Immobilier

Un cycle baissier qui se poursuit

La construction résidentielle poursuivra son cycle baissier l’an prochain avec une réduction importante des mises en chantier, selon plusieurs prévisionnistes. Comme cause principale du ralentissement, le resserrement des règles d’admissibilité aux prêts hypothécaires assurés, annoncé le 3 octobre dernier par le gouvernement canadien, est montré du doigt.

Au Québec, les mises en chantier tournent autour de 38 000 logements par année depuis quatre ans. Or, elles tomberont à 34 000 l’an prochain, d’après le Mouvement Desjardins, une baisse de 10 %. Un brin moins fataliste, RBC établit sa prévision à 34 800 nouveaux logements en 2017.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) se montre la plus pessimiste du lot et appréhende une glissade de 18 % des mises en chantier l’an prochain, à 31 000 logements.

« Desjardins voit une diminution en 2017 et 2018 subséquemment. Nous autres, explique Georges Lambert, économiste principal de l’APCHQ, on voit une baisse plus forte en 2017 et un certain retour en 2018. »

Desjardins entrevoit même une décroissance continue jusqu’en 2020 parallèlement à la baisse attendue dans la croissance du nombre de nouveaux ménages au Québec. Démographie oblige, il se crée 13 000 ménages de moins par année qu’il y a 10 ans. Cette donnée est prépondérante dans la prévision de construction de logements.

À 30 000 mises en chantier en 2020, comme le prévoit Desjardins, ce nombre se rapprocherait du creux de 1995 où il s’était construit seulement 21 885 logements. La décennie 90 a représenté les années noires de l’industrie de la construction au Québec.

Les premiers acheteurs touchés

Si on revient aux prévisions de 2017, l’équipe de l’économiste Paul Cardinal de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) rendra les siennes publiques le 17 janvier. Mais dans la publication Mot de l’économiste d’octobre, il écrivait : « Pour la FCIQ, la résultante ne fait pas de doute : il y aura un ralentissement assuré du marché immobilier à court et à moyen terme. Ainsi, nous allons revoir significativement à la baisse nos prévisions pour 2017. »

Le 3 octobre, le ministre Bill Morneau a annoncé que dorénavant, les institutions financières devraient imposer un test de simulation de crise des taux d’intérêt pour tous les prêts assurés ayant une mise de fonds de moins de 20 % du prix d’achat. L’emprunteur devra être admissible à un prêt au taux affiché et non plus au taux négocié, l’écart pouvant représenter jusqu’à deux points de pourcentage pour le terme de cinq ans au plus. La mesure est entrée en vigueur le 17 octobre.

La mesure pénalise les premiers acheteurs qui n’ont souvent pas une grosse mise de fonds.

« Elle aura pour effet de faire diminuer le nombre de ménages se qualifiant pour un prêt et de diminuer les montants des emprunts accordés. »

— Paul Cardinal, économiste à la Fédération des chambres immobilières du Québec, dans une note publiée en octobre

Seule dans son camp, la SCHL reste optimiste

Faisant bande à part, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) maintient pour le moment ses prévisions élaborées avec les données disponibles au 30 septembre. L’organisme, tout en n’excluant aucun scénario, se montre résolument optimiste.

« Dans la région de Montréal, le marché est appelé à croître de façon modeste au cours des prochaines années, avance au téléphone David L’Heureux, chef analyste de la région de Montréal. La principale raison, c’est que le condo semble se stabiliser et pourrait reprendre un peu, et le locatif devrait se maintenir. »

M. L’Heureux fait valoir que le marché montréalais de l’habitation est soutenu par plusieurs bonnes nouvelles comme la hausse de 5 % des emplois à temps plein chez les 25 à 44 ans en 2016.

« Pour l’ensemble du Canada, on prévoit une baisse de 5 à 10 % du nombre de mises en chantier. Mais l’impact final est très incertain parce que les acheteurs touchés par les nouvelles mesures ne seront pas tous sortis du marché de façon permanente. »

— David L’Heureux, chef analyste de la région de Montréal à la SCHL

« Ils [les acheteurs] ont d’autres options à court et moyen terme. Les gens peuvent acheter une propriété à plus bas prix ou mettre une mise de fonds plus importante », poursuit l’analyste.

Le consultant Gilles Ouellet reste sceptique. « Les mises en chantier de logements locatifs vont peut-être augmenter à cause des boomers, mais la construction d’habitations pour propriétaire-occupant va baisser de 10 à 15 % en 2017 », se risque-t-il. Le président de Groupe Solutions Marketing Immobilier, qui croyait pourtant à une reprise du marché immobilier en juin, a changé son fusil d’épaule à la suite de la décision d’Ottawa de resserrer les règles de l’assurance prêt hypothécaire.

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