Québec entend s’attaquer à la vétusté des écoles de la province et injectera pour ce faire des milliards de dollars dans les bâtiments fréquentés par les élèves chaque jour. En augmentant les dépenses de 5,1 % en éducation pour 2019-2020, le gouvernement Legault dit qu’il réalise son engagement de faire de l’éducation l’une de ses priorités.
Rénover les écoles de la province est devenu plus urgent que jamais. Selon le plan québécois des infrastructures, entre 2018 et 2019, la proportion des écoles primaires jugées dans un mauvais ou très mauvais état est passée de 55 à 59 %. Au secondaire, c’est la moitié des écoles qui sont ainsi cotées.
En conséquence, Québec prévoit d’ici 2029 des investissements de près de 14 milliards pour rénover les écoles primaires et secondaires existantes et en construire d’autres.
« Sans ce redressement majeur, la proportion des écoles en mauvais état continuerait à croître de façon dramatique au cours des prochaines années », a déclaré le président du Conseil du trésor, Christian Dubé.
« On va enfin avoir de belles écoles », a déclaré le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, qui envisage déjà des établissements où on abattra des murs pour les remplacer par de grandes fenêtres. Des annonces concrètes suivront dans les prochains mois, assure le ministre.
Des maternelles plus chères que prévu
Malgré les réticences exprimées au cours des derniers mois par plusieurs acteurs du milieu, le gouvernement Legault garde le cap sur l’ouverture de classes de maternelle 4 ans, déjà implantées dans certains milieux défavorisés.
Pour assurer l’ouverture de 250 classes dès septembre prochain, 36 millions de dollars sont prévus au budget 2019-2020. Dans quatre ans, les classes de maternelle 4 ans coûteront 436 millions en frais d’exploitation (comme le salaire des enseignants), soit près de 200 millions de plus que ce qu’avait estimé la Coalition avenir Québec (CAQ) en campagne électorale.
Pour ses prévisions budgétaires, Québec s’est basé sur un scénario où la moitié des enfants de 4 ans fréquenteraient la maternelle à la fin de son mandat. En campagne électorale, la CAQ estimait que jusqu’à 90 % des parents pourraient à terme faire ce choix.
François Legault chiffrait alors les coûts d’immobilisation pour construire les classes nécessaires à la réalisation de son engagement à 123 millions. Selon le Trésor, il en coûtera plutôt 900 millions, toujours en partant de l’hypothèse qu’un enfant sur deux fréquentera à terme la maternelle 4 ans.
L’Association québécoise des centres de la petite enfance voit d’un bon œil le fait que Québec ait abaissé ses prévisions de fréquentation de la maternelle 4 ans. « Ça indique que le gouvernement agit avec prudence », dit Geneviève Bélisle, directrice générale de l’association qui représente 70 % des CPE.
Plus de classes spécialisées
L’absence de services aux élèves a souvent été décriée au cours des dernières années, tout comme la disparition de la classe dite « ordinaire ». Québec injectera au cours des cinq prochaines années 100 millions pour créer des classes spécialisées dont les ratios enseignants-élèves seront réduits.
À la prochaine rentrée, c’est 150 de ces classes qui seront créées, soit environ deux par commission scolaire. C’est peu, mais le ministre de l’Éducation croit que ça peut être significatif pour un « élève intégré de force » dans une classe dite ordinaire.
« C’est un bon signe, abonde Sylvain Malette, président de la Fédération autonome de l’enseignement. C’est une prise de conscience que oui, des fois, ça peut être bon pour certains élèves d’être dans une classe spécialisée. »
Un « seuil minimal » de services professionnels
Le personnel enseignant pourra-t-il souffler ? Québec promet d’offrir un « seuil minimal de services professionnels et techniques » dans les écoles de la province en ajoutant 47 millions dès 2019-2020. « Ces changements permettront de mieux répondre aux besoins des élèves et d’apporter un meilleur soutien au personnel enseignant », lit-on dans le budget.
Ce sera aux commissions scolaires de déterminer où sont les besoins, dit le ministre de l’Éducation. Comment y parviendront-elles alors que toutes déplorent une pénurie de spécialistes ? « Il y a plusieurs professionnels qui sont au privé et qui vont faire un retour dans le réseau », estime Jean-François Roberge.
Des bourses d’excellence pour les futurs enseignants
Placé devant une pénurie d’enseignants qui se répercute directement dans les classes, Québec prend des mesures pour valoriser la profession enseignante. Des bourses seront offertes aux futurs enseignants qui « présentent un dossier scolaire relevé ». Dès la prochaine rentrée, une somme totalisant 16 millions sera versée annuellement aux étudiants qui souhaitent poursuivre un parcours universitaire en enseignement.
S’il voulait inciter les jeunes à aller enseigner, le gouvernement « est passé à côté de la track », dit Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec, qui représente 125 000 employés du secteur de l’éducation. « Cet argent aurait dû être utilisé pour créer plus de classes spécialisées, dit-elle. Les gens regardent comment ça se passe dans les classes, il y a une surcharge de travail, des conditions difficiles. Ce ne sont pas des bourses d’excellence et le mentorat qui vont changer ça. »
L’argent pour les stages viendra
Les étudiants qui demandent depuis plusieurs années une compensation pour leurs stages réalisés en cours d’études n’ont rien trouvé dans le budget déposé hier, mais le ministre de l’Éducation assure que, dès la prochaine rentrée scolaire, certains étudiants recevront une rétribution pendant leur stage d’études. « On écoute les regroupement étudiants. Certains veulent une compensation, d’autres, un salaire. On n’a pas encore tranché », a déclaré Jean-François Roberge.
— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse