Livre

Raconter le drame des réfugiés aux enfants

Plus de huit millions d’enfants sont affectés par la guerre civile en Syrie, selon l’UNICEF. Dans Y’a pas de place chez nous, Andrée Poulin présente deux frères qui doivent quitter leur pays, où tombent des bombes. À bord d’un radeau bondé, ils rament d’île en île, où la population les rejette. Jusqu’à ce qu’ils accostent sur une île où les habitants décident de leur trouver une place. La Presse+ a joint l’auteure de cet album – qui aborde un sujet rarement traité en littérature jeunesse – chez elle, en Outaouais.

D’où vous est venue l’idée d’un album sur les réfugiés ?

En septembre 2015, comme bien des gens, j’ai été bouleversée par la photo du petit Aylan Kurdi, dont le corps a été retrouvé sur une plage de Turquie. Je me suis dit : « Il faut que j’écrive quelque chose là-dessus. Et il faut que je m’implique. » J’ai commencé des démarches pour parrainer une famille de réfugiés syriens, avec un groupe. Ça a été beaucoup plus rapide d’écrire le livre que de les accueillir.

La famille que vous parrainez est-elle arrivée ?

Oui, le 13 février dernier. Je m’en souviendrai toujours, c’était la fin de semaine la plus froide de l’hiver. C’est un couple avec trois jeunes enfants de moins de 7 ans. La jeune femme est enceinte, elle va accoucher d’ici peu. Ce sont des gens vulnérables :  ils arrivent d’un pays en guerre, ils ne parlaient ni français ni anglais. Ce sont des gens de la campagne, qui n’ont pas beaucoup d’instruction.

Aujourd’hui, ils sont extrêmement reconnaissants, ils sont heureux d’être dans un pays en paix et de voir leurs enfants heureux. Le couple est en francisation et leur plus vieux va à l’école. C’est comme avoir une nouvelle famille de cinq enfants dont il faut s’occuper, mais c’est une expérience incroyable que je recommande à tout le monde.

Quand on lit votre album, on se dit :  « Ouille, c’est dur. » Que répondez-vous à cela ?

Les enfants sont capables de comprendre, beaucoup plus qu’on ne le pense. Il ne faut pas les sous-estimer – tout est, bien sûr, dans la façon dont on leur présente les choses.

Avec les téléphones et les tablettes, les enfants d’aujourd’hui sont beaucoup plus exposés à ce qui se passe dans le monde que ceux d’il y a 15 ou 20 ans. Des images des réfugiés, de gens qui se noient en voyageant sur des radeaux, de corps d’enfants sur la plage, je suis convaincue que bien des jeunes, même des petits, en ont vu. Alors je me dis : la beauté de la littérature jeunesse, c’est qu’elle peut servir à leur expliquer ces choses qui se passent dans le monde, à hauteur d’enfant.

Dans la fiche pédagogique qui accompagne l’album, vous citez la poète somalienne Warsan Shire : « Personne ne quitte son pays à moins que son pays ne soit devenu comme la gueule d’un requin. » C’est important de le faire comprendre aux enfants ?

Oui, absolument. Surtout quand on voit Donald Trump, le candidat à la présidence des États-Unis, dire : « On va construire des murs, on ne veut pas d’immigrants chez nous, on ne veut pas de réfugiés, ils sont dangereux. » On le voit énormément en Europe aussi, où beaucoup de pays ont refermé leurs frontières aux réfugiés. Je me dis que pour contrer ce discours, il faut d’abord rappeler que ces gens ne sont pas partis par choix. Ils sont partis parce que leur pays était en guerre. Il est très important de remettre les choses dans leur contexte. Et d’essayer de passer des messages d’ouverture à la diversité.

Note : Les propos de Mme Poulin ont été édités.

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