L’AMT choisit les Chinois, Bombardier fulmine

Bombardier Transport fulmine après avoir été écartée par l’Agence métropolitaine de transport (AMT), qui lui a préféré le géant chinois CRRC pour 24 voitures destinées à ses trains de banlieue de Candiac, Vaudreuil-Dorion et Saint-Jérôme.

Pour CRRC, il s’agit d’un premier contrat important au Canada. Depuis 2014, la société d’État chinoise fait une percée en Amérique du Nord, ayant obtenu, au détriment de Bombardier, des contrats de matériel roulant à Boston, à Chicago et à Philadelphie. Pour Bombardier Transport, il s’agit d’un premier revers important au Québec depuis des décennies.

CRRC demande 69 millions pour les 24 voitures à deux niveaux, soit bien moins que la somme de 103 millions que l’AMT avait inscrite à son programme triennal d’immobilisations pour cet achat. CRRC a vraisemblablement bénéficié de la décision de l’organisme de faire passer de 25 à 15 % l’exigence de contenu canadien afin de susciter davantage de concurrence.

L’AMT a avisé CRRC qu’elle lui accordait le contrat jeudi dernier, jour de la tenue de l’assemblée annuelle de Bombardier. Le contrat doit être signé sous peu, a précisé hier à La Presse Fanie St-Pierre, porte-parole de l’organisme. Les premières voitures de CRRC doivent être livrées à l’AMT dans 24 mois, c’est-à-dire au printemps 2019.

Bombardier n’a pas voulu divulguer les détails de sa soumission, mais a assuré que son prix « respectait les paramètres budgétaires du client » et que son offre « se fondait sur le plus faible coût sur la vie du véhicule ».

« On se questionne beaucoup sur la gouvernance qui a pu mener à la qualification d’un fournisseur à bas coûts et sur les risques importants que cela fait peser sur les contribuables québécois. »

— Marc-André Lefebvre, porte-parole de Bombardier Transport

M. Lefebvre a noté que CRRC n’a encore livré aucune voiture en Amérique du Nord. Or, selon Bombardier, il faut compter 36 mois pour obtenir l’homologation de Transports Canada pour un nouveau véhicule ferroviaire.

« Finalement, on parle d’un choix qui se fait sur une page blanche et des promesses », a asséné M. Lefebvre.

Mme St-Pierre a rétorqué que l’AMT achèterait des voitures identiques à celles que Philadelphie a commandées à CRRC il y a deux mois et demi. La question de l’homologation, « ça ne nous inquiète pas », a-t-elle affirmé.

Bombardier devra s’adapter

En entrevue à La Presse, hier, le président de Bombardier Transport Laurent Troger a reconnu que l’entrée spectaculaire de CRRC en Amérique du Nord venait « perturber les acteurs traditionnels de ce marché » et qu’en conséquence, ceux-ci devaient « redéfinir » la façon dont ils présentent leurs produits – et leurs coûts réels – aux décideurs publics.

« L’erreur qui pourrait être faite, c’est d’acheter des solutions de transport à des prix qui peuvent paraître initialement plus réduits, mais dont les coûts d’exploitation, de maintenance et surtout de non-qualité pourraient être très nettement supérieurs aux coûts d’acquisition initiaux », a expliqué M. Troger.

Comme elle l’a fait pour de précédents contrats de l’AMT, Bombardier proposait de construire les voitures à son usine de La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent, et d’inclure 67 % de contenu canadien. La porte-parole de l’AMT ne savait pas, hier, où CRRC produirait ses voitures, mais tout indique que ce sera à l’usine qu’elle vient de faire construire en banlieue de Boston. C’est là que seront assemblées les voitures de Philadelphie.

Mathieu Gaudreault, porte-parole du ministre des Transports Laurent Lessard, n’a pas voulu commenter la décision de l’AMT hier soir. Il a toutefois noté que le conseil d’administration de l’organisme était « indépendant » du gouvernement pour ce type d’appel d’offres.

Bombardier avait été le seul constructeur à participer à un précédent appel d’offres pour ces voitures, mené l’an dernier, et l’AMT avait alors jugé que sa proposition ne respectait pas les spécifications techniques ni l’échéancier de livraison des voitures. Fanie St-Pierre a tenu à préciser que l’AMT conservait des « liens importants avec Bombardier », l’agence venant de lui confier un contrat d’exploitation et de maintenance de plus de 300 millions. Ironie du sort, ce sont donc des salariés de Bombardier qui seront chargés de l’entretien des futurs trains de CRRC.

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