Chirurgies d’un jour

Barrette choisit une clinique privée poursuivie par la RAMQ

QUÉBEC — Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a choisi la clinique privée Rockland MD pour opérer des patients aux frais de l’État même si elle fait l’objet d’une poursuite pour facturation illégale intentée par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

La RAMQ a décidé de traîner la clinique devant les tribunaux en novembre 2013. Elle l’accuse d’avoir facturé illégalement 400 000 $ à environ 50 malades qui y ont été opérés.

La poursuite n’est toujours pas réglée. Le porte-parole de la RAMQ, Marc Lortie, a affirmé à La Presse que « le dossier suit son cours » et qu’« aucune date d’audience n’est fixée pour le moment ». Cette date devrait être connue en juin seulement, donc près de trois ans après le début du processus judiciaire.

Lors d’un entretien avec La Presse hier, Gaétan Barrette a défendu le choix de la clinique Rockland MD pour son projet-pilote, qui vise à faire appel au privé pour des chirurgies d’un jour payées par l’État. La poursuite de la RAMQ concerne « des actes passés », a-t-il fait valoir. Il a ajouté que le projet-pilote exigera de la « transparence » de la part de Rockland MD. Elle devra fonctionner « à livre ouvert ».

« La poursuite n’est pas une question de non-transparence, c’est une question de non-observance théorique de règlement. Ça n’a aucun rapport », a-t-il affirmé. « Leur passé, c’est leur passé. Prospectivement, c’est transparent », dans le cadre du projet-pilote.

TROIS CLINIQUES

Le ministre a annoncé son projet-pilote mardi. Trois cliniques privées ont été sélectionnées pour y participer. En plus de Rockland MD, il y a le Groupe Opmedic et la clinique Chirurgie DIX30. Il n’y a pas eu d’appel de projets ou d’appel d’offres. Le procédé est conforme à la Loi sur la santé et les services sociaux, a indiqué l’attachée de presse de M. Barrette, Julie White.

Si ces trois cliniques ont été choisies, c’est parce qu’elles offrent « un environnement comparable au milieu hospitalier avec des équipements de même niveau » et « une variété de chirurgies ». Le ministre a sollicité lui-même les cliniques, comme l’a confirmé la clinique Chirurgie DIX30.

Gaétan Barrette n’a pas abordé la question de la poursuite lors de ses échanges avec Rockland MD.

« Il n’y a eu aucune discussion à cet effet-là. Ça, c’est leur passé, c’est leur problème, pas le mien. Ce n’est pas moi qui vais régler ça. »

— Gaétan Barrette, ministre de la Santé

Le ministre estime à « environ 4 millions de dollars » par année le budget pour le financement des activités du projet-pilote. L’article 24 du projet de règlement publié dans la Gazette officielle du Québec précise que « chaque clinique sera financée selon les dépenses réelles engagées (coûts directs et indirects) pour produire les services visés ainsi qu’une marge de profit ». Le ministre a indiqué qu’il négociera avec les cliniques privées la valeur des profits. « La marge ne pourra en aucune circonstance excéder 10 % », a-t-il précisé à l’Assemblée nationale, hier.

LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES HÔPITAUX

Le projet-pilote débutera en mai et durera jusqu’au 31 décembre 2018. Cinq régions sont concernées : Montréal, la Montérégie, Laval, les Laurentides et Lanaudière. Le projet-pilote sera réalisé avec des chirurgiens des établissements publics. Des patients se verront offrir la possibilité de recevoir une chirurgie d’un jour ou une procédure sous scopie dans l’une des trois cliniques plutôt que dans un hôpital. Les chirurgiens des hôpitaux iront faire les opérations dans les cliniques privées concernées.

Selon M. Barrette, le projet de loi vise à réduire les listes d’attente, mais aussi à amorcer sa réforme du financement des hôpitaux. En vertu de cette réforme, le gouvernement veut financer les hôpitaux à l’activité plutôt que sur une base historique. Le projet-pilote permettra de comparer les coûts de chirurgies d’un jour entre les hôpitaux et les cliniques privées. Il fournira des indicateurs permettant d’ajuster le financement des hôpitaux, selon le ministre. Au bout du compte, il prévoit « des centaines de millions » de dollars d’économies.

La clinique Rockland MD n’a pas rappelé La Presse. Son propriétaire, Fernand Taras, a plaidé dans le passé qu’il conteste les allégations de la RAMQ. La clinique a fait les manchettes dans les dernières années en raison de son partenariat public-privé avec l’Hôpital du Sacré-Cœur pour effectuer des interventions chirurgicales. Cette entente a pris fin l’automne dernier.

Rappel de la poursuite

De 2010 à 2013, la clinique Rockland MD aurait vendu à au moins 49 patients en attente d’une opération chirurgicale assurée par la RAMQ, donc payée par l’État, des « forfaits santé » qui coûtaient entre 250 $ et 18 750 $. La clinique facturait un service téléphonique postopératoire offert par une infirmière, des séances d’enseignement et un service téléphonique d’urgence 24 heures sur 24. Les patients devaient obligatoirement acheter le forfait avant d’être opérés. Cette pratique est illégale, soutient la RAMQ. Elle a remboursé 398 000 $ à des patients qu’elle estime lésés et veut récupérer son argent auprès de la clinique.

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