Rouler de New York à Santa Monica

En août dernier, un New-Yorkais du nom de Jeffrey Tanenhaus a débloqué un vélo Citi Bike bleu dans l’un des points d’ancrage du quartier Brooklyn et a commencé à pédaler vers l’Ouest. Après un voyage de 4715 kilomètres à vélo jusqu’à Santa Monica, en Californie, le Citi Bike est encore aujourd’hui en sa possession. « Ils m’ont facturé des frais de retard de 1200 $, les frais maximums, que j’ai payés. Aujourd’hui, après tout ce que j’ai vécu, le vélo a une valeur sentimentale pour moi », explique M. Tanenhaus en entrevue avec La Presse.

Sauf erreur, vous êtes la première personne à avoir traversé les États-Unis avec une bicyclette d’un service de vélo-partage. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure ?

Je n’étais pas heureux à New York. Je travaillais pour une entreprise de planification d’évènements en entreprise. C’était un emploi ennuyeux dans un bureau sans fenêtre. L’entreprise n’allait pas bien, et j’étais toujours muté d’un service à un autre. Un jour, j’ai réalisé que le plus beau moment de ma journée était mon trajet à Citi Bike le matin et le soir. Sur le vélo, j’étais en contrôle, j’étais dehors, au soleil, et non dans cette pièce sombre où on me disait quoi faire. C’est comme ça que j’ai eu l’idée du voyage.

De plus, j’avais voyagé dans 50 pays du globe, mais je connaissais mal mon propre pays, alors j’ai décidé d’aller le découvrir. J’ai laissé mon emploi et mon appartement et je suis parti.

Pourquoi l’avoir fait avec un vélo Citi Bike ? Pourquoi ne pas avoir utilisé un vélo mieux adapté ?

À force de rouler avec un Citi Bike pour aller travailler, je me suis mis à vraiment aimer ce vélo. Il est résistant, bien visible pour les voitures, bien conçu et très confortable. C’est vrai que le vélo est lourd, pas très rapide et qu’il n’a que trois vitesses. Mais je ne partais pas avec l’intention de battre des records de vitesse. Et j’aimais le défi : jusqu’où pourrais-je me rendre avec ce vélo, sans avoir d’outils, de pièces de rechange ou d’aide extérieure ? Je me suis donc lancé et je ne me suis pas arrêté.

Vous vous êtes équipé d’une petite remorque avec une tente ?

Oui, j’avais acheté cette remorque une semaine avant de partir. J’avais une tente, mais j’ai surtout dormi chez des gens. J’ai vécu de mes économies, et des dons de ma famille et mes amis. J’ai aussi été accueilli chez des gens inscrits sur le site Warmshowers.org, qui met en lien des hôtes et des cyclotouristes. Je m’étais aussi promis que si je traversais les États-Unis, je goûterais aux spécialités locales et régionales. Si je vais au Texas, je veux manger un steak, pas du beurre d’arachides et de la confiture.

Le moment le plus pénible ?

Quand un homme m’a donné un coup de poing au visage alors que je quittais la ville de Tulsa, en Oklahoma. Le type a frappé d’autres gens après moi et a finalement été arrêté et accusé. C’était un gars qui avait de gros problèmes. Je n’ai pas laissé cet épisode malheureux me démoraliser, car la quasi-totalité des gens rencontrés durant le voyage ont été formidables. Quand on suit les médias, c’est facile de penser que les États-Unis sont un pays divisé ou que les gens ne s’entendent pas. Sur le plan politique, c’est vrai. Mais sur le terrain, la réalité est différente. Les gens étaient extrêmement gentils et généreux avec moi. Mais bon, c’est mon expérience en tant qu’homme blanc. Si j’avais été une femme ou si j’avais eu la peau plus foncée, dans certains endroits où je suis passé, aurais-je été aussi bien accueilli ? Je ne peux pas le dire.

Vous projetez d’aller vivre à Tusla, en Oklahoma. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Même si ce type m’a frappé à Tulsa, j’ai adoré la ville ! Un des objectifs de mon voyage était de voir comment les gens vivaient dans différentes villes aux États-Unis. J’ai constaté qu’ils ont souvent un meilleur équilibre entre le travail et la vie qu’à New York. À Tusla, j’ai constaté que la ville a beaucoup de potentiel. Les gens s’entraident et sont chaleureux. La ville est en croissance et essaie de devenir quelque chose de bien. Le coût de la vie est très raisonnable. À Brooklyn, où je vivais, tout a déjà été fait et les prix sont exorbitants. À Tulsa, je peux louer un petit appart rénové au centre-ville pour à peine 600 $ par mois. À Brooklyn, je payais 2300 $ pour un studio.

Tulsa est pour moi un bon endroit pour essayer quelque chose de nouveau, lancer ma propre entreprise. J’envisage de lancer un lieu d’hébergement qui serait un hybride entre une auberge de jeunesse et un hôtel, avec différents degrés de confort, en fonction de votre budget. J’étais à Tulsa la semaine dernière pour présenter mon projet, et les gens sont très intéressés.

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