Santé

Cuisiner yoga

« Cuisiner yoga » ne signifie pas qu’on mange des graines de chia en équilibre sur une jambe ou dans la posture du cobra, mais plutôt qu’on applique certains enseignements yogiques à son alimentation. Une nutritionniste et une professeure de yoga se penchent sur quatre principes de la cuisine yoga.

Privilégier une nourriture chargée de « prana »

L’un des objectifs du yoga est d’augmenter son énergie vitale, soit le « prana » en langue indienne sanskrite. L’un des moyens pour y arriver consiste à choisir des aliments biologiques, fraîchement cueillis, cultivés localement et dans de bonnes conditions. « Cela réfère aussi à la qualité de présence avec laquelle une personne fait croître un aliment, le cuisine et le mange, illustre la yogi Noémie Crépeau. Souvent, on se nourrit beaucoup, mais de choses vides, de nourriture transformée ou de mauvaise qualité. Mais quand on fait ça, on nourrit quoi, si ce n’est nos émotions ? »

Ces choix alimentaires ont du sens aux yeux de la nutritionniste Karine Gravel. « On respecte l’environnement, les conditions de culture, notre corps et le goût des aliments, puisque plus ils ont été cultivés près de nous, plus ils sont frais, explique-t-elle. Cela me fait penser aux fermiers qui disent cultiver leurs légumes avec amour. C’est intéressant. » Elle apporte toutefois quelques nuances. « J’ai déjà vu du couscous bio importé de France… Même si c’est biologique, ce n’est pas le meilleur choix, si on se préoccupe de la planète. »

Manger en pleine conscience

Porter attention aux saveurs, aux odeurs et aux textures des aliments. Prendre le temps de bien mastiquer et de bien déglutir. Être conscient de la réception de la nourriture dans son estomac. Et écouter les signaux de satiété. Voilà la signification de la pleine conscience à table. « Il s’agit d’une qualité de réceptivité, dit Mme Crépeau. Cela implique aussi d’éviter les sources de distraction [télé, cellulaire, etc.] pour se concentrer sur l’acte de manger. Sinon, on n’est que dans la mécanique de remplissage. »

Ce précepte aide bien des mangeurs à ralentir le rythme. « Plusieurs personnes ont tendance à manger trop vite, ce qui nuit à la sensation de rassasiement et à la digestion, note Mme Gravel. Il faut laisser le temps au cerveau et aux intestins de communiquer. En plus, quand on mange consciemment, on s’attarde aux caractéristiques sensorielles, on est plus à l’écoute de nos préférences et plus satisfait. »

Cela dit, la prof de yoga ne prône pas la tradition bouddhiste imposant les repas en silence. « Les repas cuisinés et partagés dans la joie entre amis, c’est important. On peut être pleinement conscient dans le silence, mais c’est faisable aussi dans le partage. »

Végane et sans gluten

Si certains livres de cuisine yogique encouragent le végétalisme et l’élimination du gluten, Karine Gravel est d’un autre avis. Elle rappelle qu’en Amérique du Nord, seul 1 % de la population souffre de la maladie cœliaque et que 6 % des gens sont intolérants au gluten, alors que 30 % recherchent des aliments sans gluten. « Pour certains, c’est essentiel de le retirer. D’autres se sentent mieux sans gluten, même si la science ne peut pas expliquer pourquoi. C’est très bien d’être à l’écoute de nos besoins, mais il ne faut pas tomber dans les restrictions ni dans la privation. »

Elle-même végétarienne, Noémie Crépeau ne tient pas à ce que le reste de la population l’imite absolument. « Si ton corps a besoin de viande, donne-lui de la viande. » Elle ajoute toutefois qu’il est nécessaire d’analyser les effets de chaque aliment sur son corps. « En portant attention à ce que tu ingères, tu vas réaliser naturellement que ton poulet shooté aux hormones n’est pas optimal pour toi. Peut-être que tu peux manger du poulet bio de grains élevé en liberté une fois par semaine et te nourrir de plus de légumes le reste du temps. Au fond, il faut retrouver l’instinct du corps. »

Éviter les incompatibilités alimentaires

Boire du lait seulement à l’extérieur des repas (bye-bye, lait dans les céréales). Ne pas cumuler les féculents (le fameux pain-pâtes du régime Montignac). Éviter le mélange de légumes crus et cuits. Ces gestes nuiraient à la digestion, selon certains spécialistes. Pourtant, la nutritionniste Karine Gravel est totalement contre cette idée. « Je trouve ça farfelu. Un aliment ne contient pas juste des glucides ou juste des protéines. Et le corps est fait pour digérer plusieurs aliments de compositions différentes en même temps. »

Noémie Crépeau croit pour sa part qu’il vaut mieux faire des tests pour trouver ses propres incompatibilités alimentaires, plutôt que de suivre des règles établies pour tous. « Quand tu as mal au ventre et que tu as des ballonnements, essaie d’identifier pourquoi, fais un ajustement et ça va devenir naturel, et non une règle. Il faut faire attention à la quantité de “ne pas” et de “il faut”, parce que ça devient trop mental de manger. » Son propos rejoint celui de la nutritionniste. « Les règles alimentaires, c’est compliqué, alors que manger est censé être quelque chose de simple. »

Quelques livres sur la cuisine yoga

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