Zoom K-pop

Pop politique à la coréenne

Mélomanes ou non, bien des gens ne connaissent de la musique coréenne que la désormais mythique Gangnam Style. Mais derrière la vague du rappeur PSY se trouve une industrie survitaminée qui fait le bonheur des fans… et des politiciens, des deux côtés de la frontière coréenne. À quoi peut bien leur servir la K-pop ?

Conquérir le monde

La musique pop coréenne, ou « K-pop » pour les initiés, est une industrie plusieurs fois multimilliardaire – en dollars, mais aussi en nombre de visionnements sur YouTube. Les artistes, garçons et filles, sont sélectionnés dès le début de l’adolescence puis formés au chant et à la danse par de puissantes agences. Jeunesse, plastique parfaite, chorégraphies, musique d’influence occidentale, mais avec des accents plus traditionnels : le genre fait un tabac en Asie et compte aussi des millions d’adeptes en Europe et en Amérique du Nord. Le groupe BTS est d’ailleurs devenu l’an dernier la première formation de K-pop à remporter un Billboard Music Award.

Séduire les soldats

En août 2015, Séoul a renoué avec une pratique qu’il avait abandonnée depuis un peu plus d’une décennie : bombarder sa frontière nord… de décibels ! À raison de quelques heures par jour, des haut-parleurs format géant crachent des bulletins de nouvelles, des « discussions » sur la démocratie, des feuilletons et de la musique pop. Tout cela dans le but avoué d’« inciter les soldats nord-coréens à douter de leur propre régime et même à faire défection », rapporte la BBC. La Corée du Sud s’en est notamment donné à cœur joie en novembre dernier après qu’un soldat du Nord, gravement blessé, a réussi à traverser la frontière. L’homme en question a plus tard confié être un fan du populaire groupe de K-pop Girls’ Generation.

Narguer son voisin

Le quotidien britannique The Guardian a publié en 2016 une liste de lecture type qu’on peut entendre à la frontière. Parmi les chansons choisies, on retrouve Me Gustas Tu, du groupe GFriend, qui raconte l’histoire d’une jeune fille qui surmonte sa gêne pour inviter un garçon à un rendez-vous. On évoque aussi Let Us Just Love, du groupe Apink, chanson thème d’une série télé qui raconte l’histoire d’« un homme incroyablement immature et incompétent dans son travail », clin d’œil probable à Kim Jong-un. Mais on garde pour la fin le boysband BIGBANG et son tube Bang Bang Bang… Simple succès techno ou critique à mots couverts de la menace nucléaire ?

Chanter la propagande

On a appris au début de la nouvelle année que la Corée du Nord participerait finalement aux Jeux olympiques de PyeongChang. Des artistes accompagneront les athlètes, et tout indique que le groupe féminin Moranbong sera du voyage. Un indice : la tête d’affiche du groupe, Hyon Song-wol, a récemment dirigé une délégation d’inspecteurs nord-coréens venus valider les installations olympiques. Certains potineux avancent qu’elle serait l’ex-copine de Kim Jong-un… Plus sérieusement, les musiciennes et chanteuses de Moranbong versent surtout dans la ritournelle patriotique, mais se prêtent également à quelques reprises de chansons connues. Parmi leurs succès, le thème de la série de films Rocky.

Alimenter le marché noir

Les Nord-Coréens raffolent de la K-Pop, mais doivent vivre leur passion en secret. La consommation de produits culturels venus du Sud est en effet illégale et, selon certains médias, passible de la peine capitale. Un véritable marché noir de la culture s’est donc déployé, si bien que pour l’équivalent de quelques dollars canadiens, il est possible de se procurer un CD, un DVD ou même une clé USB contenant des chansons ou des séries télé prohibées. La grande question : mettriez-vous votre vie en jeu pour écouter le dernier album d’EXO ?

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