Portrait  Olivier Niquet

La revanche du timide

Olivier Niquet est le plus discret du quatuor de l’émission radiophonique La soirée est (encore) jeune. Mais attention, si ses trois collègues dégainent à la vitesse d’une mitraillette, ce grand timide a fait sa marque en faisant mouche à la manière d’un fusil de chasse. Rencontre avec un gars peu bavard qui en avait long à dire.

La timidité d’Olivier Niquet suscite la raillerie constante de ses collègues. Durant l’émission La soirée est (encore) jeune, présentée tous les week-ends sur ICI Première, Jean-Philippe Wauthier, Jean-Sébastien Girard et Fred Savard aiment souligner sa grande discrétion. Et avec raison. Au cours d’un lunch dans une pizzéria, l’homme m’est apparu chaleureux, franc, direct, mais court en bouche.

« Avec le recul, je me rends compte que je me suis retrouvé à la radio justement à cause de ma grande timidité. Comme je ne m’exprime pas beaucoup dans la vie, j’ai voulu trouver une façon de le faire autrement. »

Rien ne pouvait laisser présager que le geek qu’il était plus jeune allait se retrouver un jour derrière un micro. Cet audacieux passage a eu lieu avec un site internet appelé Le Sportnographe qu’il a créé avec son ami d’enfance, Jean-Philippe Wauthier, et un autre copain. Rapidement, le site a pris la forme d’une émission de radio présentée de 2009 à 2012 sur ICI Première.

C’est cette émission qui a mené à la création de La soirée est (encore) jeune qui fait aujourd’hui le bonheur de nombreux auditeurs avec son humour décapant et son ton irrévérencieux. L’équipe entame sa cinquième saison en conservant la même philosophie : aborder des sujets sérieux sans se prendre au sérieux.

« Je vois cette saison comme celle où il faut se donner un coup de pied au derrière pour éviter de se répéter. C’est un danger qui nous guette, celui de tomber dans un certain confort. »

— Olivier Niquet

Quand l’émission de radio est apparue à la télé (sur ICI ARTV le dimanche), on a pu découvrir la façon dont l’équipe travaille. On s’est rendu compte que les rubriques sont archipréparées et que, tout en faisant place à l’improvisation, chacun s’en remet à des textes.

« On connaît le sujet des autres, mais sans plus, explique Olivier Niquet. On ne connaît pas leurs punchs. »

Reconnus pour leurs propos trempés dans l’acide, les quatre complices soumettent leurs textes aux patrons le vendredi après-midi. « On a carte blanche, mais on nous ramène parfois à l’ordre », dit Olivier Niquet.

Le roi du bêtisier

Olivier Niquet s’est trouvé un créneau dans la présentation d’extraits de radio ou de télé provenant du monde de l’actualité ou des sports. « Là-dessus, je dois souligner la collaboration des auditeurs, dit celui qui est devenu le roi du bêtisier au Québec. Les gens m’écrivent pour me dire ce qu’ils ont entendu. Et avec le temps, je suis devenu assez bon pour identifier les animateurs qui ont du potentiel. »

Depuis le mois d’août dernier, l’émission est présentée en direct et devant public au bar Chez Roger. Les gens se battent littéralement pour y assister. « On a des fans de tous les âges et de tous les milieux. Ceux qui viennent me parler après l’émission sont souvent des madames de 50 ans », raconte celui qui semble avoir la cote auprès de la gent féminine.

Depuis quelques semaines, Olivier Niquet a une nouvelle rubrique qui consiste à décrypter un disque, chanson par chanson (Boom Desjardins, Céline Dion, Dany Bédar, etc.). On connaissait déjà son côté caustique, on découvre son côté baveux.

« Boom m’a écrit pour me dire qu’il avait trouvé ça drôle, dit-il. Ceux qui nous écoutent ne sont pas nécessairement des fans de Dany Bédar, mais certains ont trouvé ma chronique rough. Je ne dis absolument rien de mal sur ces chanteurs. »

Je m’empresse de lui dire que ce n’est pas tout à fait vrai. Il est un peu comme un surligneur jaune qui fait apparaître l’absurdité de certains passages de chansons.

« Oui, tu as raison, je souligne certaines choses et aux auditeurs d’en tirer leurs conclusions. Mais mes commentaires sont rarement violents. »

— Olivier Niquet

Quand on fait de l’humour sur tout un chacun, il faut être capable d’autodérision. Les membres de La soirée ont fait beaucoup de blagues au sujet de leur passage raté au gala ComediHa ! à Québec en juin dernier. « J’ai appris de cela qu’il faut s’adapter à notre public, dit Olivier Niquet. Si on avait fait ce sketch à notre émission, ça aurait très bien marché. Là, on est allé devant des spectateurs qui ne nous connaissaient pas et on leur a dit qu’ils étaient des morons. C’était du premier degré, bien sûr. »

Le quatuor a présenté ce numéro sans même l’avoir testé. Un peu kamikazes, les gars ! « En effet, on l’avait testé devant les maquilleuses et les coiffeurs du gala juste avant d’aller sur scène, dit Olivier Niquet en riant. Ils trouvaient ça très drôle. On s’est dit : ça va marcher. On a été un peu niaiseux. »

À l’aréna avec son laptop

Olivier Niquet parle souvent de sa vie familiale « plate et ordinaire » durant l’émission. N’y a-t-il pas là un peu d’exagération ? « Oui, j’avoue. Ça, ça fait vraiment partie de mon personnage. Ça permet à mes collègues de lever les yeux au ciel quand je dis que je n’ai rien fait de ma soirée. On va se le dire, travailler la fin de semaine, c’est un horaire de m… Mes enfants vont à l’école la semaine. Donc, moi, après l’émission, je rentre chez moi pour manger avec eux. »

Père de deux garçons de 6 et 8 ans, Olivier Niquet essaie d’être le plus présent auprès d’eux. « Je tente en ce moment de leur donner le goût du sport, dit-il. Je passe mes matinées du week-end dans les arénas. J’apporte mon laptop et je prépare mes chroniques en même temps. »

Le sport, particulièrement le hockey, est une grande passion pour Olivier Niquet (il signe une chronique dans le journal Métro). Mais en même temps, il pose un regard très critique sur ceux qui le commentent. « J’ai une grande admiration pour les athlètes. Et aussi pour les commentateurs. Pouvoir parler de hockey pendant 365 jours, c’est un exploit. »

La conversation nous ramène à sa timidité. Le gars qui répond à mes questions en trois phrases, celui qui ne craint pas les silences, celui qui est rassuré de faire de la radio avec trois bavards me parle de sa fascination pour les grandes gueules de la radio.

« Je suis fasciné par les gens qui ont une opinion sur tout, ces gens qui peuvent parler pendant deux heures à la radio, qui s’expriment sur tous les sujets en se foutant des faits et de la vérité. C’est formidable. »

À la fin de notre repas, Olivier Niquet me dit qu’il ne sait rien encore de la radio et qu’il a tout à apprendre de ce métier. Vous savez quoi ? Je n’en crois pas un seul mot. Ce futé a tout compris. Il a compris que même dans un monde où règne la parole, il faut en dire le moins possible. Et que les mots qui sortent de notre bouche, il faut les choisir.

La soirée est (encore) jeune

Wauthier, Girard et Savard vus par Niquet

Lequel est le plus râleur ?

Assurément Fred ! Il y a des matins où il se lève du mauvais pied, il est alors très grognon.

Le plus baveux ?

Les trois ! Chacun à leur façon. Toutefois, si on doit régler quelque chose avec un boss, Fred va dire qu’il va y aller, mais il ne le fera pas. Jean-Philippe va y aller.

Le plus sensible ?

(Après une longue hésitation) J’aurais tendance à dire Jean-Philippe parce que je le connais bien. Mais peut-être que les deux autres le sont aussi.

Le plus intelligent ?

Fred ! Ce gars-là est tellement brillant. Il a un incroyable sens de la répartie. Au bureau, on ne peut pas travailler avec tout ce qu’il nous sort. Il est cultivé. C’est une intelligence vive.

Le plus généreux ?

Jean-Philippe ! Mais il n’a aucun mérite, c’est nettement le plus riche du groupe.

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