Arts visuels  Barbara Steinman et Pascale Théorêt-Groulx

Gymnastique cérébrale à la Fonderie Darling

Pour sa programmation estivale, la Fonderie Darling présente deux expositions conceptuelles. D’abord, l’appropriation de la grande salle du centre d’art par la Montréalaise Barbara Steinman. Et, dans la petite salle, un travail sur la science et l’humain par Pascale Théorêt-Groulx. À vos neurones !

Les deux expos actuelles de la Fonderie Darling font appel à l’acuité du regard et à une certaine gymnastique cérébrale. On est dans le domaine du concept avec Diving for Dreams [Plonger au fond du rêve], de Barbara Steinman, et 9,8 mètres par seconde par seconde, de Pascale Théorêt-Groulx.

C’est à Ji-Yoon Han que l’on doit l’expo de Steinman. La commissaire d’origine coréenne avait souhaité confronter l’artiste montréalaise aux vastes espaces de la grande salle de la Fonderie. Barbara Steinman a accepté le défi. Tant mieux, car ses apparitions se font rares. La lauréate du prix du Gouverneur général (en 2002), aujourd’hui représentée par les galeries torontoise et parisienne d’Olga Korper et de Françoise Paviot, a déjà présenté son travail dans des écrins tels que le Museum of Modern Art de New York, le Stedelijk d’Amsterdam, le musée Reina Sofía de Madrid ou encore le Musée d’art métropolitain de Séoul.

À la Fonderie, elle a su, avec intelligence, faire parler l’espace industriel en s’inspirant du poème Dive for Dreams d’E.E. Cummings, qui incite à se dégager des modes, diktats médiatiques et idées reçues, pour conserver un minimum d’authenticité. Dive for Dreams est devenu Diving for Dreams, constituée de quatre œuvres qui habillent les contours de la salle, laissant le visiteur aller et venir dans l’espace central.

La première œuvre est constituée d’un ensemble de figures enfantines créées avec des néons de couleurs. La forme d’une maison, un cœur, un lit et deux animaux pour évoquer l’enfance, l’intimité familiale, notre « chez-soi ».

Dans un trou du vieux mur de briques, Barbara Steinman a réalisé Niche, avec néons et miroirs, et les mots which belongs to us & to which we belong (un endroit qui nous appartienne et à qui nous appartenons), une citation de Charles Moore sur la nécessité de se connecter à un endroit pour l’habiter pleinement. Une œuvre à voir de préférence en fin de journée pour profiter de la lumière qui s’y réfléchit (le centre d’art est ouvert jusqu’à 22 h les jeudis). 

L’expo comprend Jour et nuit, une série de quatre photographies que Barbara Steinman a conçue en 1989 pour le Musée des beaux-arts du Canada. Les images sont celles d’une femme ayant trouvé refuge dans le chambranle de la porte d’un édifice. Des images qui suggèrent la dichotomie entre développement urbain et éviction sociale, un phénomène qui, justement, s’amplifie dans le quartier de la Fonderie, où des immeubles d’habitation transforment en profondeur le tissu social local.

Enfin, comme dernière intervention, Barbara Steinman a créé une carte postale (offerte au visiteur) avec une image de la façade de la Fonderie Darling dont les mots « Darling Brothers Foundry » ont été altérés pour donner « Daring Others ». Une invitation à l’audace ou à l’idée que les frères Darling (dont la fonderie a été en activité pendant un siècle) étaient téméraires.

Cette expo sur la tentative d’établir une connexion de proximité avec des lieux est à l’image de l’œuvre de Barbara Steinman, qui plonge au fond du rêve, certes, mais tout en célébrant la mémoire et le produit du génie humain. 

Pascale Théorêt-Groulx

Le génie humain est aussi exploré dans la petite galerie contiguë, où Pascale Théorêt-Groulx, qui était en résidence à la Fonderie jusqu’à la fête nationale, présente ses œuvres les plus récentes.

Des vidéos et des installations sur les lois de la physique, notamment la gravité, et leur caractère rationnel et implacablement discipliné, en opposition avec la désorganisation humaine.

Dans ce contexte, elle expose Machine à bulles, une réduction d’un équipement utilisé dans les piscines pour limiter l’impact, pour les plongeurs, d’une entrée brusque ou ratée dans l’eau !

Les bulles d’air et l’eau se retrouvent dans d’autres œuvres, comme dans les vidéos À perpétuité et 123 Go !, cette dernière ayant la particularité d’être suspendue au-dessus des visiteurs, écran face à terre… une façon, là aussi, de déjouer la physique puisqu’on a l’impression que la nageuse plonge vers le haut ! 

Pour la commissaire et directrice artistique de la Fonderie, Caroline Andrieux, le travail de Pascale Théorêt-Groulx aborde la volonté de l’humain de défier les éléments et les lois de la physique, et de s’y mesurer dans le sport et dans des activités fondées sur l’équilibre.

« Elle le suggère avec beaucoup d’humour et de légèreté, pour montrer comment notre maladresse peut faire sourire, dit-elle. C’est un sujet léger et, en même temps, il y a une profondeur dans sa manipulation des images et sa façon de l’exprimer est assez inédite. »

La Fonderie Darling présente, en parallèle, durant tout l’été, une large programmation sur sa « place publique », avec des performances, de la musique, un « speed dating cosmique » et même une simulation de cours de yoga. Les détails de ces activités se trouvent sur le site de la Fonderie.

À la Fonderie Darling, jusqu’au 25 août

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