Budget du Québec

Des écoliers jusqu’aux aînés

Écoliers, contribuables, aînés… Le gouvernement de François Legault avait promis que son premier budget, baptisé « Vos priorités, votre budget », donnerait aux Québécois 110 % de ce qu’ils espéraient. A-t-il tenu parole ? À vous d’en juger.

Budget du Québec

Où va l’argent ?

Survol de l’exercice budgétaire 2019-2020

2,3 milliards de nouvelles dépenses

Le ministre des Finances Eric Girard prévoit 2,3 milliards de dollars de nouvelles dépenses pour le prochain exercice budgétaire, dont 890 millions pour améliorer le sort des contribuables.

Les deux grandes missions

« Aucune autre mission de l’État n’a plus d’importance que l’éducation. »

— Le ministre des Finances Eric Girard

Éducation  

Croissance des dépenses de 5,1 %

(total de 24,4 milliards)

Une nouvelle mesure parmi d’autres :  offrir une heure de plus pour de l’aide aux devoirs et des activités parascolaires au secondaire (21 millions cette année)

Santé

Croissance des dépenses de 5,4 %

(total de 47,2 milliards)

Une nouvelle mesure parmi d’autres :  ajout de personnel soignant dans les hôpitaux (215 millions cette année)

De l’argent pour les promesses

Début de l’uniformisation de la taxe scolaire :

200 millions cette année et 1,2 milliard sur cinq ans

Début de l’abolition de la contribution additionnelle pour la garde d’enfants : 

42 millions cette année et 687 millions sur cinq ans

250 nouvelles classes de maternelles 4 ans en septembre 2019 : 36 millions cette année et 1 milliard sur cinq ans

Environnement : L’essentiel à Roulez vert

Trois longues pages des documents budgétaires sont consacrées aux détails financiers des mesures de protection de l’environnement, mais l’essentiel (40 %) des nouveaux investissements destinés à ce secteur cette année va à une seule mesure : la prolongation du programme d’achat de véhicules électriques et de bornes de recharge Roulez vert. Cette mesure devrait coûter 156,3 millions en 2019 et 277,5 millions l’année suivante.

Autres mesures 

Ensemble des mesures d’aide aux entreprises pour la transition énergétique : 

165,5 millions

Soutien aux projets de bioénergies :  6 millions

Développement de voies cyclables :  10 millions

1 milliard pour veiller sur les sièges sociaux

En outre des 2,3 milliards de nouvelles dépenses, le budget prévoit qu’une somme de 1 milliard servira à « accompagner » le développement d’entreprises stratégiques et à constituer une équipe qui veillera à la protection des sièges sociaux. Est-ce que ce sera suffisant pour éviter la perte de fleurons de l’économie ? « On ne travaillera pas seul », assure le ministre des Finances.

Le budget 2019-2020

Revenus  

115,6 milliards

Dépenses  

13,0 milliards

Surplus prévu  

2,5 milliards (qui seront versés au Fonds des générations)

200,7 milliards

À 200,7 milliards, la dette brute du Québec baisse de 1 milliard et représentera 46,1 % du PIB cette année, son plus bas niveau depuis 20 ans.

1,8 %

« Quelle ne fut pas ma déception de constater que la croissance prévue de l’économie québécoise était chiffrée à terme à 1,3 %. Est-ce vraiment ça, le potentiel économique du Québec ? Je suis profondément convaincu que le Québec peut faire plus. »

— Le ministre des Finances Eric Girard, qui veut faire monter le taux de croissance à 1,8 %

Budget du Québec Santé

Priorité aux aînés

Longtemps négligés, les aînés récoltent aujourd’hui la part du lion des nouvelles ressources allouées en santé dans le premier budget du gouvernement de François Legault.

« Important coup de barre »

Le soutien aux aînés et à ceux qui les accompagnent doit faire l’objet d’un « important coup de barre », a indiqué le ministre des Finances, Eric Girard, dans son discours sur le budget présenté hier. « Malgré le dévouement dont font preuve les travailleurs des réseaux, les soins apportés aux aînés ne sont pas suffisants », a-t-il indiqué. Le gouvernement de François Legault alloue 801 millions de dollars de nouvelles ressources à la santé et aux services sociaux dès cette année, notamment pour améliorer les soins aux aînés. Il s’agit d’une augmentation de 5,4 % du budget de la santé. Le ministre Girard a insisté sur le fait qu’il s’agit d’une « hausse considérable » parce que les « besoins sont très importants ». Au total, d’ici cinq ans, le gouvernement caquiste réserve à la santé des ressources additionnelles de 4,9 milliards.

Maintien à domicile des aînés

Pour le maintien à domicile des personnes âgées, le gouvernement Legault a annoncé des sommes de 280 millions par année dès cette année – ce sont 80 millions de plus que son engagement électoral de 200 millions – puisque le « premier choix » des aînés est « la plupart du temps de rester à domicile », a souligné le ministre des Finances. L’ajout de 900 lits et places d’hébergement dans les CHSLD est aussi prévu. Le gouvernement Legault concrétise également son engagement d’allouer des sommes additionnelles de 21 millions pour le soutien aux proches aidants. « C’est une bonne journée pour les aînés et les proches aidants », a lancé la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, visiblement heureuse d’avoir eu une oreille attentive de ses collègues des Finances et du Conseil du trésor.

Les maisons des aînés, pas pour demain

Concernant les « maisons des aînés », leur construction n’est toutefois pas pour demain. Le gouvernement compte en bâtir 30 au cours du « premier mandat », a précisé le ministre Girard, hier. Les sommes ne seront pas débloquées avant 2022-2023 (245 millions annuellement), précise-t-on. Dans le Plan québécois des infrastructures 2019-2029, 1 milliard est d’ailleurs prévu pour la construction progressive de ces maisons (sur des investissements de 20,2 milliards pour le secteur de la santé et des services sociaux). Dans ce plan, la rénovation de plusieurs CHSLD ainsi que l’agrandissement de l’hôpital Pierre-Le Gardeur à Terrebonne sont aussi prévus.

Meilleures conditions d’exercice

Pour permettre aux employés du réseau de la santé de souffler un peu, une somme de 200 millions de dollars sera consacrée dès cette année à l’embauche d’infirmières, de préposés aux bénéficiaires et d’autres professionnels. À cette somme s’ajoutent 15 millions pour la formation de préposés aux bénéficiaires ainsi que 40 millions pour l’embauche d’infirmières praticiennes spécialisées. Selon son interprétation du budget, l’ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette – maintenant dans l’opposition – affirme que le gouvernement caquiste n’arrivera pas à diminuer les ratios patients-infirmières comme il l’a promis. « Je me suis battu pour les ratios patients-infirmières, mais oubliez ça, ça n’arrivera pas », a-t-il déploré.

Fin du « temps supplémentaire obligatoire » ?

La ministre de la Santé Danielle McCann croit pour sa part que ces 255 millions qui seront dépensés pour offrir de meilleures conditions d’exercice au personnel soignant auront un impact concret dès cette année sur le terrain pour améliorer les ratios patients-infirmières ainsi que pour diminuer le « temps supplémentaire obligatoire » (TSO). L’abolition du TSO demeure un engagement « ferme » de la Coalition avenir Québec (CAQ), assure-t-elle. De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) – le syndicat qui représente la grande majorité des infirmières de la province – est en colère. Elle réclamait 350 millions pour l’embauche de forces vives. « C’est très décevant. Le réseau de la santé est en crise. Nos infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes sont en souffrance et il n’y a aucune mention de l’abolition du TSO dans le budget », a réagi le trésorier de la FIQ, Roberto Bomba.

« Assez d’attendre »

Au total, ce sont des ressources additionnelles de 574 millions au cours des cinq prochaines années qui seront investies pour améliorer l’accès aux soins et aux services de première ligne. « Les Québécois en ont assez d’attendre pour des soins de base », a lancé le ministre Girard. Or, il n’y a pas de trace de l’engagement électoral de ramener à une moyenne de 90 minutes le temps d’attente moyen aux urgences dans le budget d’hier. Les ressources ajoutées dans les CLSC, les CHSLD et les hôpitaux ainsi que la mise sur pied des cliniques d’hiver sont autant de mesures pour faire diminuer le temps d’attente aux urgences, a répondu la ministre de la Santé, Danielle McCann, en mêlée de presse. De plus, l’argent investi dans le maintien à domicile des aînés devrait réduire l’achalandage des urgences, croit Mme McCann.

Aide aux parents d’enfants handicapés

En campagne électorale, la CAQ s’était engagée à améliorer l’aide accordée aux parents d’un enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels en allouant 22 millions de dollars dès cette année. Or, dans le budget d’hier, ces sommes sont maintenant prévues pour 2020-2021. « Je peux vous assurer qu’il va y avoir de l’aide au rendez-vous pour les enfants et les adultes handicapés, a indiqué la ministre de la Santé, en mêlée de presse, […] mais je dois vous dire qu’on doit d’abord évaluer les besoins. » Le Parti québécois (PQ) a d’ailleurs souligné ce report. « On dit aux parents d’enfants handicapés : “On n’a rien pour vous cette année et aucune certitude pour l’an prochain” », a déploré le critique en matière de finances du PQ, Martin Ouellet.

Retards de développement des enfants

Pour remplir sa promesse voulant que tous les enfants ayant des difficultés d’apprentissage soient dépistés avant l’âge de 5 ans, le gouvernement Legault y consacrera 48 millions de dollars dès cette année. Ces investissements atteindront progressivement 88 millions annuellement d’ici 2023-2024. Cet engagement est cher au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, qui a fait des travaux comme neurologue au CHU Sainte-Justine sur le dépistage des retards de développement des tout-petits.

Une bonne nouvelle, mais…

La priorité accordée au maintien des aînés à domicile est une « excellente nouvelle », a réagi pour sa part la vice-présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Marie-Claude Raynault. Toutefois, ce syndicat qui représente 55 000 professionnels de la santé et des services sociaux craint que les centres jeunesse, la santé publique et les services de réadaptation, entre autres, ne soient pas aussi bien financés alors que les besoins y sont tout aussi criants. « Il ne faudrait pas déshabiller Pierrette pour habiller Paulette », a lancé Mme Raynault.

Budget du Québec Éducation

Québec promet des écoles plus belles

Québec entend s’attaquer à la vétusté des écoles de la province et injectera pour ce faire des milliards de dollars dans les bâtiments fréquentés par les élèves chaque jour. En augmentant les dépenses de 5,1 % en éducation pour 2019-2020, le gouvernement Legault dit qu’il réalise son engagement de faire de l’éducation l’une de ses priorités.

Rénover les écoles de la province est devenu plus urgent que jamais. Selon le plan québécois des infrastructures, entre 2018 et 2019, la proportion des écoles primaires jugées dans un mauvais ou très mauvais état est passée de 55 à 59 %. Au secondaire, c’est la moitié des écoles qui sont ainsi cotées.

En conséquence, Québec prévoit d’ici 2029 des investissements de près de 14 milliards pour rénover les écoles primaires et secondaires existantes et en construire d’autres.

« Sans ce redressement majeur, la proportion des écoles en mauvais état continuerait à croître de façon dramatique au cours des prochaines années », a déclaré le président du Conseil du trésor, Christian Dubé.

« On va enfin avoir de belles écoles », a déclaré le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, qui envisage déjà des établissements où on abattra des murs pour les remplacer par de grandes fenêtres. Des annonces concrètes suivront dans les prochains mois, assure le ministre.

Des maternelles plus chères que prévu

Malgré les réticences exprimées au cours des derniers mois par plusieurs acteurs du milieu, le gouvernement Legault garde le cap sur l’ouverture de classes de maternelle 4 ans, déjà implantées dans certains milieux défavorisés.

Pour assurer l’ouverture de 250 classes dès septembre prochain, 36 millions de dollars sont prévus au budget 2019-2020. Dans quatre ans, les classes de maternelle 4 ans coûteront 436 millions en frais d’exploitation (comme le salaire des enseignants), soit près de 200 millions de plus que ce qu’avait estimé la Coalition avenir Québec (CAQ) en campagne électorale.

Pour ses prévisions budgétaires, Québec s’est basé sur un scénario où la moitié des enfants de 4 ans fréquenteraient la maternelle à la fin de son mandat. En campagne électorale, la CAQ estimait que jusqu’à 90 % des parents pourraient à terme faire ce choix.

François Legault chiffrait alors les coûts d’immobilisation pour construire les classes nécessaires à la réalisation de son engagement à 123 millions. Selon le Trésor, il en coûtera plutôt 900 millions, toujours en partant de l’hypothèse qu’un enfant sur deux fréquentera à terme la maternelle 4 ans.

L’Association québécoise des centres de la petite enfance voit d’un bon œil le fait que Québec ait abaissé ses prévisions de fréquentation de la maternelle 4 ans. « Ça indique que le gouvernement agit avec prudence », dit Geneviève Bélisle, directrice générale de l’association qui représente 70 % des CPE.

Plus de classes spécialisées

L’absence de services aux élèves a souvent été décriée au cours des dernières années, tout comme la disparition de la classe dite « ordinaire ». Québec injectera au cours des cinq prochaines années 100 millions pour créer des classes spécialisées dont les ratios enseignants-élèves seront réduits.

À la prochaine rentrée, c’est 150 de ces classes qui seront créées, soit environ deux par commission scolaire. C’est peu, mais le ministre de l’Éducation croit que ça peut être significatif pour un « élève intégré de force » dans une classe dite ordinaire.

« C’est un bon signe, abonde Sylvain Malette, président de la Fédération autonome de l’enseignement. C’est une prise de conscience que oui, des fois, ça peut être bon pour certains élèves d’être dans une classe spécialisée. »

Un « seuil minimal » de services professionnels

Le personnel enseignant pourra-t-il souffler ? Québec promet d’offrir un « seuil minimal de services professionnels et techniques » dans les écoles de la province en ajoutant 47 millions dès 2019-2020. « Ces changements permettront de mieux répondre aux besoins des élèves et d’apporter un meilleur soutien au personnel enseignant », lit-on dans le budget.

Ce sera aux commissions scolaires de déterminer où sont les besoins, dit le ministre de l’Éducation. Comment y parviendront-elles alors que toutes déplorent une pénurie de spécialistes ? « Il y a plusieurs professionnels qui sont au privé et qui vont faire un retour dans le réseau », estime Jean-François Roberge.

Des bourses d’excellence pour les futurs enseignants

Placé devant une pénurie d’enseignants qui se répercute directement dans les classes, Québec prend des mesures pour valoriser la profession enseignante. Des bourses seront offertes aux futurs enseignants qui « présentent un dossier scolaire relevé ». Dès la prochaine rentrée, une somme totalisant 16 millions sera versée annuellement aux étudiants qui souhaitent poursuivre un parcours universitaire en enseignement.

S’il voulait inciter les jeunes à aller enseigner, le gouvernement « est passé à côté de la track », dit Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec, qui représente 125 000 employés du secteur de l’éducation. « Cet argent aurait dû être utilisé pour créer plus de classes spécialisées, dit-elle. Les gens regardent comment ça se passe dans les classes, il y a une surcharge de travail, des conditions difficiles. Ce ne sont pas des bourses d’excellence et le mentorat qui vont changer ça. »

L’argent pour les stages viendra

Les étudiants qui demandent depuis plusieurs années une compensation pour leurs stages réalisés en cours d’études n’ont rien trouvé dans le budget déposé hier, mais le ministre de l’Éducation assure que, dès la prochaine rentrée scolaire, certains étudiants recevront une rétribution pendant leur stage d’études. « On écoute les regroupement étudiants. Certains veulent une compensation, d’autres, un salaire. On n’a pas encore tranché », a déclaré Jean-François Roberge.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.