Opinion : Salaire minimum à 15 $

Ne pas compromettre la compétitivité des entreprises

La principale raison pour hausser le salaire minimum au Québec de 10,75 $ à 15 $ l’heure est le désir d’accroître le revenu des travailleurs qui sont au bas de l’échelle. Travailler 40 heures par semaine devrait générer un revenu plus décent.

36 h x 50 semaines x 10,75 $ = 19 350 $

36 h x 50 semaines x 15,00 $ = 27 000 $, soit une hausse de 40 %

D’une certaine façon, la hausse du salaire minimum est une mesure de redistribution des revenus qui est déboursée par les entreprises. D’une certaine façon, c’est une taxe sur les entreprises.

On peut se demander s’il est optimal que la redistribution des revenus se fasse en partie par l’entremise des entreprises et non entièrement via la collecte de revenus faite par le gouvernement auprès des particuliers.

Est-ce que la redistribution des revenus entre les particuliers ne devrait pas être une affaire entre particuliers ?

Le gouvernement élu démocratiquement par les contribuables prend une part des revenus de ceux-ci, notamment les plus riches, pour la redistribuer à des contribuables moins nantis. Ce n’est pas le rôle des entreprises de rémunérer leurs employés selon leurs besoins.

La rémunération globale offerte par les entreprises doit être principalement fonction de la productivité des travailleurs ainsi que des pressions de l’offre et de la demande.

Une hausse du salaire minimum va augmenter le coût du facteur travail, incluant celui relié au fait que les travailleurs qui avaient un salaire proche et au-dessus du salaire minimum vont demander une hausse de façon à ce que cet écart salarial demeure avec le nouveau salaire minimum. La hausse du coût du facteur travail va pousser les entreprises à substituer, si possible, une partie de leur main-d’œuvre par de l’équipement.

PROTÉGER LES EMPLOIS

Mais surtout, dans un monde très concurrentiel, une forte hausse des coûts de production va réduire sensiblement la rentabilité des entreprises et même, dans certains cas, entraîner des fermetures ou la délocalisation de plus grandes entreprises déjà présentes dans plusieurs pays ou provinces.

Se servir des entreprises pour financer la redistribution des revenus entre les particuliers va réduire leur position concurrentielle et la création d’emplois par celles-ci.

Voici un des constats que faisait le ministère des Finances du Québec il y a un peu plus de deux ans : « En appliquant le régime fiscal des autres provinces aux entreprises du Québec, on observe que la fiscalité du Québec impose aux entreprises un fardeau fiscal de près de deux fois plus élevé que celui des autres provinces. Cet écart représente un fardeau fiscal supérieur de 2,9 milliards de dollars par rapport à l’application au Québec du régime fiscal de l’Ontario. L’essentiel de ces écarts provient de la taxe sur la masse salariale. » Notez que la taxe sur la masse salariale paie principalement des services publics utilisés par les particuliers.

Je ne dis pas qu’on ne doit pas avoir une hausse du salaire minimum, mais qu’il faut procéder avec prudence et progressivement de façon à éviter le plus possible de compromettre la compétitivité des entreprises québécoises et la création d’emplois, surtout dans un contexte où les entreprises ont un fardeau fiscal relativement lourd.

Il ne faut pas non plus oublier que la création d’emplois au Québec a été relativement faible ces dernières années et que le vieillissement accéléré de la population du Québec va continuer de réduire de façon marquée la croissance de l’emploi dans la prochaine décennie.

Je ne dis pas également que les gouvernements et les municipalités ne devraient pas imposer les revenus des entreprises ou les taxer ou leur charger des frais sous prétexte que cela va augmenter leurs coûts ou réduire leur rentabilité.

Ce que je dis, c’est que, de façon générale, le système fiscal devrait faire en sorte que les entreprises et les particuliers déboursent principalement les coûts qui sont reliés aux services des gouvernements et des municipalités qu’ils utilisent eux-mêmes. Les entreprises utilisent de très nombreux services publics (dont les infrastructures de transport, la réglementation du commerce et ententes internationales, plusieurs aspects du système national de sécurité, du système légal, les systèmes d’aqueduc et d’égout des municipalités, la protection de l’environnement…).

La répartition de l’assiette fiscale qui découle de cette façon de faire a pour objectif de nuire le moins possible à la compétitivité des entreprises. Elle permet donc à une province (comme le Québec) qui veut offrir davantage de services à ses citoyens de ne pas compromettre la compétitivité de ses entreprises par rapport à celles des autres provinces.

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