Financement

La Caisse de dépôt investit 125 millions en agriculture

La Caisse de dépôt et placement du Québec s’est engagée hier à investir 125 millions de dollars dans le secteur agroalimentaire de la province, une annonce « surprise » reçue de façon mitigée par l’Union des producteurs agricoles (UPA).

En entrevue à La Presse, Christian Dubé, premier vice-président de la Caisse au Québec, a expliqué que ce nouveau fonds visait à soutenir tous les maillons de la chaîne de production agroalimentaire. L’institution entend déployer une « gamme d’outils variée » pour aider notamment les jeunes entreprises familiales à préparer leur relève.

« Ce qu’on dit, c’est que la Caisse n’est pas juste pour les grandes entreprises, mais aussi pour les plus petits joueurs dans le secteur agroalimentaire », a-t-il fait valoir.

La stratégie de l’organisme s’articulera autour de trois grands axes d’activité : la production agricole, la transformation alimentaire et la distribution/commercialisation des aliments. La Caisse visera des investissements directs de 1 à 30 millions de dollars, et pourra aussi s’allier des partenaires financiers par l’entremise d’un fonds.

Dans sa présentation, la Caisse a insisté sur l’importance qu’occupe déjà le secteur agroalimentaire de la province. L’industrie contribue pour 22 milliards au produit intérieur brut (PIB) québécois, emploie un demi-million de personnes et génère des exportations de 7,5 milliards.

Menaces de Trump

Ce coup de pouce de la Caisse pourrait être le bienvenu au moment où les États-Unis menacent de s’attaquer aux exportations canadiennes, selon Christian Dubé. Le président américain Donald Trump a notamment lancé des attaques virulentes contre l’industrie laitière du Canada la semaine dernière.

« Souvent, un des problèmes qu’on a en production, c’est que ça ne se rend pas jusqu’à la bonne commercialisation », a fait valoir M. Dubé.

« S’il y a une concurrence plus vive, ou que les règles de concurrence sont changées au niveau nord-américain, il faut s’assurer de leur donner des outils dans tous ces trois piliers. »

— Christian Dubé, premier vice-président de la Caisse au Québec

Le vice-président de la Caisse ajoute que des annonces d’investissement seront faites d’ici quelques semaines dans le secteur de la commercialisation.

L’UPA étonnée

Pour Marcel Groleau, président de l’UPA, l’annonce faite hier par la Caisse constitue « presque une surprise ». Il se dit heureux de voir que l’organisme s’intéresse au secteur agroalimentaire, mais se questionne sur la multiplication des programmes d’aide et d’investissement, notamment de la part de la Financière agricole et d’Investissement Québec.

« Est-ce qu’il y a une convergence ou une complémentarité entre tous ces programmes et celui de la Caisse ? a-t-il demandé. J’ai vérifié aujourd’hui [hier] si la Caisse avait parlé à la Financière agricole, et la réponse est non. »

Marcel Groleau trouve par ailleurs « inacceptable » l’investissement de 20 millions réalisé par la Caisse et le Fonds de solidarité FTQ dans l’entreprise Pangea. Le président de l’UPA critique vertement le modèle d’affaires de cette société, qui achète des terres agricoles pour ensuite s’associer à des producteurs locaux en vue de lancer des cultures plus intensives. M. Groleau l’associe à de la spéculation foncière.

« C’est comme si la Caisse investissait dans une entreprise qui achète des maisons, en compétition avec de jeunes couples qui veulent devenir propriétaires et subissent cette compétition. C’est inacceptable. »

— Marcel Groleau, président de l’UPA

Christian Dubé, vice-président de la Caisse, s’est bien défendu d’encourager la spéculation avec cet investissement. « On répond à un besoin des agriculteurs qui ont besoin d’avoir un accès à la propriété et qui ont besoin de relève, a-t-il affirmé. On n’est pas là pour faire des grandes entreprises, on est là dans un contexte familial. Il y a des mécanismes qui ont été faits par cet organisme pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de spéculation. »

Pour se qualifier à un investissement de la Caisse de dépôt, les entreprises du secteur agroalimentaire devront répondre à une série de critères bien définis, dont un plan d’affaires « bien structuré » et un « bon historique de performance ».

750 millions déjà investis

La Caisse a déjà annoncé des investissements d’environ 750 millions dans des entreprises du secteur agroalimentaire au cours des dernières années. Les injections de fonds les plus importantes ont été dans Agropur et Saputo, mais la Caisse a aussi investi dans des firmes plus petites, comme Colabor et Intelia (en partenariat avec Anges Québec). Ce sont les discussions avec les grandes multinationales québécoises de l’industrie qui ont sensibilisé la Caisse aux besoins des PME, a souligné Christian Dubé.

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