Éditorial

Les objets de 2018

La fusée Soyouz, les pailles en plastique, la scie à os, le gilet jaune… en tout, huit objets qui ont marqué l’année 2018, choisis par nos éditorialistes.

Le Kurta-pajama

En janvier, la politique de l’image de Justin Trudeau a « frappé un mur ». Le premier ministre avait planifié un défilé de mode diplomatique en Inde, en portant le kurta-pajama, le sherwani et plusieurs autres costumes traditionnels pour le plus ravissement des photographes. Ce souci extrême pour la forme n’a fait que mettre en évidence le manque de contenu. M. Trudeau a rapporté peu de gains de son voyage, à part une controverse en invitant à une réception officielle un extrémiste sikh qui avait déjà été reconnu coupable de tentative d’assassinat. Ce fut le voyage où M. Trudeau a poussé son multiculturalisme jusqu’à l’absurde.

Comme l’a dit Omar Abdullah, ministre de l’État indien du Jammu-et-Cachemire : « Les Indiens ne s’habillent pas comme ça tous les jours. Même pas à Bollywood. »

LA Fusée Soyouz

C’est une technologie vieillissante qui a propulsé David Saint-Jacques dans l’espace. Il n’était même pas né quand la première version de ce lanceur a été développée, dans les années 50. Saint-Jacques a fait la fierté du Québec et du Canada, mais la Soyouz, elle, symbolise une période plutôt difficile pour les missions spatiales. Depuis que le programme américain a été mis au rancart, la Soyouz est la seule façon de propulser des humains vers la Station spatiale internationale. Et cette station arrive à la fin de sa vie. Espérons que la mission de Saint-Jacques convaincra les États-Unis et les autres pays de financer les prochaines aventures dans l’espace.

Le gilet jaune

Il a beaucoup été question des « gilets jaunes » en 2018, mais on n’a peut-être pas suffisamment parlé du gilet jaune comme tel. Dans la foulée du mouvement qui a ébranlé la France cette année, le Québec a appris que les automobilistes devaient obligatoirement conserver une veste fluorescente dans leur voiture, afin d’être bien visibles en cas de pépin sur le bord de la route. Au-delà de ce qu’on a pensé de la colère qui s’est exprimée, une question mérite d’être posée : devrait-on, nous aussi, exiger le gilet jaune dans toutes les voitures ?

Les pailles en plastique

S’il y a eu un symbole environnemental en 2018, le voici : la paille en plastique. Curieusement, ce petit déchet, certes embêtant, mais loin d’être le plus nocif, est devenu l’objet à faire disparaître, au point que le Parti libéral en a fait une promesse électorale. Il y a eu les sacs de plastique auparavant. Il y a maintenant les pailles en plastique. Ne lâchons pas ! À ce rythme, on devrait s’occuper sérieusement du principal ennemi des dépotoirs, les matières organiques, en 2039. Si tout va bien…

La bouteille de vin québécois

Distinction réclamée de longue date, l’indication géographique protégée (IGP) « vin du Québec » a enfin vu le jour le mois dernier. Remarquez, les vignerons d’ici n’ont pas attendu après ça pour se faire connaître. Depuis qu’ils ont le droit de vendre leurs jus dans les commerces titulaires d’un permis d’épicerie (ce qui inclut de petites surfaces spécialisées dans la bière ou les aliments naturels, des boucheries, etc.), certaines cuvées s’envolent en quelques heures. Le vignoble Les Pervenches, dont les vins figurent sur les cartes de nombreux restaurants, a même dû fermer son point de vente à la ferme dès la mi-juillet pour cause d’épuisement des stocks.

Le bulletin de vote

Même si moins de 67 % des électeurs inscrits ont exercé leur droit de vote (un taux de participation inférieur à celui des deux dernières élections générales), c’est par ces bulletins de vote qu’est arrivé le plus gros changement de l’année au Québec. Pour la première fois en plus de 40 ans, un nouveau parti a pris le pouvoir à l’Assemblée nationale, et avec une majorité très nette de députés. Mais la Coalition avenir Québec a beaucoup promis pour en arriver là. Les quelque 1,5 million de Québécois qui ont donné leur voix aux candidats de François Legault ont de grandes attentes en 2019.

La scie à os

Ce meurtre était en soi ignoble, la façon dont il a été commis en a fait un crime encore plus répugnant. Des assassins débarquent en Turquie, tendent un piège au journaliste Jamal Khashoggi, à qui ils donnent rendez-vous au consulat saoudien d’Istanbul. Ils l’accueillent, selon les autorités turques, avec… une scie à os. Ils auraient découpé son corps en morceaux pour ensuite le faire disparaître. Un tel meurtre aurait-il pu être commis sans le feu vert du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ? Probablement pas. Pourtant, d’autres ont été punis, mais pas lui. Non, ce prince arrogant continue de se pavaner impunément. Il est grand le pouvoir de l’or noir. 

La maison Boileau

On aimerait pouvoir dire que la destruction sauvage de l’ancienne maison du patriote René Boileau à Chambly est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase en matière de patrimoine culturel immobilier, mais ce serait probablement faire preuve de naïveté. L’importante controverse ayant entouré la démolition de cette maison a néanmoins quelque chose de rassurant. Nous étions mûrs, au Québec, pour prendre davantage conscience de l’importance de protéger ce patrimoine. Constater une telle levée de boucliers permet d’espérer que la mobilisation et la sensibilisation se poursuivront au cours des prochains mois. Reste à voir si le nouveau gouvernement à Québec fera de cet enjeu une priorité… 

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