DESIGN

Entre les rayures du tigre

Trois amis dans la jeune trentaine, avec un solide bagage dans le milieu de la restauration montréalaise, voulaient rendre hommage à leurs racines vietnamiennes en ouvrant un nouveau lieu, le Red Tiger. Dan Pham, Phong Thach et Émilie N’Guyen ont fait appel au designer Guillaume Ménard, de l’Atelier Mainor, pour relever tout un défi : faire entrer la rue de Hanoï dans ce petit local du Village.

Les trois propriétaires du Red Tiger voulaient se lancer tout en se démarquant des multiples propositions de restaurants asiatiques déjà présentes à Montréal. « On réfléchissait notamment à un isakaya, mais on se disait que c’était déjà saturé », explique Phong Thach, déjà propriétaire du Kaiji. « Nous voulions offrir une cuisine très authentique, directement inspirée de ce qu’on mange dans la rue au Viêtnam, confie Phong Thach. Il fallait donc que le design reflète cette influence. »

C’est ici qu’entre en jeu Guillaume Ménard, l’homme derrière le style du Joverse ou de Mme Lee : « Quand on m’a confié ce projet, je me suis dit que beaucoup de restaurants vietnamiens ne mettaient pas le design de l’avant, qu’il y avait là une belle occasion. »

Pour l’inspiration, le designer, qui connaît déjà le pays pour l’avoir visité, tente de résumer les caractéristiques de la culture vietnamienne : « L’idée, c’est qu’il y a un mélange très riche d’influences plus ou moins récentes. On y trouve aussi bien des traces du style colonial français que des motifs chinois, mêmes américains. »

« On a fait ce qu’il ne faut pas faire en design, on a tout mélangé. »

— Guillaume Ménard, designer

La porte de garage qui ouvre le restaurant par la rue Montcalm donne déjà le ton : la frontière entre le dedans et le dehors commence à se brouiller. On tombe alors directement sur la pièce centrale, le bar, dont la peau de lattes de peuplier torréfié qui traverse l’espace est creusée, comme un fruit évidé, par un intérieur jaune vif. « Je voulais donner l’impression que, finalement, l’intérieur du restaurant se trouve seulement de l’autre côté du bar, comme si on venait commander dans un food truck qui serait garé à l’intérieur du restaurant », détaille Guillaume.

Face au bar, deux très longues tables en noyer noir américain en porte-à-faux trônent, autres éléments vedettes du lieu. « L’esthétique est influencée par les vieux ponts métalliques, remarque le designer. On les a appelés les “tables impossibles” parce que, de la rue, on a vraiment l’impression qu’elles flottent dans l’espace. »

Au sol, la céramique noire et blanche, clin d’œil au style colonial, joue les contrastes avec les couleurs vives qui irisent l’endroit. Un panneau supplémentaire de lattes de peuplier torréfié, qui court jusqu’au bout du bar et marque l’espace par sa verticalité, a été appliqué sur les fenêtres, ce qui fournit une plus grande intimité à la salle.

« Il y a beaucoup de détails un peu partout, révèle le créateur des lieux. Par exemple, les cadres dorés font référence aux influences chinoises, le cuir vieux rose des banquettes est plutôt évocateur du passé colonial. » Beaucoup de détails, mais aussi beaucoup d’amour se retrouvent dans ce projet. L’amour d’un design simple, mais jamais simpliste, ludique et surprenant, en somme, l’accord parfait avec cette cuisine de rue où l’équilibre doit tout à l’art du geste juste.

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