Mon clin d'œil Vendredi 2018-03-09

Pour endurer Trump, ça prend un moral d'acier.

Opinion Partage des données personnelles

Et si c’était un gage de démocratie ?

A priori, non, le partage de vos données n’est pas un gage de démocratie. Sauf qu’à l’heure des fake news et de l’information en continu, la transparence est de plus en plus exigée de la part des institutions publiques et le droit d’accès à l’information n’a jamais été autant d’actualité. 

Les citoyens sont exigeants et ont raison de l’être. La Ville de Montréal l’a bien compris, puisqu’elle a lancé cette semaine un grand sondage auprès de ses citoyens afin de savoir quelles données devraient, selon eux, être publiées. A contrario, ces mêmes citoyens sont de plus en plus hésitants lorsque vient le temps de partager leurs données personnelles.

En effet, alors que 39 % des Québécois se disent prêts à partager leurs données pour améliorer leur propre sécurité physique et 30 % pour gagner du temps, 37 % restent farouchement opposés au partage de celles-ci, révèle le Baromètre OVH sur la société numérique, réalisé par la firme de sondage CROP. Pourtant, selon le même sondage, 87 % des Québécois pensent que la démocratie passe désormais par l’ouverture des données publiques aux citoyens, un chiffre sans équivoque. 

Alors pourquoi, quand vient le temps de partager leurs données personnelles pour améliorer les services publics, la plupart des utilisateurs se montrent-ils réticents ? Nous croyons que derrière cette numérico-frilosité se cache en fait une mauvaise compréhension de l’utilisation qui est faite de ces données.

Pourquoi ne pas mettre de côté ces hésitations afin de rendre nos villes aussi intelligentes que nos téléphones ? Si New York figure parmi les villes les plus avancées en matière de généralisation des données ouvertes, Montréal n’est pas en reste avec son Plan d’action 2015-2017 pour une ville intelligente et numérique, dans lequel s’inscrit la refonte de la politique de données ouvertes pour une plus grande démocratie participative. La métropole se démarque aussi à travers les programmes d’accélérateurs de start-up utilisant la donnée ouverte ainsi que par son « Portail données ouvertes » qu’elle appelle « un capital numérique générateur d’innovation » destiné à des usagers qui sont appelés à consulter ces données, mais également à les faire fructifier, une équation délicate, mais aussi porteuse pour la démocratie. Montréal ne se positionne néanmoins qu’au troisième rang au pays, selon l’Open Cities Index 2016, derrière Edmonton et Toronto.

Helsinki est l’un des meilleurs exemples mondiaux en la matière. La capitale finlandaise a collecté l’équivalent d’un siècle de données sur sa plateforme collective (et désormais application mobile) à destination des citoyens !

On y retrouve des données sur la population, les entreprises, les permis de construire, et plus encore. La Ville mise également sur une bonne coopération avec les agences publiques pour rendre les données les plus cohérentes possible. Elle finance même des compétitions de développeurs locaux pour optimiser l’efficacité des applications et les faire converger avec les objectifs municipaux dont la participation des citoyens à la démocratie est en tête.

Car une donnée ouverte n’a d’intérêt que si elle est utilisée et partagée pour améliorer l’usage qui en est fait, c’est-à-dire un programme public ou encore la gestion d’un espace commun, pour n’en nommer que quelques-uns. Il est donc indispensable de penser la donnée comme une denrée consommable, pertinente et utile pour celui qui s’en instruit. L’accès à ces données est tout aussi crucial que le partage de celles-ci. 

Les citoyens sont-ils aujourd’hui suffisamment équipés pour déchiffrer et utiliser les données ouvertes ? Ces dernières sont-elles faciles à déchiffrer ? L’ouverture de la donnée résulte alors d’un engagement politique tant par le type de données mises à disposition – trop souvent, les données sensibles sont exemptées de l’exercice de transparence numérique – que par l’accès à l’interprétation de celles-ci.

La politique numérique des villes, pour être réellement démocratique, devrait donc inclure l’éducation de leurs citoyens pour les initier à la lecture des données ouvertes.

Finalement, l’appel est double : la nécessité de participer, tout un chacun, à la construction des données numériques communes pour faire avancer la société dans son ensemble, et de l’autre côté, l’exercice de restitution qui est fait par les villes se devant d’être à la hauteur de ses citoyens : utile, informatif, et sans barrière à l’entrée afin d’être pleinement démocratique.

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