Maria Ezcurra

Éveiller les consciences

S’intéressant aux questions identitaires et corporelles, l’artiste montréalaise Maria Ezcurra crée des œuvres fortes à partir de vêtements et de pièces textiles pour évoquer la diversité culturelle autant que le conformisme. La Presse l’a rencontrée alors qu’elle expose sa dernière œuvre au Centre culturel de Notre-Dame-de-Grâce. 

Née en Argentine mais ayant grandi au Mexique après que ses parents eurent fui la dictature sanglante du général Jorge Rafael Videla, en 1978, Maria Ezcurra est établie à Montréal depuis 2010. Elle avait 5 ans quand elle a changé de pays et son fils avait le même âge quand elle est arrivée au Québec. Autant dire que cette titulaire d’un doctorat en éducation artistique de Concordia, qui a enseigné dans plusieurs universités depuis 15 ans, a un intérêt pour les questions d’identité et les échanges culturels. 

Fascinée par le sociopolitique, Maria Ezcurra a choisi la voie de l’art pour transmettre des idées et parler de mémoire, de genre, d’histoire, de culture, de norme sociale et de migration. Au Mexique, elle a travaillé sur la condition des femmes, loin d’être une sinécure. L’an dernier, 706 femmes ont été tuées au Mexique parce qu’elles étaient des femmes. « C’est un problème grave de violence », dit Maria Ezcurra. 

Le vêtement qui parle

Sa sensibilité envers les femmes l’a conduite à utiliser des vêtements et d’autres textiles pour créer des œuvres d’art. « Les vêtements permettent d’aborder différents thèmes, l’identité culturelle, la catégorie sociale, et de fournir bien des interprétations », dit-elle, soulignant combien le vêtement au Canada est nimbé d’un rôle de protection plus que le vecteur d’une image. 

Pour son doctorat, Maria Ezcurra a travaillé avec une vingtaine de femmes, les invitant à transformer une robe de mariée pour qu’elles expriment leur vision du mariage. Elle a également créé en 2015 au Museum of London, en Ontario, une installation participative avec les vêtements et les corps des visiteurs du musée. 

Elle a fait une installation du même genre à Concordia en plaçant des morceaux de tissus de participants sur le mur. Au Mexique, elle a fait une performance en portant un « vêtement-table » qui lui permettait de se déplacer tout en servant de support aux verres et aux petits fours ! Elle a aussi confectionné une robe dont la forme permettait d’en faire, en même temps, une nappe pour une table.

Trois synapses

Pour Synapse, l’installation qu’elle présente au Centre culturel de NDG, Maria Ezcurra a voulu évoquer le caractère multiculturel de ce quartier où elle réside avec sa famille, les liens sociaux et culturels entre les gens et la relation des corps dans un espace. 

Plutôt minimaliste mais avec une forte charge expressive, l’installation sculpturale est formée de trois éléments dans lesquels des bas nylon ont été étirés jusqu’au plafond et connectés pour former des sortes d’étoiles ou ces synapses qui relient deux neurones. 

Au nœud de la synapse se forme un petit espace sphérique, à la hauteur de la tête du visiteur. Une sphère comme une réduction de la Terre, lieu communautaire, espoir d’harmonie et de paix. Ce n’est donc pas un hasard si ces trois synapses sont solidement ancrées au sol par des roches, symbolisant notre appartenance à un lieu physique mais aussi ce poids culturel et personnel que l’on transporte avec nous. 

Et bien sûr, les bas nylon étirés évoquent la féminité. Leur capacité à s’allonger sans casser suggère la résilience de ces femmes qui luttent pour vivre sans entraves. Mais si Maria Ezcurra veut parler des expériences des femmes, elle considère son œuvre comme plus universelle que simplement féministe. Ayant à cœur d’éveiller les consciences.

Connexions

En ce moment, on peut voir également une de ses œuvres au Musée des beaux-arts de Montréal, dans le cadre de l’exposition Connexions. L’installation vidéo qu’elle a réalisée avec l’historienne de l’art Nuria Carton de Grammont provient d’une réflexion sur les conséquences émotionnelles de l’immigration. Elles ont rencontré 21 Québécois membres des communautés latino-américaines et caribéennes de Montréal et leur ont demandé de choisir un objet qui a joué un rôle important dans leur processus d’immigration. Les courtes entrevues filmées, très touchantes, permettent de saisir l’importance que représente la décision de quitter son pays natal, mais aussi éclairent la richesse des identités culturelles dans la trame sociale du Québec. 

Synapse, au Centre culturel de Notre-Dame-de-Grâce (6400, avenue Monkland, Montréal), jusqu’au 10 mars

Arts visuels

Virée des galeries

Guy Laramée

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et le Conseil des arts et des lettres du Québec ont inauguré récemment une nouvelle œuvre d’art public à BAnQ Vieux-Montréal, au 535, avenue Viger Est. L’œuvre La vallée des plans (Reconstruction) de Guy Laramée est inspirée des architectes Alphonse Venne et Joseph Dalbé Viau, notamment des dessins de ce dernier pour la reconstruction, entre 1921 et 1926, de l’église de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge d’Hochelaga. Présentée sur une ancienne table de travail d’architecte, l’œuvre est constituée de plusieurs centaines de copies de dessins originaux de Joseph Dalbé Viau.

À BAnQ Vieux-Montréal, 535, avenue Viger Est, Montréal

Bernard Brault

Le photographe de La Presse Bernard Brault fait l’objet d’une exposition au Musée de la photographie, à Drummondville, jusqu’au 21 avril. Intitulée 42 ans de passion, elle permet de mesurer l’ampleur de la carrière du photographe, réputé notamment pour sa couverture des sports. Il expose d’ailleurs en même temps à la Pulperie de Saguenay les images de sa couverture des derniers Jeux olympiques, à PyeongChang.

Au Musée de la photographie, à Drummondville, jusqu’au 21 avril

Amélie Pomerleau

Avec ses créations céramiques et ses photographies, Amélie Pomerleau explore l’univers de la femme. Elle expose ses dernières œuvres, empreintes de classicisme tout en étant clairement contemporaines, à la galerie Arts Sutton, dans les Cantons de l’Est, sous le titre En territoires féminins. Ses sculptures, notamment, sont impressionnantes et sensuelles, associant de belle façon la patine minérale à la grâce du corps. 

À la galerie Arts Sutton (7, rue Academy, Sutton), jusqu’au 3 mars

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