Parti libéral du Québec

Un autre lac-à-l’épaule pour calmer la grogne

QUÉBEC — Lorsque Jean-Marc Fournier leur dira que tout va bien, demain et lundi, les chefs de cabinet du gouvernement Couillard, les officiers de l’armée libérale, auront probablement un sourire entendu. À l’hôpital, quand on demande l’intervention de l’anesthésiste, c’est que sans lui, l’opération serait bien douloureuse.

Après les députés libéraux, la semaine dernière à Gatineau, les directeurs de cabinet, les bras droits des ministres, sont conviés à une rencontre secrète à Portneuf, près de Québec. Au programme, une présentation déjà faite par le ministre Fournier à ses collègues du caucus à Gatineau. Un « wake-up call » pour galvaniser les troupes tétanisées devant la photo toujours défavorable présentée par les médias, soutient-on au cabinet de Philippe Couillard.

En gros, « tout va bien » ! La création d’emplois et la croissance économique sont robustes, les partis d’opposition se cherchent et cafouillent, les sondages au niveau national sont bons, tout comme les coups de sonde pratiqués dans les régions. Même des fausses balles en apparence sont en fait des coups sûrs, selon le Dr Fournier. Ainsi, l’injection de 26 millions dans le Zoo sauvage de Saint-Félicien est un geste bien avisé, qui aurait toutefois gagné à être mieux expliqué à la population, convient notre anesthésiste.

Les députés qui ont assisté à cette présentation enthousiaste du ministre, qui, tous le savent, est le plus influent auprès de Philippe Couillard, ont dû se demander s’ils avaient la berlue. Car au même moment, aux portes du huis clos, les points de presse se succédaient, illustrant l’improvisation et le manque de jugement des stratèges du gouvernement.

DÉRAPAGES

En seulement deux jours, les dérapages ont été nombreux. Dès le début, le boycottage de l’ex-collègue Nathalie Normandeau. Puis l’apparence de favoritisme pour un employé politique de Laurent Lessard.

Mais c’est surtout l’absolution suivie de la condamnation d’un transfuge caquiste qui a percolé dans les médias. Le premier ministre Couillard, l’espace d’une déclaration, a même paru cautionner le vol de documents stratégiques de la CAQ.

Pour finir, le ministre des Transports, Laurent Lessard, qui annonce une entente avec Uber tout en refusant d’en divulguer le contenu – qu’il venait pourtant de confier à l’ex-ministre Guy Chevrette –, le scénario parfait pour que l’industrie du taxi s’enflamme. Le gouvernement s’est empressé hier de publier une entente qu’il pensait diffuser dans quelques jours seulement. On n’avait tout simplement pas prévu la vigueur de la réaction des chauffeurs.

« Je n’ai jamais vu un tel niveau de mécontentement chez les députés », confiera un apparatchik de longue date au PLQ, ce qui s’explique par une « accumulation » plutôt que par une raison en particulier. Sur tous les sujets, « on ne va pas assez vite, assez loin ! ».

IMPATIENCE À QUÉBEC

Dans la région de Québec, surtout, les élussont impatients, conscients qu’aux prochaines élections, ils risquent la défaite aux mains des candidats caquistes. La CAQ recueille 40 % des intentions de vote à Québec. Aussi, plusieurs députés libéraux sont-ils montés au front à Gatineau. Nouvelle élue dans Chauveau, Véronyque Tremblay n’a pas caché son inquiétude. Raymond Bernier, dans Montmorency, Patrick Huot, dans Vanier, et François Blais, dans Charlesbourg, sont tout autant en danger. 

Bien avant le caucus, se défendant de menacer qui que ce soit, Sam Hamad avait prévenu le secrétaire général du gouvernement Roberto Iglesias : le gouvernement pourrait se retrouver avec une autre élection partielle si on lui fermait définitivement la porte du Conseil des ministres. En dépit des sondages, Philippe Couillard veut ramener ce lieutenant de la première heure – il lui faudra toutefois attendre le « rebrassage » des cartes qui surviendra début 2017, au moment du retour du ministre Pierre Moreau, sur la touche pour des raisons de santé. 

La valse-hésitation quant à l’embauche de Frédéric Schautaud, qui devait passer du bureau de recherche de François Legault au cabinet de Dominique Anglade, fournit presque une « étude de cas » de ce qui ne fonctionne pas.

Une mauvaise décision que l’on répudie après l’avoir défendue. Dominique Anglade a spontanément passé l’éponge sur le fait que M. Schautaud était parti avec des documents stratégiques de la CAQ. Philippe Couillard a d’abord refusé de convenir qu’il s’agissait d’un vol de documents. La suite est une retraite dans le désordre : la ministre Anglade a annoncé que le caquiste ne serait pas embauché chez elle, et Philippe Couillard a souligné que, bien sûr, un vol de documents ne pouvait être cautionné. Ces louvoiements ont pris toute la place dans les médias.

Au caucus spécial de juin dernier, M. Couillard avait indiqué qu’on réglerait ces problèmes de communication – il s’est pourtant placé à l’épicentre de la tempête mercredi.

Il est vrai que le menu était au départ bien frugal. On pensait rassasier les journalistes avec la menace timorée d’un bâillon parlementaire pour obtenir l’adoption d’un projet de loi sur l’aide sociale.

Mais tous les députés à Gatineau, comme tous les chefs de cabinet lundi, comprennent bien que l’embauche du transfuge a d’abord été cautionnée sans hésitation par le cabinet de Philippe Couillard. À l’évidence, la ministre Anglade n’aurait pas pris une telle décision sans la faire valider au préalable par le bureau du premier ministre. Il y a quelques semaines, on avait d’ailleurs brandi comme un trophée la défection d’un autre conseiller de François Legault, Yan Plante, embauché dans la garde rapprochée du premier ministre, où devait le rejoindre Schautaud.

Au moment où des libéraux se cherchent encore des emplois – les anciens employés de Jacques Daoust, notamment –, cette habitude de recruter au « troisième », l’étage où se trouve la CAQ à l’hôtel du Parlement, fait grincer des dents.

Plante et Schautaud ont ravivé un ressentiment tangible dans les troupes libérales. Quand on y regarde de plus près, la Santé relève d’un ancien candidat caquiste battu en 2012, Gaétan Barrette. À l’Éducation, on retrouve l’ancien adéquiste Sébastien Proulx. À l’Économie, c’est Dominique Anglade, ancienne candidate et présidente de la CAQ. « Les fédéralistes ne peuvent accepter les positions identitaires de la CAQ et reviennent au PLQ », explique Charles Robert, attaché de presse de M. Couillard et lui-même ancien militant adéquiste.

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