terrains de sport de surface synthétique

La lutte au réchauffement climatique avant l’exercice physique

Au nom de l’environnement, l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie n’aménagera pas de nouveaux terrains de sport en gazon synthétique sur son territoire.

« Combattre le réchauffement climatique est cent fois plus important que l’exercice physique », estime le maire François Croteau.

« Nous prenons la meilleure décision basée sur la science, ajoute-t-il. Il n’est pas question que notre administration recule sur un sujet aussi crucial. Il n’y a aucune raison qui va me convaincre d’abandonner le combat. »

Cette décision s’inscrit dans la lutte contre le réchauffement climatique parce que les terrains en gazon synthétique retiennent la chaleur lors des périodes chaudes et ensoleillées.

En revanche, elle a un impact : la réduction du nombre d’heures où les jeunes peuvent pratiquer leur sport. Un terrain de soccer en pelouse naturelle ne peut être foulé qu’une quinzaine d’heures par semaine, sous peine de se dégrader. Il devient impraticable en cas de gel et de forte pluie. Un terrain de gazon synthétique coûte beaucoup plus cher, mais on peut y pratiquer le soccer quelle que soit la saison et il peut être utilisé de 60 à 80 heures par semaine. Il permet donc de prolonger la saison de jeu, plus tôt au printemps et plus tard à l’automne.

Îlots de chaleur

En soi, les terrains en gazon synthétique ne contribuent pas de façon significative au réchauffement climatique. Ils amplifient plutôt les effets de ce réchauffement.

Leur principal inconvénient est la formation d’îlots de chaleur. La température au sol peut grimper de 10 °C par rapport aux températures environnantes et de 15 °C par rapport au gazon naturel.

Pour Pierre Gosselin, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur le sujet du climat et de la santé, l’îlot de chaleur créé par une surface synthétique est une raison suffisante pour opter pour une pelouse naturelle.

« Le nombre de journées chaudes va tripler d’ici 20 ans, peut-être plus. Ce n’est pas le temps [de] rajouter [des terrains en gazon synthétique]. On préconise plutôt de verdir et de réduire la chaleur moyenne de la ville. »

— Pierre Gosselin, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec

« Quand on ajoute un terrain synthétique, ça contribue à l’îlot de chaleur, alors qu’on devrait viser le contraire », explique Pierre Gosselin.

La Direction de la santé publique de Montréal (DSPM) est moins catégorique : « Les risques à la santé sont non significatifs pour les utilisateurs de ces terrains. Par conséquent, ceux-ci peuvent pratiquer leur sport en toute sécurité sur ce type de surfaces », assure-t-on dans un document d’information.

Selon la DSPM, les problèmes peuvent être atténués par la plantation d’arbres autour des terrains synthétiques, « un moyen efficace de réduire les îlots de chaleur, en plus d’offrir des espaces de repos à l’ombre pour les joueurs ».

Parc de la Louisiane

Rosemont compte deux terrains de sport en gazon synthétique au parc Père-Marquette, rue de Bellechasse, et au parc Étienne-Desmarteau, rue Beaubien. « Ces deux terrains suffisent aux besoins », affirme le maire Croteau. Les autres terrains de sport de l’arrondissement, hormis un espace de pratique, sont en pelouse naturelle.

Il était question de refaire le terrain de soccer du parc de la Louisiane, situé entre la 31e et la 35e Avenue, et les rues de Bellechasse et Beaubien. Le projet avait été approuvé et inscrit au Programme triennal d’immobilisations (PTI) du quartier. Il a toutefois été abandonné l’automne dernier dans la foulée de l’adoption de ce nouveau règlement, « inattendu et non annoncé », selon le directeur général de l’Association de soccer de Rosemont–La Petite-Patrie, Yves Deschênes, encore estomaqué.

« Les projets, c’est toujours long, dit M. Deschênes. [Par exemple], on a dû travailler pendant 10 ans pour avoir, finalement, un terrain au parc Étienne-Desmarteau, qu’on partage avec d’autres organisations sportives, dont le rugby et le football. »

Il y a trois ans, l’Association de soccer de Rosemont a entrepris des démarches auprès de l’arrondissement pour la réfection du terrain du parc de la Louisiane. Le projet consistait à refaire le terrain de soccer avec du gazon synthétique pour augmenter le nombre d’heures de jeu. L’Association de soccer de Rosemont est la deuxième en importance à Montréal en ce qui a trait au nombre de joueurs.

« La surface actuelle du terrain [du parc de la Louisiane] est désuète et dangereuse. On y tient quelques entraînements, mais on ne peut pas faire de matchs. Seule la partie centrale est en gazon synthétique. »

— Yves Deschênes, directeur général de l’Association de soccer de Rosemont–La Petite-Patrie

Manifestation

Lundi soir, des membres de son organisation comptent se réunir devant la mairie de l’arrondissement pour manifester leur mécontentement. Ils assisteront aussi à la séance du conseil d’arrondissement pour « informer les élus des conséquences environnementales, sociales et économiques de cette décision ».

« On aimerait savoir sur quoi l’arrondissement base sa décision, dit M. Deschênes. On veut que des experts indépendants évaluent les impacts de l’aménagement d’un terrain de soccer synthétique dans une perspective de développement durable. On est pour l’environnement, mais il y a des opinions contraires sur la question au sein même de la machine administrative. »

Ce printemps, M. Deschênes a demandé de rencontrer le maire François Croteau pour lui parler de la situation.

Le 27 juin, il a toutefois reçu une lettre de refus.

« Notre décision de bannir le plastique de nos parcs et de ne plus aménager de terrains synthétiques en est une de santé publique et de souci environnemental. Nous ne reviendrons pas sur cette orientation », lui a fait savoir le maire par courriel.

M. Croteau lui a assuré du même coup que le projet de réfection du terrain du parc de la Louisiane était toujours inscrit au PTI, mais sous la forme d’un terrain naturel : « Nous procéderons comme prévu à la réfection du terrain, sans le transformer en synthétique. Je peux vous assurer que le terrain de surface naturelle du parc de la Louisiane sera entretenu avec soin pour en permettre l’utilisation la plus optimale. »

Ni noir ni blanc

Tout le monde s’entend pour dire que les surfaces en gazon naturel restent les revêtements préférés par les joueurs de soccer partout dans le monde et qu’elles permettent les meilleures performances sportives. Le problème, c’est qu’elles sont plus fragiles et qu’elles ne peuvent pas répondre à une utilisation intense sans une détérioration des conditions de jeu.

Le budget d’entretien d’un terrain naturel est aussi plus élevé. Il est de 5 $ à 6 $ le mètre carré, selon un document de la Ville de Montréal, contre 1,50 $ à 2,50 $ pour un terrain synthétique.

Seuls 38 % des terrains de soccer montréalais sont en bon état ; 43 % sont dans un état « moyen » et 19 %, en « mauvais » état.

Selon Guillaume Grégoire, de l’Université Laval, spécialisé en infrastructures végétalisées, les deux surfaces ont des avantages et des inconvénients. « Je pense qu’il faut opter pour un mélange des deux, indique-t-il. Ça permet d’augmenter le nombre d’heures de jeu et de donner du repos aux terrains de gazon naturel qui sont dans les environs. »

Emmanuel Rondia, responsable des espaces verts et des milieux naturels au Conseil régional de l’environnement de Montréal, croit aussi que « chaque cas doit être étudié séparément ». « Il faut maximiser les espaces verts à Montréal, dit-il. Multiplier les terrains synthétiques dans les parcs n’est pas acceptable. Mais ce n’est pas blanc ou noir. »

Des terrains en piètre état

Montréal compte 353 terrains de soccer extérieur. Les trois quarts (76 %) sont dotés d’une pelouse naturelle et 17 % sont en gazon synthétique. Les autres terrains possèdent une surface mixte : pelouse synthétique, pelouse naturelle, sable ou terre battue. Selon le Plan directeur du sport et du plein air urbains de l’année 2018, « le réseau des terrains de soccer montréalais montre les signes d’une importante détérioration », en raison de leur surutilisation.

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