Paris-Nice

Le coup de circuit d’Antoine Duchesne

Peut-être qu’Antoine Duchesne finira par croire qu’il fait réellement partie de l’élite mondiale. Dimanche, le cycliste de Saguenay posait à la droite d’Alberto Contador sur le podium final de Paris-Nice. Après trois jours de haute lutte, il venait de remporter le maillot à pois de meilleur grimpeur de la prestigieuse course par étapes.

Moins de 24 heures plus tard, Duchesne commençait à mieux mesurer l’ampleur de son exploit. « Je ne pensais pas que je pouvais faire ça, a candidement admis au téléphone l’athlète de 24 ans. Chaque fois que je voyais quelqu’un qui lâchait tout le monde et se retrouvait seul devant, je me demandais toujours comment il faisait. C’était impossible de faire ça. Là, c’est moi qui l’ai fait. C’est un beau feeling. »

Duchesne était rentré chez lui à Saint-Restitut, commune située dans la grande région d’Avignon. Sa belle aventure avait commencé trois jours plus tôt dans le village voisin de Saint-Paul-Trois-Châteaux, lieu de départ de la cinquième étape de Paris-Nice, traditionnelle épreuve de lancement de la saison européenne.

L’absence chez Direct Energie (ancienne Europcar) du sprinter-vedette Bryan Coquard, blessé le mois dernier, ouvrait la porte aux autres coureurs. Pour un local comme Duchesne, l’occasion était à prendre. « La chance au bâton n’arrive pas souvent. Quand on te la donne, c’est toujours bien quand tu claques un circuit... »

Sur ses routes d’entraînement, il s’est lancé sans savoir que cela le mènerait vers les plus beaux moments de sa jeune carrière.

L’apprenti œnologue a d’abord dit coucou à ses amis du vignoble Gourt de Mautens, où il a fait les vendanges à l’automne, avant de s’attaquer, 80 kilomètres plus loin, au mythique mont Ventoux. Troisième au passage du chalet Reynard, Duchesne a largué ses deux derniers compagnons d’échappée dans une côte à une trentaine de kilomètres de l’arrivée.

Le groupe de tête avait avalé tout le monde sauf lui lorsque Alexey Lutsenko est sorti pour le rejoindre. Le Kazakh et le Québécois, qui se connaissent bien, ont roulé ensemble pendant quelques kilomètres. À un rond-point, Duchesne a pris la mauvaise direction, laissant un trou de 100 mètres qu’il n’a jamais pu reboucher.

« Un mélange de fatigue et de manque de lucidité, a regretté l’ancien champion canadien U23. Je n’aurais jamais pété dans sa roue. Il m’aurait battu au final, mais je serais rentré pour finir deuxième. Ç’a quand même été une grosse, grosse déception d’être passé à côté d’un résultat comme ça. »

En revanche, il était à quatre points de la tête au classement du grand prix de la montagne. Il est donc reparti à l’attaque le lendemain, luttant avec le Belge Thomas De Gendt, lauréat en 2015. Duchesne a encore réussi à semer ses compagnons d’échappée pour s’approprier le maillot à pois avant que les Contador, Geraint Thomas et Richie Porte ne fondent sur lui au sommet de l’avant-dernière ascension.

À la dernière étape, dimanche, celui qu’on surnomme « Caribou » chez Direct Energie a bien marqué De Gendt et son plus proche poursuivant Jesus Herrada, qui se sont ensuite mis d’accord pour lui concéder le titre de meilleur grimpeur. Sur la promenade des Anglais, Thomas a résisté de justesse aux dernières charges de Contador pour remporter Paris-Nice.

Principal acteur de la bataille parallèle pour le maillot à pois, Duchesne a vécu un grand moment dans le sud de la France.

« Quand on te dit à la radio : continue, tu montes le col aussi vite que le peloton, Contador attaque derrière, des trucs comme ça, pour un petit gars comme moi, c’est trippant. »

— Antoine Duchesne

« Ça fait plus d’une fois que je me retrouve dans des situations comme ça. Je commence à réaliser que dans le fond, je suis à ce niveau-là. J’ai ma place pour me battre avec tous ces champions-là. »

Avant les classiques flandriennes, son grand objectif printanier à la fin du mois, Duchesne sait qu’il a marqué des points en vue d’une sélection éventuelle pour un premier Tour de France, en juillet. « On est encore loin […] mais je crois très fort en mes chances, plus que l’an dernier. »

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