Revue de l’année
LES 10 MEILLEURS
Richard Linklater a filmé, sur une période de 12 ans, à raison de quelques jours par année, les mêmes acteurs afin de témoigner dans une fiction du passage de l’enfance à l’âge adulte. Le résultat est un tour de force de 2h46, sans le moindre temps mort, où il ne se passe rien d’autre que la vie.
est un film à la fois hors du temps et ancré dans le présent, parfaitement cohérent. Une œuvre d’une rare et prodigieuse fluidité, à la fois profonde, sensible et marquante. Un récit initiatique tendre et touchant, intime et universel, d’un réalisme confondant.— Marc Cassivi
Rarement a-t-on vu une satire du showbiz être exécutée d’aussi brillante façon. Le cinquième long métrage d’Alejandro G. Iñárritu (
, ), très différent des films précédents dans sa tonalité, se distingue à tous les niveaux. D’abord, le propos est furieusement intelligent. Le cinéaste explore de façon inédite le questionnement existentiel d’un acteur (Michael Keaton), connu pour avoir incarné un superhéros à l’écran il y a 20 ans, qui veut se refaire une santé artistique en montant une pièce à Broadway. Magnifiquement écrit, truffé de dialogues bien gratinés, le film se distingue aussi grâce à une exceptionnelle mise en scène. Constituée de plans-séquences vertigineux (Emmanuel Lubezki, lauréat d’un Oscar grâce à , signe les images), rythmée au son d’une trame musicale (Antonio Sanchez) aussi puissante qu’originale, la réalisation constitue en elle-même un morceau de bravoure.— Marc-André Lussier
est une œuvre inspirée sur la quête de dignité, ingénieuse et passionnée, faite d’audaces et de fulgurances. Une œuvre à la fois sombre et lumineuse, façonnée par la verve et les élans romantiques de Xavier Dolan. Un film entier, enivrant de puissance, authentique et sincère, dans ses qualités comme ses défauts. Anne Dorval, en mère dépassée, y est plus émouvante que jamais. Le jeune Antoine Olivier Pilon, en jeune délinquant atteint d’un TDAH, est d’une intensité époustouflante. La brillante mise en scène de leur relation d’amour-haine par Dolan, saluée à Cannes par le Prix du jury, restera gravée dans l’histoire du cinéma québécois.
— Marc Cassivi
Un conte où l’humour décalé du réalisateur de
fait merveille. Bienvenue dans cette fin des années 30 où l’ombre de la guerre assombrit le délicieux carton-pâte du Grand Hôtel Budapest planté au sommet d’une falaise, dans un pays imaginaire situé à la frontière la plus orientale de l’Europe. Histoire d’amour entre un homme et « son » hôtel, histoire d’amour entre jeunes gens, assumant pleinement son aspect bande dessinée à travers des personnages juste assez à côté de la plaque, est une friandise à déguster encore et encore. Et encore.— Sonia Sarfati
Sillonnant un Los Angeles glauque, Jake Gyllenhaal, malingre et efflanqué, offre une performance hallucinante dans cette histoire d’un chasseur nocturne de nouvelles sanglantes qu’il vend aux chaînes de télévision locales.
est un constat brutal qui se reçoit comme une claque sur la gueule. On en sort estourbi, choqué. Il y a de quoi réfléchir dans cette satire noire, bien ficelée, qui se penche sur l’état des médias, sur le rêve américain une fois tordu, sur les effets d’une situation socioéconomique en forme de cul-de-sac, sur ce désir de gloire à tout prix. Et sur le voyeurisme considéré comme l’un des beaux-arts.— Sonia Sarfati
Un film de vampire unique, magnifique et métaphorique qui met en scène Detroit et Tanger, deux villes en ruines et deux amants, Adam et Eve, qui s’aiment depuis des siècles malgré leurs allures de punks. Adam et Eve ne sont pas des vampires comme les autres. Ils sont
, sages et plutôt que de tuer pour avoir leur dose de sang quotidien, ils l’achètent en fiole sur le marché noir d’un monde effondré. Du grand Jim Jarmusch.— Nathalie Petrowski
Difficile de résister au rythme enlevant de ce premier film en forme de solo de batterie livré par un élève en batterie jazz soumis à l’abus de pouvoir de son prof. Même s’il s’agit en partie d’un huis clos,
nous entraîne dans un tourbillon d’émotions et d’images percutantes et nous plonge comme rarement un film l’a fait, au cœur de l’effort et de la sueur du musicien.— Nathalie Petrowski
Indéniablement, on nous propose ici un film sous influences. Dont la moindre n’est certes pas celle liée au chef d’œuvre de Kubrick
, véritable vaisseau amiral des films d’exploration spatiale. Malgré tout, Christopher Nolan parvient à offrir une œuvre parfaitement distinctive, éminemment personnelle. Là réside d’ailleurs la plus grande surprise de cette superproduction ambitieuse dont les effets sont toujours bien mesurés. Pour la première fois, le réalisateur d’ ose le lyrisme. Et n’hésite pas à s’aventurer sur le terrain de l’émotion. Comme s’il s’agissait d’une dernière frontière à explorer. Christopher Nolan manie aussi dans son film des concepts abstraits sans que jamais sa dramaturgie n’en souffre. Vrai qu’en près de trois heures de projection, certains passages peuvent sembler plus fastidieux, et même nous échapper parfois, mais le récit reste néanmoins captivant. Que voilà un accomplissement de taille.— Marc-André Lussier
De par sa structure, le roman semblait impossible à adapter. Mais impossible ne fait pas partie du vocabulaire de David Fincher ni de Gillian Flynn (qui a scénarisé son propre livre). Thriller de première classe,
est aussi un drame conjugal implacable et une féroce satire des médias. Ben Affleck, en mari soupçonné d’avoir éliminé sa femme, et Rosamund Pike, en (possible) victime, offrent des performances solides, levant tranquillement le voile sur des personnages aux multiples secrets. Mais la vraie star de ce film est David Fincher, dont la réalisation est impeccable. Un regret : que la finale du roman, plus percutante, ait été modifiée.— Sonia Sarfati
Grâce à des vignettes impressionnistes,
relate en noir et blanc une saison estivale dans la vie d’une femme de 22 ans, pour qui l’existence n’emprunte encore aucun sens précis. Doté d’un sens de l’observation très aiguisé, serti d’un humour très fin, Stéphane Lafleur s’attarde à orchestrer dans son film les moments un peu flous de la vie. Comme s’il évoquait du coup cette phase plus creuse de l’existence pendant laquelle les jeunes adultes n’ont pas encore vraiment d’emprise. Sur rien. Le tour de force du cinéaste est justement de faire écho à cette vacuité sans distiller l’ennui. Bien entendu, le type d’humour très feutré que privilégie Lafleur n’est pas du goût de tous, mais ceux qui acceptent d’entrer dans le jeu découvrent un univers très riche, où chaque menu détail est étudié. À l’arrivée, constitue une expérience cinématographique vraiment remarquable.— Marc-André Lussier