Pour dissiper les brumes
Le projet de loi sur la laïcité présenté par le gouvernement s’inscrit dans l’évolution socioculturelle de notre société depuis la Révolution tranquille.
La nation québécoise a refusé l’hégémonie culturelle et morale que l’Église catholique exerçait sur notre société. Nos institutions se sont sécularisées. Nombre de Québécois refusent que la croyance en des religions, leurs dogmes fabriqués et leurs mythes, ait préséance sur la raison et la laïcité d’un État.
Ce projet de loi dissipe les brumes dans lesquelles nous naviguons depuis plus d’une décennie et respecte un consensus social existant au Québec. L’école doit être laïque et en concordance ; les enseignants et les directions doivent s’abstenir de porter un symbole religieux durant leur travail. Ils gardent le libre arbitre de les afficher en dehors de leur fonction.
Respecter cette loi est un signe de bonne volonté de s’intégrer à notre société.
— Huguette Lacoste et Claude Huot, enseignants retraités, Châteauguay
Accommodements déraisonnables
Le projet de loi sur la laïcité n’a pas fait ses premiers pas qu’il suscite déjà de nombreuses réactions négatives. La semaine dernière, la pire remarque a débordé de l’imaginaire collectif lorsque le maire de Hampstead, William Steinberg, a affirmé que le projet était une tentative de nettoyage ethnique de la part du gouvernement.
Le projet de loi propose de définir et de consacrer une fois pour toutes la laïcité de l’État dans le cadre législatif actuel en interdisant le port de signes religieux à certaines personnes en position d’autorité, dont le personnel enseignant ainsi que les directeurs des établissements primaires et secondaires publics.
La population du Québec attendait depuis trop longtemps le projet sur la laïcité de l’État. Tout ce branle-bas de combat est la preuve que plusieurs ont peur de laisser aller une apparence d’identité religieuse et de garder leur religion profonde.
Depuis une dizaine d’années, les Québécois se sont prononcés dans de nombreux sondages en faveur de la séparation entre l’État et la religion. Il était temps qu’un gouvernement ose légiférer, encadrer les accommodements devenus déraisonnables que l’ensemble des Québécois dénonçaient.
— Jocelyn Boily, Québec
Les intégristes ne s’arrêteront pas
Ou on réussit à faire adopter cette loi sur la laïcité, ou on abdique et on laisse les religions s’installer lentement mais sûrement dans notre système public, législatif, judiciaire, éducatif, etc.
Ne nous berçons pas d’illusions : les intégristes (toutes religions confondues) ne s’arrêteront pas à un entrebâillement de porte. Ils ne sont qu’une poignée au Québec et ils réussissent à convaincre des milliers de personnes en invoquant la Charte des droits, alors qu’eux ne se privent pas de discriminer les femmes, les homosexuels, etc. Et qu’ailleurs, un peu partout sur la planète, les théocraties et les dictatures violent la Charte des droits chaque jour en menaçant, emprisonnant, torturant, tuant les dissidents en se fondant sur la religion alors qu’ici, ils peuvent vivre et s’exprimer en toute sécurité. Entre deux maux, je choisis le moindre et j’assume.
— Pierre Lemelin
« Nettoyage ethnique », vraiment ?
Monsieur le maire de Hampstead, qualifier le projet de loi sur la laïcité de « nettoyage ethnique » est une déclaration indigne d’un élu, d’un Québécois, d’un Canadien. Vous devriez vous excuser auprès de tous les Québécois.
Sachez, monsieur le maire, que pour bien des gens, la religion est un poison qui a causé des torts irréparables au genre humain. Je crois que vous êtes très bien placé pour le savoir. Et le Québec, si vous en connaissez l’histoire, a suffisamment souffert de ce poison et a décidé d’en limiter l’emprise il y a plus de 50 ans.
Je crois que bien des gens sensés appuient toute démarche venant d’un gouvernement élu démocratiquement pour protéger l’État et ses institutions publiques des méfaits de la religion. Ceux et celles qui insistent pour exhiber leurs différences religieuses peuvent très bien voter différemment la prochaine fois.
— Alain Raymond
Un débat qui traîne
Devant les multiples manifestations, je me demande où en est la majorité, dont je fais partie, qui appuie le projet de loi. Je ne sais plus où je me situe et je sens un malaise de plus en plus grand face à l’inclusion des enseignants dans le projet de loi. J’ai tendance à vouloir que la loi s’en tienne aux forces de l’ordre et qu’on la revoie dans quelques années.
Je crois fermement que le Québec bénéficie largement de l’apport culturel dû à l’immigration et je suis de plus en plus sensible à l’argument qu’il ne faut pas cacher cette culture. Restons ouverts et sereins et finissons-en avec ce débat qui traîne en longueur.
— Jules Bélanger