qui les oppose sur le plan politique, les parents qui appartiennent grosso modo à la droite libertarienne de la région de Québec, comme les parents qui appartiennent grosso modo à la gauche sociale-démocrate montréalaise, considèrent le fait de parler une deuxième langue comme un atout pour la mobilité sociale de leurs enfants qui auront affaire à un marché de l’emploi complexe et imprévisible. 

Quel est le rapport de tout cela avec l’immigration ? La question qui se pose est la suivante : étant donné ce réalignement de la politique et de la société québécoise, la réduction de l’immigration au Québec peut-elle favoriser à la fois la promotion de la langue française et l’influence du Québec dans le Canada ? La réponse est non. 

Il y a notamment plusieurs raisons de penser qu’à moyen terme cette politique affaiblirait la position du Québec au sein de la fédération. On assiste depuis plusieurs décennies à un déplacement de la démographie canadienne vers l’Ouest canadien. À moyen terme, si le Québec réduit son seuil d’immigration et que le reste du Canada maintient ou hausse son seuil, le rapport de force du Québec sera affaibli sur les plans économiques et politiques. 

Le renouvellement de la francophonie dans le reste du Canada dépend également fortement de l’immigration francophone. Notons au passage que selon un rapport récent de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), 85 % des locuteurs du français en 2060 seront en Afrique. 

Puis, le signal que la récente vague de négociation commerciale avec les États-Unis a clairement envoyé aux Canadiens est que le Canada doit diversifier ses marchés extérieurs et augmenter ses chaînes d’approvisionnement et de distribution à l’intérieur de la fédération. Le Canada doit donc accroître son marché intérieur et diversifier ses marchés extérieurs. 

Déjà, avant cette difficile ronde de négociation, des économistes estimaient que le Canada devait se donner pour objectif d’atteindre une population de 100 millions d’habitants d’ici 2100 pour ne pas être marginalisé sur la scène internationale. 

En somme, il est certain qu’il est possible de faire beaucoup plus pour aider les nouveaux arrivants à apprendre le français. Plusieurs idées dans les plateformes des différentes formations à la dernière élection québécoise étaient pertinentes à cet égard. L’idée de réduire le seuil d’immigrants pourrait avoir pour effet pervers de diminuer le rapport de force du Québec au sein de la fédération. 

À une époque où le projet souverainiste bat de l’aile, les Québécois ne pourront pas à la fois réduire le seuil d’immigrants, surtout si les autres provinces font le contraire, et maintenir ou accroître l’influence du Québec et de la francophonie au sein de la fédération canadienne. S’ils veulent poursuivre ces objectifs, ils devront maintenir leur seuil à l’échelle canadienne, s’intéresser davantage à l’apport de l’immigration francophone aux communautés francophones hors Québec, développer des politiques publiques favorisant l’apprentissage du français et communiquer le dynamisme et l’importance de leurs institutions culturelles. 

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