Lire le temps
Notre directeur invité a manifesté un vif intérêt pour la thématique du temps. Nous lui avons donc concocté une liste de livres et de films qui pourraient occuper ses temps libres pour longtemps…
Cet écran a été partagé à partir de La Presse+
Édition du 15 octobre 2016,
section ARTS, écran 14
Notre directeur invité a manifesté un vif intérêt pour la thématique du temps. Nous lui avons donc concocté une liste de livres et de films qui pourraient occuper ses temps libres pour longtemps…
Ce saint Graal de la littérature est la quête ultime d’un écrivain qui veut saisir dans toutes ses ramifications le temps qui passe. On ne peut comprendre la profondeur de cet immense cycle romanesque si on ne le lit pas en entier, ce qui constitue en soi une expérience de temps de lecture. C’est aussi une fresque monumentale sur un monde disparu, emporté par la Première Guerre mondiale. Marc ne verra plus jamais les petits gâteaux madeleines de la même façon après.
C’est l’un des ouvrages de vulgarisation scientifique les plus populaires, écrit par l’un des plus célèbres physiciens de notre époque. Si Proust a écrit la Recherche en bonne partie dans son lit, Hawking a écrit ses livres dans son fauteuil roulant, malgré son grave handicap, si bien qu’on se dit que les gens condamnés à l’immobilité sont peut-être ceux qui comprennent le mieux les minutes qui s’écoulent. Cet essai explique aux analphabètes que nous sommes des théories scientifiques vraiment complexes, comme celles du Big Bang, des trous noirs ou de la théorie des cordes.
Marc s’en souvient sûrement, mais l’arrivée de l’an 2000 a causé tout un émoi. La planète au complet craignait un bogue informatique catastrophique tandis que Bruno Pelletier chantait « le monde est entré dans un nouveau millénaire » dans Le temps des cathédrales. Ce passionnant recueil d’entretiens avec un dramaturge, un historien, un sémiologue et un paléontologue se penche sur les craintes occidentales à l’approche de la date fatidique – vue par certains comme la fin des temps et, par d’autres, comme l’entrée dans un futur fantasmé par la science-fiction. On s’en souvient, il ne s’est absolument rien passé d’important avant 2001…
Ces deux magnifiques essais du regretté Thierry Hentsch sont un hommage brillant aux grands récits qui ont marqué l’Occident et qu’il considère comme intemporels, c’est-à-dire que leurs qualités font qu’ils n’appartiennent pas qu’à leur époque, mais à toutes les époques. De Homère à Proust (encore lui) en passant par la Bible, Cervantès, Dante, Melville, Hegel, Dostoïevski ou Flaubert, Thierry Hentsch nous rappelle que si les êtres humains se racontent autant d’histoires, c’est parce qu’ils se savent mortels et qu’ils rêvent « d’abolir le temps ».
Ne ris pas, Marc. Ce livre d’école qu’on ne consulte plus maintenant que nous avons des correcteurs automatiques témoigne du génie collectif de la langue française, peut-être l’une des plus obsédées par le temps. Savais-tu, par exemple, que le passé antérieur « indique surtout une action passée qui a précédé immédiatement une autre action passée » ? D’ailleurs, as-tu remarqué que notre époque, particulièrement coincée dans l’immédiateté, a fait disparaître des temps de verbe ? Qui, de nos jours, utilise l’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif ? Encore eût-il fallu que nous sussions l’utiliser avant de nous en débarrasser !